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Saison 2 | Chapitre 4 | Chute
Quand je suis aux Chênaies, je m’échappe aussi souvent que possible pour des balades sportives avec Noisette. La jument a le pied sûr et j’aime courir par monts et par vaux, sur un rythme aussi soutenu que le permettent le sol et la déclivité. J’ai aussi gardé en tête la proposition du vétérinaire de rejoindre son groupe de cavaliers mais il nous faut, auparavant, améliorer notre endurance sur tous les terrains. Notre complicité également. Il nous faut nous aguerrir face à toutes les situations ordinaires et les petits obstacles naturels à franchir en selle ou, parfois, à pied : passer une clôture, descendre un talus raide, traverser une étendue d’eau dormante ou courante. La confiance doit être réciproque entre monture et cavalier ; elle aussi m’apprendra beaucoup et je découvre que son œil perçant est infaillible pour repérer de loin les fruits ou autres gourmandises. Elle infléchit alors insensiblement notre trajectoire pour tenter de s’en approcher discrètement, jusqu’à ce que je comprenne son intention. Elle est comme moi, gourmande et toujours affamée.
J’ai pour règle de terminer ces balades au pas. Je desserre alors légèrement la sangle, croise les étriers sur l’encolure et passe les jambes devant les quartiers de la selle, histoire de me détendre également, tandis que, rênes longues, elle retrouve seule le chemin de l’écurie sans coup férir, dans l’attente du picotin.
Ce matin-là, Noisette marche d’un bon pas sur un beau chemin ombragé aux abords de la petite ferme où vit Zeph, un ouvrier agricole un peu rustique qui vient parfois en renfort aux Chênaies. Fourbu et tout au plaisir de notre belle course, je me laisse bercer par son pas énergique, je rêve les yeux perdus dans les frondaisons. Brusquement, plusieurs claquements secs accompagnés de sonores cancans éclatent à nos pieds et j’entrevois les battements des ailes blanches d’une cane de barbarie qui s’enfuit dans le pré. Noisette fait un brusque saut de carpe et moi, boum, je chois ! Je tombe sur le cul, comme un sac de grain dont on se déleste le dos d’un bref coup d’épaule, et avec le même bruit sourd. Je m’écrase si lourdement que j’en garderai assurément une fesse plate à vie ! Je me redresse aussitôt, je n’ai rien de cassé, ouf ! Mais Noisette, elle, a déjà pris le galop sans demander son reste, probablement pour rentrer au bercail et, penaud, il ne me reste plus qu’à marcher pour rentrer moi aussi.
Penaud et vexé aussi, terriblement ! Je sais pourtant que le malheur est toujours aux aguets et là, je me suis laissé aller à l’imprudence de l’autosatisfaction béate en abandonnant toute vigilance. Ah, il a fière allure le cavalier d’extérieur, à pied et tirant de la patte pour soulager son derrière meurtri.
Fort heureusement, un peu plus loin, je vois approcher un C15 bien connu. Le patron me demande si c’est bien moi qui ai demandé un rapatriement sanitaire d’une voix dans laquelle perce un soupçon de reproche. « Elle est entrée dans la cour à grand train et, quand elle m’a vu, elle est allée se ranger docilement devant la porte de son box. Elle va bien ... Elle ! » « Rassure-toi, moi aussi. Avec une fesse tallée, mais ça va » et je lui narre ma mésaventure. « Heureusement que j’avais vu dans quelle direction tu partais » Je rétorque, un poil trop sec « sinon, je rentrais à pied, c’est pas la fin du monde, patron » Mais il rétorque « avec une fesse écrasée, tout de même… » je le regarde en coin « tu sais, ce genre de blessure se soigne très bien » Il lève les sourcils et je poursuis « contre les blessures d’amour propre et les petites inquiétudes, la liqueur de corps d’homme est un remède souverain » Ses épaules tressautent d’un rire bref et, à l’intersection suivante, il prend la direction de notre refuge.
La barrière refermée, je le rejoins en clopinant. Je commence à sentir le contrecoup de la chute sur mes muscles écrasés. Il me regarde avec une mine réjouie, sans indulgence aucune et peut-être même avec une pointe de moquerie « approche, mon Jean Teulère* de l’écurie des chênaies » Il en ferait presque remonter mon accès de bile mais je lis, heureusement, bien d’autres choses dans ses yeux rieurs et je peux m’autoriser, bras ballants, à poser mon front sur son épaule pour me laisser aller à reconnaitre ma légèreté « patron, je me suis fait virer comme un débutant. » Il pouffe, me tapote le dos et me glisse à l’oreille « mais il n’y a rien de cassé, tu vois, une bonne étoile veille sur les jeunes gens aventureux ». Il garde son visage dans le creux de mon épaule et je sens son souffle dans mon cou, un vent léger et chaud qui m’apaise et qui… mais il roule lentement de la tête, sa barbe crisse et il me pique d’un petit bisou. Je sais à cet instant ce qui, en moi, autorise ce mec à me pénétrer.
Je réalise combien ses grosses mains larges et rudes savent se faire légères pour envelopper mon dos courbatu de caresses réparatrices. Je remonte mon bras droit pour lui enserrer la taille et ma main gauche se porte à hauteur de son nombril, bataillant avec les boutons de sa chemise. J’extrait le vêtement de sa ceinture, puis le maillot et je glisse ma main vers le haut dans les herbes folles et douces de son abdomen, la broussaille de son torse jusqu’à ce téton dur et dressé comme une sonnette. Je sens qui arque son corps, sa tête est toujours dans mon cou, son bassin s’est avancé pour presser le mien et s’anime d’un imperceptible balancement. Nous faisons silencieusement assaut de nos virilités affrontées qui y gagnent encore en relief quand je suis parcouru d’un soudain électrochoc qui court de mes reins à ma fesse, puis derrière ma cuisse jusqu’à mon mollet, m’arrachant un petit gémissement. Le patron se recule pour m’envisager, mi sérieux, palpant la zone irritée, mi joueur profitant de la situation. Alors je joue moi aussi « humfff ! Comme un petit coup de canif dans les reins et la douleur qui court » « par-là ? » J’en dégrafe mon pantalon, il introduit sa main, mène l’enquête en moulant ma fesse, puis descend sous ma cuisse.
Zut, l’examen médical sera à reprendre, ma langue est déjà nouée à la sienne ! Et une frénésie s’est emparée de nous : on se veut nus, même si la paille qui écorche nos peaux n’est pas la litière la plus douce, même si la température est fraîche, on veut que rien ne reste masqué chez l’autre. Lui retirer sa chaussette est érotique, lui ôter son maillot de corps dévoile le toupet de ses aisselles et son odeur d’homme vivant qui me ravit. Et lui non plus ne perd rien, même s’il doit se battre avec mes mini-chaps et mes chaussures de randonnée. Il est accroupi devant moi et d’un simple balancement du bassin, je le bifle. Il s’empare alors de ma queue et la gobe, tout en poursuivant tranquillement mon déshabillage. Quand enfin il triomphe des velcros, lacets et autres élastiques, il se redresse en me renversant sur une botte sur le dos, rabattant mes deux bras au-dessus de nos têtes, imprimant sa queue tendue parallèle à la mienne entre nos ventres, m’embrassant goulument. Sa main revient sur le côté effleurer ma fesse et, à l’encontre de nos peaux pressées, les plumes de ses cinq doigts sont d’une fraîcheur confondante qui m’élève sur un profond soupir. Un réflexe me fait relever la jambe qui se rabat pour enserrer les siennes et là, je grimace. Il s’inquiète « je te fais mal, Julien ? » « Continue le massage, gars Lecourt, rien n’est meilleur pour détendre les muscles après l’effort »
Il se redresse, crache dans sa main, me soulève les deux jambes de l’autre et, les yeux plantés dans les miens comme une question muette, me détrempe la raie. Je me pose en appui sur les coudes et rétroverse le bassin en réponse tacite. Il sourit, recommence et me fiche un doigt. Sa queue bat ma cuisse et il cueille sa goutte de mouille pour me lubrifier encore. Je me contracte et fais de même avec la perle translucide qui suinte de mon méat. Nous poursuivons ma détente comme dans une surenchère humide. Il me caresse maintenant de son pouce, ce qui me fait chavirer comme à tous coups, yeux mi-clos et il me scrute pour me suivre dans le plaisir. Il soulève mon bassin et me place le cul en porte à faux. Sa queue coulisse dans ma raie et se fixe sur mon œillet. C’est moi qui donne le petit mouvement sec du bassin qui le fiche en moi et il ne me reste qu’à me laisser filer sous mon propre poids pour qu’il m’investisse jusqu’à écraser sa fourrure. Putain, je souffle ! Là, maintenant je le sens frémir en moi, impatient d’aller venir. Mais la position est trop acrobatique pour nous : je pèse sur lui de tout mon poids alors que je ne suis pas un gringalet, je glisse sur ma couche de paille et nous aspirons, comme toujours, à une plus étroite fusion physique. Je romps et m’allonge en chien de fusil, et lui de tout son corps sur moi en prenant garde à ma fesse endolorie. Il guide sa bite, m’enfile souplement et m’attire à lui, peau à peau et nos respirations accordées. Je sens ses fesses monter, descendre, donnant le rythme de sa bite, de son souffle, de mes gémissements. Mes mains le pressent, le malaxent, le retiennent. Puis j’aime le sentir s’enfoncer d’un coup, reins cassés, dents serrées, agité de soubresauts alors qu’il m’éclabousse et me réchauffe l’intérieur avant de s’écrouler sur moi. Je me touche à peine que j’éclate à mon tour, l’honorant d’un joli jet en pleine face. Il se redresse l’œil sauvage, me renverse, soulève mes cuisses de ses deux bras, me lèche l’oignon et me fiche son pouce avant de se courber sur moi. Sa caresse est impérieuse, magistrale et je crois rendre mon dernier soupir. Il me galoche, me lèche, me suçote, me dévore, pousse un « ah ! » et recule pour m’envisager. Il a un sourire triomphant, puis revient me faire un bisou léger « là, gars Julien, on voit bien à ta tête que tu as fait une sacrée chute. Il reste juste… » Il me lèche le visage d’une langue épaisse de bon chien « juste quelques traces de ce baume que tu as réclamé, ici et là » Cette joie légère scelle notre soulagement.
Quand nous entrons dans la cuisine, Monique sursaute d’un bloc, faisant tinter ses couvercles et se précipite, la mine grise « que s’est-il passé ? Vous ne veniez pas déjeuner, je suis allée voir… j’ai trouvé la jument sellée dans son box et personne ». Je lui souris mais elle met ses deux mains devant sa bouche « mon pauvre Julien… » Le patron rit « il s’engage dans une carrière de voltigeur, désormais » Bien sûr, tout le monde est aux petits soins, Monique voudrait presque couper ma viande pendant que je lui narre ma mésaventure et Lecourt débouche une bouteille de rouge « léger » en guise de remontant. Mais au café, il décrète « soldat Julien, tu es au repos cet après-midi, consigné dans ta chambre » Et je dois reconnaitre qu’une fois dans ma cambuse, la fatigue me tombe sur les épaules. Cette mésaventure m’a bel et bien sonné ! Je me déshabille, m’allonge et m’endors aussi sec. *Jean Teulère, cavalier français, d‘abord vice-champion puis champion de France de concours complet en 1988. Avec Espoir de la Mare, hongre Selle Français, il deviendra champion du monde individuel à Jerez en 2002 et champion olympique par équipe à Athènes en 2004.
Amical72
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