Chapitre 1 | Apéro-capotes
Dès notre première rentrée au lycée agricole, Romain et moi nous sommes instantanément reconnus. Outre que nos patronymes nous rapprochaient dans la seconde partie de la liste alphabétique, nous étions physiquement proches et pourtant singuliers : tous deux grands, déliés et athlétiques, lui blond châtain clair aux yeux bleus et moi brun aux yeux noisette ; lui souriant et moi plus distant ; lui du sud avec ses vignobles, moi du nord en zone d’élevage, mais réunis par le gout des chevaux ; tous deux héritiers du domaine, moi parce qu’enfant unique, lui précédé et suivi par une fille autrement dit seul mâle de la fratrie. Et au premier regard échangé, la certitude que nous avions croisé cet autre soi-même dont, l’un comme l’autre, désespérions qu’il existât, fit de nous des amis complices sans jamais être amants. Moi je devais par la suite renoncer à être le successeur quand Romain se conformait à l’attente familiale et épousait pour prolonger à son tour la lignée sans que jamais notre indéfectible amitié se trouve désavouée. Elle s’était forgée dans le partage de moments forts où nous avons conquis expérience, assurance et autonomie et, une quinzaine d’années plus tard, nous continuons à nous retrouver naturellement, rassemblant nos tribus respectives, pour des moments de complicité. Pour nous lâcher aussi, comme avec ces « apéros capotes » où chacun amène sa, ou ses dernières conquêtes ou dans l’espoir de, pour un moment arrosé et chaud. TRES chaud.
Romain, marié et père de famille, mène une vie indépendante. Grand, blond et lisse, sa carrure de sportif, son regard clair et direct, le sourire qui éclaire sa figure halée par la vie au grand air, ses tenues décontractées en font une sorte de gendre idéal. Sa discrétion empêche que les rumeurs n’entachent trop sa réputation de séducteur et, surtout, ne précise le sexe de ses conquêtes.
Moi, à peine plus grand, sportif et paraissant plus mince, châtain foncé avec une pilosité qui me dévore visage et cou et se poursuit en broussaille sur le torse, les yeux sombres, j’ai cette politesse distante mais amène assortie à mes costumes de cadre et mon sourire tranche sur mon habituel sérieux et retient l’attention. J’ai une réputation de célibataire endurci sans jamais avoir affiché de liaison ni d’inclination. C’est Nicolas qui nous reçoit dans cette grande maison rétro. Idéalement à l’écart, avec ses dépendances et son parc clos de murs, elle offre un cadre discret, l’été sous les tilleuls et l’hiver dans son grand salon, à des apéros où l’alcool, et parfois d’autres choses, circule en abondance. Nicolas est le troisième larron, il était un an en avance sur nous au lycée mais n’a pas tardé à se joindre à nous. Pas très grand, c’est une force de la nature et sa chemise semble toujours trop étroite pour ses épaules … et aujourd’hui sa brioche naissante de solide mangeur. Cheveux tondus pour réduire sa calvitie et chemise ouverte sur sa pilosité, l’œil pétillant, il est toujours en mouvement et débraillé. Devenu commercial, il reste l’homme le mieux informé que je connaisse : vie privée, vins de Bourgogne ou restaurant à la mode, rien ne lui échappe ! Il nous avait d’ailleurs permis une rapide intégration dans les aspects les plus discrets de l’internat du lycée. Sa polyvalence et son appétit sont légendaires et sa disponibilité en a fait le double de Romain. Il accueille chaque invité et lui remet un bracelet et un jeton numérotés contre le dépôt des papiers, clés et autre portable, mis à l’abri par ses soins. Il se fait un devoir de contrôler par palpation les invités, histoire de donner le ton de la fête.
Damien nous a rejoints, c’est un quadra élégant et très attentif à son apparence qui a su rester mince. Blond aux yeux bleus, il arbore un léger bronzage toute l’année et c’est un modèle de courtoisie et de discrétion. Et puis il y a mon pote Omar, un sénégalais installé depuis longtemps : pas très grand mais très costaud, cheveux et barbe crépus et tondus court, la peau très noire, Omar est toujours souriant et affable … mais intraitable ! C’est un commerçant né qui sait se créer un réseau d’obligés dont il joue avec habileté. Il est toujours flanqué de jeunes africains bien disposés. Ce soir un seul l’accompagne, Éric. Pas très grand, mince et souriant, il semble encore intimidé.
Puis arrive le groupe de jeunes rencontrés à la fac lors d’une récente intervention : je vois entrer Thomas, un grand garçon dégingandé, la peau très blanche, les cheveux blond roux hirsutes, avec des lunettes un peu de travers, Kévin, un grand sportif brun à peau mate et lisse avec un sourire ravageur et Radouane, un beur mince aux grands yeux sombres ourlés de grands cils. Ces jeunes gays m’avaient abordé et je les ai invités à cette soirée, ignorant s’ils accepteraient d’y venir. Je vois avec satisfaction qu’ils ne sont pas effarouchés par la perspective d’une soirée cul avec des trentenaires qui leur offrent un verre… Comme je m’avance vers eux pour les saluer, je vois que Thomas a repéré Romain à qui je le présente tandis que Radouane reste en retrait et observe. Kévin m’aborde directement avec son sourire number one et je ne sais quoi de suffisant dans le regard qui m’irrite et me place aussitôt à distance. Il me dit que nous avons la chance de nous retrouver et de pouvoir discuter et avance comme en terrain conquis. C’est un beau garçon à qui je donne vingt-deux ou trois ans, il mesure un peu plus qu’un mètre quatre-vingts mais reste plus petit que moi. Il a la peau mate, lisse et une jolie stature. Très brun, ses yeux sombres dardent un air un peu arrogant face auquel je me dis que je voudrais bien le voir entre les mains de… Mais justement, Nicolas et Omar s’approchent et le complimentent à leur tour et j’en profite pour m’éclipser en désignant d’un geste celui qui vient d’arriver et que je vais immédiatement saluer tandis qu’eux vont prendre un verre. J’éprouve une jubilation à revoir Toni. Je peux m’avouer, maintenant qu’il est là, que sa défection m’aurait attristé. Et je suis happé par l’élan qui me porte vers lui.
Toni porte la tenue de l’équipe de football portugaise : le maillot rouge marqué d’un liseré vert au col, frappé du numéro 7 de Ronaldo et le short assorti qui laisse découvrir la naissance du muscle droit de chaque cuisse. Je soupçonne qu’il vient de se changer et je le complimente. Il rosit, baisse les yeux, m’adresse un de ses charmants sourires et me déclare que je n’ai encore rien vu mais je devine le harnais sous le maillot. Depuis notre rencontre à la fac et ce qui en a suivi, je connais maintenant beaucoup de choses de Toni, depuis sa taille d’1.78m jusqu’à son intimité. Il est athlétique, un peu lourd, très brun, sa tignasse hirsute est indisciplinée mais son sourire illumine son visage.
Je l’invite à rejoindre le buffet et le laisse prendre deux pas sur moi pour mater ses belles fesses que j’ai déjà longuement appréciées, que je devine sous le short. Il relève alors furtivement son maillot à deux mains sur ses reins et me dévoile la ceinture du jock-strap que je lui ai offert, au-dessus de celle du short. Ma main glisse subrepticement sur la bande de peau ainsi dévoilée et je lui glisse à l’oreille un « très sexy » qu’il couvre d’un « salut » à destination de Damien à qui il claque deux bises sonores, ce qui lui vaut un coup d’œil noir de Kévin qui m’envisage aussitôt. Toni fouille dans le col de son maillot et extrait une chaine avec la petite plaque arc en ciel que Damien lui a offerte. Je le vois rougir quand celui-ci lui glisse un mot à l’oreille et, tête baissée, il me jette un regard par en-dessous. En deux pas, je suis à ses côtés. Je propose un verre à Damien, puis à Toni et nous trinquons cérémonieusement. J’attire Toni tout contre moi d’un bras autour de sa taille au prétexte de me saisir des crackers derrière lui. Je les propose ensuite alentour avec un sourire en le gardant quelques instants serré contre moi. Puis je laisse Toni, gêné, reprendre ses distances mais j’ai capté son échange de regards tendus avec Kévin. Damien bavarde en tenant la plaque rainbow entre ses doigts et je fais un pas de côté. Toni tend le bras comme pour me retenir et je me retourne les yeux plantés dans les siens, un sourire aux lèvres. Damien a saisi et sourit à son tour.
Je sors et Toni me suit. Une fois seuls, je lui demande : « tu es venu pour qui, Toni ? » Tête baissée, lançant de brefs coups d’œil vers moi sitôt rebaissés, il répond « pour toi … j’espère… » je m’approche de lui, lui relève la tête de deux doigts, approche mon visage pour effleurer ses lèvres avec les miennes, pose mon autre main sur son épaule et glisse sur le harnais que je saisis, puis plus bas sous le maillot pour caresser sa peau sous la ceinture du jock, puis encore sur sa fesse… Je lui demande « tu le portes ? » Il souffle « oui » Je me colle alors à lui et plaque sa main sur ma braguette qui s’est soudain gonflée alors que ma main glisse dans sa raie pour vibrer ce plug que je lui ai laissé ce matin : « j’aimerais Toni, que tu me ramènes tout à l’heure, si tu veux bien conduire » Je plante mes yeux dans les siens avec un sourire « tu veux bien ? » Il semble un peu rasséréné et acquiesce. Je l’embrasse délicatement et lui dis qu’auparavant, nous allons profiter de cette soirée.
Amical72
amical072@gmail.com
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