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3 | La beauté facile
Le récit de Julien
Après notre douche canaille, j’ai conduit Arnaud jusqu’à mon lit où il a aussitôt sombré dans le sommeil. Je suis revenu me rincer sous l’eau chaude, puis, frictionné, séché, j’ai rejoint la couche.
Allongé face à Arnaud, je le regarde dormir dans la lumière indirecte de la lampe. Il est couché sur le côté et je ne peux résister à l’envie d’écarter un peu la couette pour le contempler à mon aise. Il a joint ses poignets qu’il tient emprisonnés entre ses cuisses repliées à l’équerre. Ses épaules rondes sont refermées, un sillon vertical se dessine sur la peau ainsi fripée de son torse au repos entre les muscles affaissés, soulevé par sa respiration régulière et je risque un doigt pour l’effleurer. Léger comme le souffle qui le berce.
« J’ai la beauté facile et c’est heureux » *
Pauvre homme ! Il est pris entre des injonctions si fortes et tellement contradictoires que chaque émotion parait l’épuiser. Alors, il s’endort. Est-il de taille à s’assumer ou s’est-il engagé dans une fuite éperdue de lui-même ? Je dois pourtant me retenir de tout apitoiement. Mon doigt fait crisser la barbe dorée sur sa joue quand il ouvre les yeux et s’étonne :
- « Tu ne dors pas ? »
Puis il s’étire, rabat un bras vers l’arrière en déployant son torse sec qui se redessine, replie l’autre dont la main vient soutenir sa joue. Ses yeux, mobiles, m’envisagent et remontent dans les miens. Il sourit d’un air doux.
- « Je n’avais jamais imaginé que je partagerais un jour le lit d’un homme … » Il me désigne d’un coup sec du menton : « surtout aussi poilu ! »
- « Et qu’en dis-tu ? »
Il hausse les épaules. Ses yeux reviennent plonger dans les miens et leur bleu n’est pas une couleur froide, c’est un bleu candide et frais. Confiant.
Ses cuisses ont glissé vers le bas, dans un bruit de drap lissé qui attire mon attention ; elles ont ainsi dévoilé, dans un silence qui vaut réponse, une franche érection qui tend son joli bâton couronné d’un bouton de rose. Je n’ai qu’à faire coulisser mon bras ; mes doigts s’emparent de sa hampe qu’ils enveloppent et son gland suintant se niche dans le creux de ma paume. Mes discrètes torsions du poignet lui arrachent un soupir. Il a fermé les yeux.
- « J’ai honte : … J’ai encore envie … »
Mon éclat de rire m’a fait retomber sur le dos, le regard au plafond.
- « Tu as honte d’avoir envie ? Mais, Arnaud, l’appétit est notre carburant, ce qui nous rend vivants, joyeux, … Ce qui nous fait lever chaque matin. Et l’envie est contagieuse, fort heureusement, elle devient commune et nous rapproche. »
Je m’enroule sur mon épaule droite ; ma main, tenant toujours sa queue, a repris ses petites cajoleries. La bouche à son oreille, je murmure :
- « Et de quoi as-tu envie, Arnaud ? »
Il a tourné son visage vers le matelas qui étouffe son murmure. J’insiste :
- « Dis-moi ! »
Il choisit alors de se retourner, dos à moi et de venir plaquer son joli cul contre mon bas ventre, avec un frétillement plus éloquent que n’importe quelle déclaration. Ma main vient englober sa fesse et je fais pivoter mon poignet pour la mouler, la pointe de mes doigts balayant sa raie, y glissent et mon majeur trouve son étoile, ourlée, souple que je caresse délicatement.
Puis ma main glisse sous sa cuisse et la relève. Mon genou se place en soutien de cette position et libère ma bite qui vient battre la face interne de son autre cuisse. J’ai tendu le bras pour m’emparer du lubrifiant*² et la fraîcheur de ce contact le fait geindre. Il redouble, un ton plus haut, lorsque mon doigt le pénètre pour chercher ce point qui, à peine effleuré, lui fera aussitôt suspendre sa respiration, alors qu’une nouvelle noisette de gel autorise un deuxième doigt à se joindre au premier. Souplement, lentement, … il ventile, cherche la posture la plus favorable, roule des hanches, prend appui, se redresse et s’aligne …
Mon pouce prend le relais. Sa cambrure, sa pulpe charnue en font un instrument redoutable qui soulevait Lecourt à tout coup. Et il semble qu’il est tout aussi efficace quand il plonge dans le rectum du rouquin, là ! lequel s’asphyxie quand mes brèves pressions lui rabotent le conduit. Il est si doux et velouté que c’en est un bonheur. Il palpite, parcouru d’ondes qui me massent délicieusement le doigt.
- « Et maintenant, Arnaud ? »
J’ai retiré mes doigts pour ne jouer qu’avec son sphincter, esquivant ses reculades qui visent à me faire plonger à nouveau en lui, me contentant de cultiver l’élasticité de l’anneau prêt à m’accueillir. Il rugit sourdement, poussé par un soudain afflux d’énergie. *3
- « Mets-moi ta queue, Julien ! »
*un des vers les plus célèbres de Paul Eluard, il ouvre le poème « la parole » paru dans « répétitions » en 1922 et est repris dans « Capitale de la Douleur » publié en 1926. Lire ici. Hors toutes les exégèses savantes, je l’ai toujours entendu comme une facilité à voir la beauté même discrète dans ce qui nous entoure, une prédisposition à être heureux.
*² Pourquoi et comment utiliser un lubrifiant ? Quelques réponses indispensables, ou encore ici, plus spécialisé.
*3 En 1984, « Franckies goes to Hollywood » publie « the power of love » qui célèbre la puissance de l’amour « Love is like an energy / L'amour est comme une énergie / Rushin' in… rushin' in…inside of me / Qui court... court... en moi » .
Amical72
amical072@gmail.com
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