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Chapitre 6 | Amélia
C’est moi qui sonne, Toni est resté derrière moi. Elle ouvre et, aussitôt, lève la tête et plante ses yeux dans les miens.
- « bonjour Adrien »
- « Bonjour Amélia » et elle poursuit « allez, on s’embrasse ».
Aussitôt, elle agrippe mon épaule pour plier mon mètre quatre-vingt-sept à sa hauteur et m’en claquer une sur chaque joue. Elle s’efface pour nous laisser entrer puis nous houspille pour nous faire avancer.
- « ouste, j’ai quelque chose sur le feu ». Elle ajoute « je vous préviens, je n’ai rien fait de spécial, j’ai fait comme pour Toni » Je ris :
- « vous dites que … vous avez fait comme pour votre fils … »
Piquée, elle relève la tête, le menton en avant, plonge ses yeux électriques dans les miens, quelques secondes. Mais, avec un demi sourire, je lui dis :
- « merci Amélia ».
Alors, elle repart, toujours raidie et pourtant, j’ai cru déceler une lueur de satisfaction dans son œil.
- « oh, vous savez, je m’entendrai peut-être mieux avec un gendre qu’avec une bru »
- « Amélia ! »
- « … »
- « Amélia, dites-moi TU, s’il vous plait »
Elle suspend son geste, me regarde à nouveau comme si elle me transperçait mais je désarme son regard par la constance de mon sourire. Elle replonge les yeux et les mains dans sa préparation, dodelinant de la tête :
- « bon, ça va pas être facile mais je vais m’appliquer »
Puis elle bascule vers l’arrière, en appui sur sa jambe droite, tend un peu le cou pour parler par-dessus mon épaule et me contourner :
- « Toni, montre-lui et mettez la table, tous les deux »
Et elle me chasse d’un petit vent de la main … Elle vaque, toujours en mouvement, crevant d’envie de poser mille questions, inquiète ou curieuse ? Les deux sans doute, mais je ne sens aucune hostilité. Elle aime son fils, inconditionnellement. Alors, je rebats un peu les cartes :
- « Amélia, vous savez prendre les transports en commun, vous venez parfois faire des courses. Vous êtes la bienvenue chez nous, n’est-ce pas Toni ? »
Il opine et pourtant … j’ai capté son hésitation.
Dans la voiture, j’y reviens :
- « tu n’es pas invité comme à l’hôtel, Toni. Tu as les clés et c’est désormais TA maison. Ce soir, si tu es toujours ok, on partage les placards et on ajoute ton nom sur la boite aux lettres. Je ne sais pas ce que nous deviendrons car « En ce monde, rien n’est certain sauf la mort et les impôts* » mais ce que je sais, c’est que cent pour cent des gagnants avaient acheté un billet, ils ne se sont pas contentés de se dire qu’ils pourraient le faire. Alors on ne va pas regarder passer les trains, je veux qu’on essaie vraiment, … et que ta mère puisse venir chez nous. » Je ris : « pour la rassurer sur le sort de son fils chéri. »
En silence, il bascule latéralement dans son siège pour poser quelques secondes sa tête sur mon épaule.
*Benjamin Franklin (1706/1790) : humaniste, écrivain, scientifique et politique qui participa à l’écriture de la Constitution des Etats-Unis d’Amérique. Ambassadeur en France, il obtint de Louis XVI l’envoi d’une armée de soutien aux américains indépendantistes, commandée par La Fayette.
Amical72
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