1 | Moi aussi !
Le récit de Julien
Après ce dîner à la bonne franquette chez Adrien, nous rentrons aux Chênaies. Je conduis un peu distraitement de la main droite, le coude gauche accoté à ma portière.
Mes pensées reviennent à Toni qui nous a rejoint sur la terrasse de l’Ambassade.
A le voir aussi solaire, joliment vêtu de neuf, soudain, une image lubrique m’est venue. Un flash : je l’ai imaginé nu, se plantant souplement sur ma bite dressée, et moi en vieux loup de mer, attentif à son visage concentré, à son souffle court de jeune homme plein de sève, à ses appétits, le guidant pour décupler son plaisir de mousse empalé sur mon mat.
Il émane de ce garçon quelque chose d’infiniment gourmand et je suis persuadé qu’il ne boude pas son plaisir, qu’il est un « bon coup » pour peu qu’on sache l’y encourager. Je ne cessais de l’observer du coin de l’œil et je l’ai vu s’asseoir à côté d’Adrien, le regard que celui-ci pose sur lui confirmant mes suppositions. J’ai surpris leur contact furtif et complice et je suis revenu sur terre en me disant qu’Adrien a bien de la chance, que c’est dans l’ordre des choses et des générations … avec une pointe de nostalgie.
Mais ce que je n’imaginais pas, c’est que le fripon est d’ores et déjà installé et qu’il se comporte avec une telle aisance, en co-maître de maison, et à l’invitation d’Adrien. Ainsi, je découvre « mon » Adrien amoureux et engagé ! Le cachottier.
Et je m’en félicite ! Pour eux, mais aussi de constater qu’ainsi, aujourd’hui, une vie commune entre deux hommes – comme probablement entre deux femmes - semble s’établir aussi simplement que pour un couple hétéro.
Et puis il y a eu cette déclaration …
- « Arnaud ? »
- « … »
- « Dis-moi, ton intervention ... ? »
Par de petits coups d’œil dans le rétroviseur, je le vois se redresser, en alerte.
- « J’ai été maladroit, je sais que j’ai gâché la soirée, excuse-moi, mais … »
- « Non, mais tu nous as surpris, assurément ! Explique-moi. Hier encore, tu souhaitais ne rien dire à personne. »
Il secoue la tête, se redresse, se casse à nouveau, hésite, se tait puis reprend sur une brusque inspiration sonore.
- « Je ne sais pas comment vivre avec ça ! J’avais besoin de le dire à quelqu’un, à voix haute, sans doute, pour le reconnaître moi-même. »
Puis il se précipite :
- « Mais je l’ai dit seulement devant eux, parce qu’eux aussi, ils sont … »
Je hoche la tête. Pour le moment, il est encore inutile que je revienne sur … Cependant !
- « Mais tu avais l’air accablé, presque douloureux ? Est-ce quelque chose que tu subis, une pulsion à laquelle tu ne sais comment résister et qui t’afflige? »
Il sursaute, s’agite, proteste. Véhément.
- « Non, non, Julien ! Au contraire, je … »
- « Au contraire, tu… ? »
- « Tu es très gentil, très patient. »
- « Je suis gentil et patient, ok ! Et donc, tu … »
Il croise mon regard dans le rétroviseur et je vois qu’il sait ce que j’attends. Ses paupières papillonnent, il rougit probablement. Je souris et reprends :
- « Donc, comme je suis gentil et patient, tu … aimes … »
Il se penche précipitamment vers moi et me souffle :
- « J’aime coucher avec toi ! »
Il a, tout aussi rapidement, retrouvé sa place dans son siège de passager et, raidi, garde le regard droit devant lui. Mais je proteste.
- « Non, non, non ! Ce mot que tu as été capable de prononcer, je veux l’entendre de nouveau, pour que les choses soient clairement énoncées entre nous deux ! »
Il casse sa nuque, la tête basculée vers l’avant comme en pénitence.
- « J’aime quand tu m’encules Julien ! »
- « Bien ! Et moi aussi, j’aimerais que tu m’encules, Arnaud ! »
Il a sursauté, comme frappé au ventre. Je ris.
- « Les choses ne sont pas aussi simples que certains voudraient le croire. Il n’y a pas, d’un côté, les « enculés », méprisables parce que pénétrés et, de l’autre, les enculeurs, qui vont jusqu’à se défendre d’être homos ! Pour baiser avec un mec, il faut, au minimum, un peu de désir, non ? Alors j’assume ! Je suis gay ! Et moi aussi, je suis un enculé ! »
Je pose ma main sur sa cuisse que je caresse en silence.
- « Et je compte bien me prendre ta jolie queue rose dans le cul, mon roudoudou ! » *
* Et pourtant, « je suis complètement normal, complètement banal » par Eddy de Pretto.
Amical72
amical072@gmail.com
Autres histoires de l'auteur :