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7 | Hormones
Le récit de Julien
Je suis un lève tôt. Aux aurores.
Une douche rapide, un café et hop ! Me voilà lancé, à plein régime.
Je selle et je sens ma monture qui frétille déjà sous moi. Je la détends rapidement au pas, au trot puis je place mes aides pour le galop. Un premier chemin enherbé où je la laisse jeter son feu, puis je la reprends calmement, dans une allure cadencée, entamant le grand tour de la propriété.
Inventaire des bêtes, vérifier qu’aucune d’elle n’a d’atteinte d’aucune sorte, suivre la rivière en ouvrant puis refermant les clôtures, remonter le talus par la grangette, contempler l’eau qui miroite en contrebas dans le soleil du matin. Rentrer au pas, rênes longues.
Bouchonné, membres douchés, le hongre rejoint ses congénères au pré et je rentre chez moi en m’étirant après cette balade sportive, l’esprit serein et l’estomac dans les talons.
J’ai déjà retiré mon polo et la main sur la poignée de la porte quand j’ai l’œil attiré … Une rosace de quatre feuilles cordiformes, provenant du lilas voisin, a été formée sur la pierre d’appui de la fenêtre, un galet arrondi au centre, en guise de cœur. Aurais-je eu une visite ?
Amusé, j’intercale avec soin quatre feuilles étroites de troène panaché dans le motif et je vais prendre une douche, non sans vérifier que ma porte, jamais verrouillée, s’ouvre facilement.
Mais personne ne me rejoint sous le jet d’eau.
Je casse une croûte, l’oreille aux aguets. Rien.
Je vais faire le tour des Chênaies, Monique a fermé la grande maison, déserte, tout est calme. Je relève le courrier, range deux ou trois bricoles, j’erre comme une âme en peine. Décidément, personne … Je souris de moi-même et, pendant les heures les plus chaudes, je reviens m’abriter dans ma maison toujours tempérée.
Je me déshabille puis, après réflexion, j’enfile un short flottant au slip intégré. Je transpire légèrement, ma peau est électrique, mes poils se hérissent au moindre contact, ma bite est lourde dans mon vêtement et je tourne en rond, incapable de fixer mon attention sur ma lecture.
Je finis par m’installer devant l’ordinateur où, immanquablement, je lance une requête avec le mot « gay ».
Et je découvre un dénommé Nicolas, un beau mec barbu et velu qui a créé la web série « le bon duo »*. Des illustrations du quotidien d’un couple gay, hors de tout pathos. Ouf ! Une vision positive de la vie ordinaire de deux hommes amoureux, qui me réconcilie avec mon temps.
Mais n’apaise pas le feu qui couve … or ni main, ni bouche secourable ne se manifeste.
J’hésite à partir au méandre des moines pour ne pas rater mon éventuel visiteur qui, lui, saurait probablement soulager cette tension en moi. Alors je vaque à de petites choses, trop envahi pour débarrasser mon esprit et me consacrer sérieusement à une tâche complexe.
Au moment du dîner, je me dis que l’heure des visites est passée mais que, peut-être, dans la soirée …
Pourtant le temps file sans aucune venue.
Rejoindre un coin de drague pour trouver une âme secourable ?
Mais, depuis une certaine mésaventure, je ne fréquente plus ceux en plein air. En effet, alors que j’étais avancé dans les hautes fougères, suivi par un jeune homme qui s’était promptement agenouillé, se dissimulant à la vue pour me dispenser de ces caresses buccales dont je suis friand et que je savourais, les yeux clos, d’un coup, deux gardes s’étaient dressés en aboyant. Mon comparse s’était alors aplati au sol et, pour détourner leur attention de lui, j’avais dû rejoindre les cerbères qui m’interpelaient, tout en me rajustant précipitamment sous leurs railleries. J’avais spontanément obéi à leur injonction, cédant à l’autorité que leur confère l’uniforme avant de réaliser que, simple gardiens, ils n’avaient sans doute pas l’accréditation indispensable pour verbaliser.
Cocasse me direz-vous ? Mais la vexation m’a marqué et je préfère désormais ne plus m’exposer à ce ridicule infantilisant.
Or il est désormais trop tard pour aller au sauna, trop éloigné… Je dois donc me résoudre à aller me coucher « avec les couilles pleines ». Or, après avoir aussi longtemps entretenu un fort taux de testostérone, nulle masturbation, aussi savante et raffinée soit-elle, ne me rend à la quiétude ouvrant à un sommeil réparateur. Aussi, à plusieurs reprises me suis-je réveillé, cette nuit là, gêné par mon barreau tendu en vain vers une aspiration … qui n’était que fantasmée.
Hormones, quand ça nous tient !
Amical72
amical072@gmail.com
Lien vers l’interview de Nicolas, auteur de la web série « le bon duo »
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