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9 | Négatif
Le récit de Toni
Ce mardi, je suis passé au labo du Centre de Dépistage pour découvrir la sanction du second test VIH que, sans clairement savoir pourquoi, j’avais différé. Or, depuis notre rencontre, je n’ai plus baisé qu’avec Adrien et il est intraitable sur l’emploi du préservatif ; sans surprise, le résultat est donc négatif et je saute de joie : je serre, enfin, sur mon torse ce document qui va nous délivrer de cette contrainte.
Puis je souris … Une contrainte ? Un rituel, plutôt, où chacun prend l’initiative d’une attention à l’autre, le caresse, le masse, le prépare ; un signal aussi, qui donne une sorte d’accord implicite ; une promesse de plaisirs, et là, immédiatement, ça devient chaud …
Mais aussi une retenue, pour moi. Il ne me restait plus que cette protection, cette distance pour résister, face à l’ogre Adrien. Mais j’ai désormais compris que ma place à ses côtés n’est ni illégitime, ni une facilité née d’un enchaînement de circonstances mais bien SON choix.
Il n’empêche, ce test nous accorde une liberté supplémentaire … et ouvre à des sensations différentes, j’en frémis par avance en refusant de me les représenter trop précisément pour mieux me laisser emporter par elles … Dès ce soir …
Mais il nous leste également d’une responsabilité supplémentaire, celle d’une loyauté sans faille qui fonde notre confiance réciproque. Adrien est « mon amoureux » ai-je dit à ma mère. Et il écoutait, LUI, le magnifique …
J’ai déjà mon portable à la main pour lui envoyer un texto mais mes pouces suspendent leurs tapotements. Je suis incertain, j’ai à la fois l’envie de proclamer, de célébrer haut et fort … et celle de n’y accorder pas plus d’importance qu’à un geste quotidien. « Tiens, G résultat second test VIH : négatif » Voilà, c’est juste un fait, une info. J’ajoute « à ce soir »
Et ce soir-là, douché et assis, en peignoir, dans le canapé, j’attends de le retrouver, comme tous les soirs, maintenant. Je ris intérieurement : en matière de sexe, je suis passé du régime de disette d’un chasseur cueilleur qui tire soudain profit d’aléatoires opportunités d’abondance, plus ou moins favorables d’ailleurs, à celui, plus régulier et équilibré d’un cultivateur sédentaire : j’ai un mec et je vis avec lui.
J’entends la porte s’ouvrir et, les moindres bruits, désormais identifiés, me permettent de suivre son rituel : il range ses chaussures, dénoue sa cravate dans un glissement soyeux, quitte son costume qu’il défroisse et va se doucher … Je souris de cette présence vite devenue familière dans laquelle je déboule, que je bouscule, où je m’installe.
Je rejoins cette salle d’eau où l’on n’entend que le ronronnement de la ventilation, le clapotement de l’eau, ses frictions et ses soupirs quand il souffle, visage offert aux jets. J’ouvre le tiroir, m’empare de LA boite entre le pouce et l’index en pince, comme on attrape un mouchoir sale, je frappe à la vitre de la douche et, dès qu’il regarde, j’ouvre mes doigts et les capotes tombent dans la corbeille.
Il frappe à son tour et me fait signe de la main pour que je le rejoigne. A peine me suis-je approché qu’il m’attrape d’une de ces détentes fulgurantes du bras et du corps, comme la langue du caméléon, en un éclair, capture l’insecte qui se croit hors d’atteinte. Je suis entraîné, en désordre, dans le piège de ses bras, jeté sous la cascade d’eau chaude, trempé, suffocant, prisonnier ... volontaire. Voilà qu’il me savonne puissamment, à deux mains, me retourne, me bâillonne de sa bouche.
Le temps s’est ralenti, au rythme de nos langues qui glissent l’une contre l’autre, comme ses mains en étoile dans mon dos ; l’une, entre mes omoplates, me presse contre lui, l’autre glisse dans mes reins, s’arrondit sur mes fesses mais le majeur s’infiltre dans ma raie, masse souplement ma rondelle puis, d’une franche poussée, y fiche une phalange. Dans un réflexe instantané, tout mon abdomen se contracte et mon thorax s’affaisse, chassant l’air de mes poumons et quand j’inspire à nouveau, bouche entrouverte, j’ouvre les yeux sur les siens qui m’observe en souriant. Et, à ce moment-là …
- « Je te veux en moi, Adrien. »
Amical72
amical072@gmail.com
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