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14 bis | Notule : Droits LGBT, ici et ailleurs
Julien en est convaincu : nombre de jeunes gens se sentent encore coupables quand ils découvrent leur inclination, et ce n’est pas le récit de Jérôme qui pourra convaincre du contraire.
Aussi lui apparaît-il essentiel que, pour eux, nous nous tenions debout, visibles tel des témoins offrant des représentations à la fois proches, accessibles, variées, au rebours des caricatures qui servent encore de repoussoir. Qu’en pensez-vous ?
L’occasion de nous rafraîchir la mémoire avec quelques unes de « nos » conquêtes :
Le deux septembre 1791, en France, au lendemain de la Révolution, l’Assemblée Nationale décrète la réunion des lois civiles dans un seul code et charge Cambacérès de présider à sa rédaction. Est-ce grâce à la déclaration des Droits de l’Homme ou à l’influence de cette personnalité que les pamphlets surnomment « tante Turlurette », aucune répression de l’homosexualité n’y est évoquée, c’est donc la fin du « crime de sodomie » condamnant « au feu »/ au bûcher toute pratique sexuelle ne visant pas la reproduction. Aucun des régimes qui se succéderont ensuite ne remettra cette disposition en cause.
Cependant, le 6 août 1942, à la demande de l’amiral Darlan, le maréchal Pétain, chef de l’État Français, signe une ordonnance qui, au prétexte de protection des mineurs, porte la majorité sexuelle à 21 ans pour les relations homosexuelles (mais elle reste à 13 ans pour les autres) et ouvre à une discrimination répressive. La disposition sera maintenue à la libération par le gouvernement provisoire très conservateur et, en 1960, le député Paul Mirguet fera adopter un amendement qui range l'homosexualité au rang de "fléau social", à l'instar de l'alcoolisme et la tuberculose.
Le 4 août 1982 : Gisèle Halimi et Robert Badinter font voter par l’Assemblée Nationale l’abrogation de la loi du 6 août 1942. La majorité sexuelle est à présent fixée à 15 ans pour toutes et tous. Cette abrogation est souvent présentée comme la “dépénalisation de l’homosexualité”. Or il faut rappeler que c’était la pratique de la sodomie qui était condamnée jusqu’en 1791, mais que l’homosexualité n’a jamais été pénalisée en France, à la différence de l’Allemagne ou de l’Angleterre.
Il faut noter que le néologisme « homosexuel » apparaît pour la première fois dans un pamphlet allemand rédigé en 1869 par un militant austro-hongrois, Karl Maria Kertbeny, pour convaincre l’opinion publique et les autorités prussiennes que, parce qu’il s’agit d’une condition innée et non pas d’un choix, les relations sexuelles entre hommes ne devraient pas être pénalisées (art. 143 du code pénal prussien qui, sous l’impulsion de Bismarck après la réunification de l’Allemagne deviendra le fameux article 175 en 1872).
En France, il y aura, à compter de ce 4 août 1982, une inversion de l’objectif de la législation qui, petit à petit, passera de la répression à la protection des minorités LGBT et combattra les discriminations dont elles font l’objet pour tendre à l’égalité.
Cependant, le combat n’est pas terminé.
Parmi les dernières avancées, citons le 1er janvier 2018, la levée de l’interdiction des soins funéraires de conservation prodigués aux défunts atteints du sida ou d’hépatites virales. Décrétée en 1986, au plus fort de l’épidémie, elle privait les familles et proches d’un dernier adieu.
Citons également l’arrêté du Ministère de la santé à effet au 16mars 2022 : plus aucune référence à l’orientation sexuelle du donneur n’existe, ni dans le questionnaire distribué par l’Établissement Français du Sang, ni lors de l’entretien préalable, ce qui permet aux hommes homosexuels de donner leur sang aux mêmes conditions que tous les candidats, sans devoir justifier d’une période d’abstinence de quatre mois.
Au Royaume-Uni.
Une loi de 1533 sur la « bougrerie » entendez par là un synonyme de « sodomie », l’assimilait à un crime passible de pendaison puis à partir de 1861, d’une peine de prison allant de 10 ans à la perpétuité.
En 1885, un amendement réduit la peine à deux ans de travaux forcés mais en élargit la portée à « tout acte outrageant les mœurs » y compris en privé. Une simple dénonciation ouvre à la réprobation publique et aux tracasseries policières. Le dramaturge Oscar Wilde sera ainsi condamné à 2 ans de travaux forcés en 1895, condamnation largement commentée dans la presse mais qui ne donnera lieu qu’à des réactions discrètes, les personnes LGBT préférant l’organisation en réseaux dans la sphère privée plutôt qu’un militantisme qui ne parviendra pas à mobiliser les masses comme le fera l’article 175 en Allemagne, derrière des figures telles Magnus Hirschfeld.
Ainsi le roman « Maurice » de E. M .Forster, véritable plaidoyer pour la liberté et la reconnaissance de l’amour homosexuel, ne sera publié qu’en 1914, à titre posthume. En 1987 James Ivory réalisera un film éponyme dans lequel l’amour entre deux hommes ouvre, c’est là la nouveauté, des perspectives HEUREUSES : Maurice
Le cadre de la loi ainsi étendu à toutes les formes de sexualité visant explicitement les hommes homosexuels, les plaçait à la merci des maîtres chanteurs qui menaçaient de les dénoncer. Entre les deux guerres, on compte en moyenne 702 arrestations par an pour des « crimes et délits homosexuels » et si tous ne sont pas condamnés ni même jugés, la révélation publique entraînait alors, à coup sûr, perte d’emploi et déchéance familiale et sociale.
Le mathématicien anglais Alan Tuning, l’homme qui a percé les codes secrets de la machine Enigma et permis d’accéder aux messages entre les responsables nazis pendant la seconde guerre mondiale, un des pères de l’informatique, sera condamné pour « outrage à la pudeur » en 1952 ; castré chimiquement, il se suicidera au cyanure 2 ans plus tard, à 41ans. C’est peu dire l’ingratitude d’une nation qui lui devait beaucoup ! Le film « Imitation game » sorti en 2015 retrace sa vie tourmentée. Un « pardon royal » lui sera accordé en 2013, à titre posthume.
En 1961, sort le film produit et réalise par Basil Dearden « la victime » : Dans l'Angleterre puritaine, où l'homosexualité est réprimée comme un crime, un jeune gay, Jack Barrett, se suicide pour échapper à un odieux chantage. Melville Farr, un avocat réputé dont il s’était épris, entreprend une difficile enquête pour retrouver les maîtres chanteurs et les traduire devant un tribunal malgré la certitude d’y perdre mariage et carrière. La bande annonce donne accès à 4 extraits et le film est accessible gratuitement sur internet.
En 1960, lorsqu’il est contacté pour le rôle de Melville Farr, précédemment refusé par de nombreuses vedettes, Dirk Bogarde a 39 ans ; il est alors, probablement, l’acteur préféré des britanniques et a entamé une carrière à Hollywood. Bien qu’il paraisse régulièrement en public au bras de jolies femmes pour faire illusion, il est homosexuel et partage la vie de Tony Forwood. Malgré les risques pour sa carrière, il semble qu’il accepte le rôle sans hésiter, avec, cependant, un compromis au scénario : l’avocat y est présenté comme un mari fidèle et aimant qui a n’a pas cédé à son penchant. Dirk Bogarde ne reconnaîtra jamais qu’il partage la sexualité de son personnage
C’est en 1967, sous le gouvernement travailliste de Harold Wilson que le « Sexual Offenses act » dépénalisera les rapports homosexuels aux conditions qu’ils se passent en privé entre deux hommes consentants de plus de 21 ans (soit cinq ans de plus que pour les hétérosexuels) mais cette réforme ne s’applique qu’en Angleterre et au Pays de Galles et exclue certains secteurs comme l’armée ou la marine. Elle n’entrera en vigueur en Écosse qu’en 1980 et en 1982 en Irlande du Nord. À l'époque, la plupart des partisans du projet de loi n’en blâment pas moins ouvertement l'homosexualité, mais soutiennent qu'il n'est pas de la responsabilité du droit pénal de sanctionner des hommes « déjà soumis au ridicule et à la dérision ». Le 16 juin 1966, par exemple, le comte de Dudley rappellera d’ailleurs à la Chambre : « [les homosexuels] sont les personnes les plus dégoûtantes du monde... »
Sorti en 2014, le film de Matthew Warchus retrace le soutien qu’un groupe d’activistes LGBT apporte en 1984-85 à la grève des mineurs face à l’intransigeance de Margaret Thatcher et les évolutions législatives que ce mouvement apportera en ramenant la majorité sexuelle pour tous à 16 ans . « pride »
Les infractions sexuelles d »’indécence » » et de « sodomie » furent abrogées en 2003.
Le mariage sera ouvert aux personnes de même sexe en avril 2014 , David Cameron étant premier ministre.
En 2016, le parlement adoptera, sur proposition du gouvernement, l’amnistie pour les 65 000 hommes condamnés pour homosexualité ; 50 000 d’entre eux, décédés, seront « pardonnés » à titre posthume mais les 15 000 personnes encore vivantes devront demander l’effacement du délit de leur casier judiciaire.
- « De quoi étions-nous coupables ? Alan Tuning ou moi ? Juste d’être nés uniquement capables de tomber amoureux d’un autre homme ? » s’indigne dans les médias Georges Montague, 93 ans, lui aussi condamné pour « outrage à la pudeur » et auteur de « the oldest gay in the village » Il ajoute « je voudrais des excuses, il n’y a rien à me pardonner. »
Indéniablement.
Amical72
amical072@gmail.com
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