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Saison 6 | Chapitre 5 | La Palombière
Après avoir quitté l’autoroute, on roule maintenant à flanc de coteau ; la plaine, les premières pentes sont couvertes de vignobles. Au-dessus se développe une prairie où devaient pâturer des troupeaux mais qui est aujourd’hui gagnée par des broussailles. Un grand panneau indique « la Palombière » et nous bifurquons sur une voie étroite qui grimpe dans la pente. A la faveur d’un virage se dévoile un hameau au bâti traditionnel de pierres et de tuiles, sans bannière tape à l’œil, l’entrée surmontée de la tour d’un pigeonnier.
Après nous avoir salués, le réceptionniste, discrètement guindé et cérémonieux avec sa cravate à nœud double, s’adresse exclusivement à Lecourt, comme si lui seul pouvait fréquenter cet établissement … ou, peut-être, est-ce une sorte de connivence, comme s’il était déjà venu. Je me sens un peu transparent …
La chambre où l’on nous conduit me frappe d’abord par son immensité et sa fraicheur après les moiteurs de la route. Plafond de bois, sol de carrés de terre cuite et mur enduits de chaux, dans la pénombre des volets tirés, son apparence rustique me la rend familière et me rassure quelque peu, mais son salon, ses doubles rideaux et son lit king-size, comme je n’en ai encore jamais vu, me la révèle d’un si grand confort qu’il m’intimide à nouveau. Lecourt s’est effacé pour me laisser entrer en tête et je me retourne vers lui, ébloui et hésitant. Il sourit et me fait signe de le suivre ; la salle de bains est non moins immense et extraordinaire pour moi, fils d’ouvrier habitué à de robustes installations rudimentaires et souvent malcommodes. Ici, les éclairages indirects font luire le lustre des carreaux de faïence murale, sa baignoire d’angle est en quart de cercle, la douche à l’italienne protégée par une large paroi de verre. De retour dans la chambre, la baie qui l’éclaire latéralement ouvre sur une terrasse privée, à demi protégée par un auvent de tuiles. Elle nous offre le panorama de toute la plaine à nos pieds. L’endroit sobre et pourtant cossu respire le calme, la discrétion, la confidentialité aussi.
Où suis-je ?
Je suis le premier à me glisser derrière la vitre protégeant la douche et j’explore les ressources raffinées qu’offrent la robinetterie, les diverses douchettes, buses et pommes de douche lorsque Lecourt me rejoint, calme et pondéré, comme à son habitude, mais son sourire si tranquillement assuré me parait souligner l’incongruité de ma présence ici. Je me sens étranger à ce luxe. Je reste face au mur et le laisse approcher. Il m’enveloppe de ses deux bras, noue ses mains sur mon torse et pose sa tête tournée vers moi, l’oreille sur mon épaule. Je manipule les robinets avec dextérité pour lui montrer quelques-unes des nombreuses possibilités de l’installation et je fais varier la vigueur de l’eau qui nous éclabousse tantôt par-dessus tantôt de face, comme un jeu. Mais il me resserre contre lui, détache sa joue posée pour m’embrasser dans le cou. Et ce bisou piqué est comme une question implicite à laquelle je réponds d’un simple haussement d’épaule. Alors il me murmure à l’oreille :
- « des scrupules ? Et pourquoi Julien n’aurait-il pas accès à tout cela lui aussi ? Donne-moi une seule raison. Vaudrais-tu moins que ceux qui viennent là ? Hummm ? » Il sait bien où piquer, la fine guêpe ! Et je me redresse imperceptiblement.
– « Là, je retrouve Julien ! Reste fidèle à toi-même sans te laisser impressionner par cet environnement inhabituel. Profite de ce qui t’est offert avec naturel. A quoi le dois-tu sinon à toi-même ? » D’une main sur ma joue, il m’invite à tourner la tête vers lui et ses yeux rieurs et, sous la pluie fine qui tombe de la large pomme de douche sur nos têtes, je reprends conscience de sa peau contre la mienne et de sa queue raide plaquée contre ma fesse. Sa main se décroche de mon torse et, simple effet de gravité, se saisit de mon pieu dressé.
- « savon ? » Cette attention réciproque est devenue un de nos rituels depuis ma première nuit de poulinage aux Chênaies*1. Tout commence par une friction en règle, des mains, des doigts indiscrets qui explorent, un massage des épaules, un corps à corps viril, une bousculade réciproque … jusqu’à ce qu’un de nous cède, abandonne la lutte pour offrir / s’offrir aux caresses et au premier baiser. Et là, je me laisse conduire, qu’il me guide dans ce monde puisqu’il m’y a entraîné.
Lecourt s’empare de mes couilles dans sa grosse main en coupe et, quittant mes lèvres, il se baisse vivement pour engloutir mon pieu. Et c’est si soudain, si inattendu, si doux aussi, que j’en suffoque. Il me suce somptueusement, lentement, des lèvres et de la langue, comme on déguste une glace italienne dont, à la fin, on aspire la fonte. Sa main me malaxe le paquet et un de ses doigts s’égare sur la ride de mon périnée. Je guide sa pipe de la main dans ses cheveux courts, ralentissant la remontée de sa tête ou en modifiant son inclinaison. Puis, je suis parcouru d’un vif frisson et je lui dérobe mon membre derrière ma main, craignant de ne pas résister longtemps à une telle avide efficacité. Il se redresse, l’œil pétillant :
- « j’aime sucer ta queue, Julien ! »
- « Toi, viens plutôt visiter ma chapelle » Je l’interpelle d’un coup de menton. Nos yeux sont soudés, il sourit, semble rester immobile quelques secondes, puis m’entraine par un coude. Le lit s’ouvre béant sur son large mouvement du bras et je découvre sa fermeté quand il m’y projette, juste avant qu’il ne m’y écrase de tout son poids. Je frappe le matelas du plat de la main en signe de reddition. Il commence alors un rite cannibale, me léchant, suçant, mordillant, jusqu’à obtenir de me faire sursauter de volupté, et qu’alors, j’offre une autre place à sa voracité. Ses grosses mains me pétrissent, son menton râpeux m’égratigne, ses lèvres et sa langue me tirent des soupirs, jusqu’au prochain sursaut qui me soustrait d’une face et me livre d’une autre. Je suis un pantin soulevé de brusques sauts de cabri. Il me mouille, me masse, me détrempe. Il me perce puis s’égare pour revenir et recommencer jusqu’à m’arracher mes premiers éclairs. Je le veux !
Mes mains se font soignantes, enduisant son cathéter de lubrifiant puis le guidant tandis qu’allongé contre mon dos, il me murmure à l’oreille :
- « là, là, Julien, doucement … » d’un ton qui laisse entendre sa félicité de s’introduire en moi qui l’accueille souplement, en gainant impitoyablement sa queue de mon conduit. Il entame ses va-et-vient. A mon tour de contrôler la danse en modulant mon étreinte. Et je le veux. Vite, profond, pantelant ! Alors je m’y emploie. J’aime le sentir céder, perdre pied, exploser puis retomber, désarmé, essoufflé …
Et alors je me jette sur lui pour que ma bouche lui procure ce surplus d’électricité, ces frissons supplémentaires qui l’agitent d’ultimes secousses et font jaillir de petits sons improbables de ce grand corps robuste avec lequel je partage suavement le gout de ses sucs.
Il retombe sur le dos dans une grande expiration sonore, bras écartés, yeux clos. Et quand il les ouvre, ils brillent de la lueur béate de l’homme aux instincts satisfaits puis il les referme et son sourire s’incurve d’une pointe d’ironie.
– « Je sais ce que tu vas ENCORE m’extorquer maintenant, grand brigand … » Il soulève brièvement une paupière, l’œil doré dardé sur moi qui reste impassible.
– « je t’entends déjà réclamer : patron, j’ai FAIM … » Je m’étire comme un chat à ses côtés en me frottant à lui :
- « c’est pas faux, patron ! » Et, à part moi, j’ajoute « tant de bonheur, ça creuse ! »
*1 voir La Grangette saison 1/02
Amical72
amical072@gmail.com
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