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Saison 2 | Chapitre 1 | Vétérinaire
Je laisse le patron aller accueillir le visiteur imprévu en me rajustant. Je remets en ordre la brouette et ma fourche abandonnées précipitamment et rejoins la cour par une autre porte. Un gros Tous Terrains encombré de caisses en vrac y est stationné en travers. Attiré par des murmures de voix, je m’approche des paddocks. Le patron se tient à la tête d’une jument attachée à la lice qu’un homme accroupi examine. Pas très grand, solidement campé sur ses jambes, il porte des chaussures bateau et une veste huilée verte. Il se redresse, fait claquer sa main à plat sur le flanc de l’animal et déclare « tout va bien pour elle » avant de se tourner vers moi qui approche. Les cheveux châtain clair, courts et frisés, la mâchoire carrée et contractée, les lèvres fines, le regard clair et un peu absent, il me tend brusquement une main sèche et étonnamment ferme : « docteur Moreau » dit-il d’un ton abrupt. Comme je réponds « Julien Bonnet », il relève vers moi un regard qui me semble maintenant teinté d’un soupçon d’humour « Ah, c’est toi le fameux stagiaire… » puis, pour le patron « là, on peut dire que ça fait causer, Lecourt, tout le canton s’interroge, ça les occupe » Il a une mine réjouie mais n’en dira pas plus sur le sujet, comme s’il donnait une simple information, sans juger ; pourtant je vois que le patron accuse le coup.
Revenant à moi, il pose une main sur mon épaule et me dit « Dis donc, il parait que tu travailles un peu les chevaux et que tu es cavalier, si on allait voir ta jument ». Noisette se laisse facilement approcher et docilement licoler. Il l’examine soigneusement, commençant par la bouche puis la parcourant du plat de la main, prenant les pieds l’un après l’autre. Puis il me demande de la faire marcher, trotter en main. Il lui passe un filet et je l’aide à deux mains pour monter à cru. Il électrise aussitôt l’animal par des ordres secs : elle cède sous la main et allonge le pas, mais le rompt bientôt en trottinant. Il la repasse fermement au pas, avant de la faire repartir au trot aux ordres, puis de demander quelques foulées de galop. Sur le sol inégal, la jument s’engage naturellement avec un bon équilibre. Quand il l’arrête net, presqu’au carré, on la voit frémissante puis elle se calme rapidement. Il descend d’un saut de voltigeur et me tend les rênes « tu as là une bonne bête, au pied sûr, avec du jus et du potentiel, si tu sais la faire travailler juste » Il m’invite alors à me joindre à un petit groupe de cavaliers d’extérieur qui n’ont « pas peur de sortir du bac à sable », hors de la sécurité de la carrière de sable, quoi. Son petit sourire en coin, le ton de sa proposition sont presqu’un défi et me font sourire. Je la joue modeste et j’accepte bien volontiers, plutôt flatté. La franchise de ce petit mec pète sec qui pose les choses frontalement, ne s’embarrasse pas des circonvolutions de la bienséance et plante ses yeux directement dans les miens me convient parfaitement : je ne suis pas susceptible quand les remarques sont fondées et me permettent de progresser. Quand il part, il salue le patron de son patronyme «allez, salut Lecourt », sec, sans le « monsieur » d’usage avec les gros propriétaires et me gratifie, moi, d’un « à bientôt, Julien » presque chaleureux que le patron, amusé, ne manque pas de noter.
Je me tiens à distance pour que le patron ramasse lui-même les licols et j’entre à sa suite dans la sellerie. Et là, sans lui laisser le temps de se libérer les mains, je me colle à lui et l’empêtre « ce stagiaire, là, patron, c’est suspect » Il rétorque avec une moue « juste un garçon sérieux et bosseur qui prépare son BTS » et il détend tout son corps comme un ressort pour me décoller de lui et m’envoyer valser, comme s’il repoussait aussi les cancans. Mais je retombe sur lui en pesant comme une masse totalement abandonnée, inerte. Mon bras s’applique le long de son corps et ma main remonte jusqu’à trouver sa braguette et la pétrir. Je souffle « je suis certain que tu as envie de le baiser » Il ronfle « gredin » mais je sens bien que j’ai gagné : sa tige se dresse et son souffle est court. J’ai envie de sexe avec lui, là, maintenant et sans ambages. Tomber la cotte et m’allonger sur le dos, cuisses écartées et relevées, pour exhiber ma raie velue face à lui qui déboucle sa ceinture et me regarde avec un demi sourire. Et dans un flash, je le revois, il y a quelques mois, arrivant au lycée pour cette journée des maîtres de stage et me dire « bonjour » ; c’était le même regard. Saisir d’une main sa queue brandie, à peine a-t-elle jailli, pour l’attirer à moi. Cracher dans ma paume et m’enduire la raie, me ficher un doigt tandis qu’à son tour, il laisse filer sa salive pour faire reluire son gland qu’il promène ensuite dans ma raie. Ajouter encore de la salive et le provoquer : « entre donc ! » Sentir son pouce qui écrase ma rondelle et la vrille. Souffler profondément et pousser pour aider son doigt à glisser à l’intérieur de moi et, aussitôt après, son gland baveux se positionner à l’entrée. Me concentrer en attendant la petite crispation et patienter le temps de me détendre. Ses mains chaudes qui me moulent les fesses et son poids qui m’ouvre lentement dès que je trouve l’inclinaison idoine du bassin. Cette chaleur qui revient, ma queue qui se redresse, ces petits éclairs de plaisir. Mes deux mains qui l’empoignent, ma jambe gauche qui se replie dans ses reins : je le sens fiché en moi, je nous sens unis par cette barre chaude ; j’entrouvre les yeux et, par cette mince fente et je le vois, attentif à mes réactions, déjà ondulant avec souplesse et je me tends d’un coup, tête renversée dans une profonde expiration, pour le ficher au fond de moi et m’abandonner à la houle. Je le libère et il entame un mouvement ample et son habituelle mélopée « Là, là, ça va aller » d’une voix si basse qu’elle en tremble. Et moi, j’ai de petits éblouissements derrière les paupières.
Non, ça ne dure pas quarante-cinq minutes. Non je ne mouille pas du cul comme une fontaine. Non, je ne prends pas mon cul pour une chatte. Enculé, je reste un mec, un poilu qui grogne et s’agite sous les petits électrochocs du plaisir et je sais que c’est d’ailleurs l’expression de ce plaisir qui décuple le sien. Il parait maintenant quasi s’immobiliser, presque fébrile, les yeux mi-clos, il souffle mon prénom comme pour se retenir. Puis il ouvre grand les yeux, se rassemble, m’enfonce de quelques coups brefs et termine dans un soupir de soulagement, quelques sursauts en saccades et une gerbe. Dans le bref moment d’absence qui suit où il flageole, je me contracte, me serre et le retiens. Je garde en moi tout ce que je peux comme une griserie qui déjà se dissipe. Il se dégage et je me redresse, me coule contre lui qui m’entoure de ses bras. Les fesses gluantes, je ris « que vont-ils encore penser ? » et je lis son trouble. « Tu ne peux pas empêcher leurs âmes noires et jalouses d’imaginer les pires choses. Ignore-les, ils sont en dessous de la vérité ».
Moi qui suis issu d’une famille d’ouvriers traine savate, pauvre et rouge, j’ai quelquefois surpris ce léger dédain condescendant, notamment de la part de culs coincés, souvent bigots de surcroit. Mais ils ne peuvent nous interdire de jouir de la même vie que celle dont ils sont dotés. Devons-nous nous résigner à nous en priver sous le poids de leur seule désapprobation ? Il me faudrait ainsi renoncer de mon propre chef à ce qui m’apparait comme une conquête sur moi-même sous la pression de leur seule morale ? Qu’ils n’y comptent pas, ce serait un comble !
Amical72
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