Premier épisode
2 | Rhabille-toi – Le récit de Joris
Quand j’approche du groupe, je constate que Frédo n’est plus là. Je tente de me glisser pour rejoindre ma place, mais une main m’attrape fermement le poignet, me déséquilibre tout en me faisant exécuter un demi-tour sur moi-même et je chute sur la banquette, juste derrière le chauve qui se tient maintenant droit, au bord de l’assise. Il repose ensuite son dos sur moi, comme un couvercle qui m’emprisonne alors que sa main qui n’a pas relâché sa prise, pose la mienne sur sa braguette, par en dessous son autre bras qui la maintient en la recouvrant.
Malgré mon inconfort, mes doigts s’agitent discrètement puis, rencontrant une résistance, la pressent pour dessiner les contours de son érection. Ce n’est qu’à ce moment qu’il desserre le garrot de ses doigts autour de mon poignet et alors, de la paume et des doigts, je cerne, masse, palpe, moule cette bite qui m’est promise, j’en salive dans l’attente du signe qui nous expédiera à l’étage. Son coude module mes transports, sa pression limitant les libertés qu’il accorde à ma main et, assis de biais, j’observe son profil, l’arête de son nez, son front et son crâne lisses et brillants, sa nuque rasée et, plus bas, dans son col, je crois deviner une broussaille de poils. Son œil impassible regarde toujours droit devant ; moi, je reste aux aguets, curieux de la suite.
La suite, elle me fait sursauter. C’est la main de mon autre voisin qui, sans vergogne ni se dissimuler, vient caresser mon cul comme on flatte la croupe d’un animal entravé puis le claque, provoquant quelques sourires entendus alentour. Est-ce que me voilà catalogué en objet et mis à disposition ?
Le barbu n’a pas cillé.
Mais j’ai cru distinguer un signe, ô ! très discret, à peine un coup d’œil … et le voilà debout,qui rectifie sa tenue froissée de la tranche de la main et part en direction de l’escalier. Mâle démarche, souple, sans effet d’épaules affecté et superflu. Il passe lentement sa main sur son crâne, elle glisse sur sa nuque, ses doigts dans son col et je l’observe : ses ongles soignés, sa pilosité, sa grosse bague à cabochon, …
Il soulève le rideau, s’efface pour m’inviter à passer, me suit en laissant le rideau retomber. Quand j’arrive à la deuxième marche, sa main m’arrête net.
Ses bras entourent ma ceinture, la défont et, d’un geste franc, il abaisse mon pantalon, le tirant sur mes chevilles. Ses deux mains reviennent aussitôt à ma taille et remontent mon polo, insistent, jusqu’à ce que je l’ôte de moi-même, par dessus tête. Dans la faible lueur des issues de secours, du plat de la main, il me caresse le dos, les fesses moulées dans mon jock ; par de légères pressions, il m’invite à avancer ... Ainsi entravé, je vais tomber, je ne sais que faire …
Radical, j’opte alors pour un déshabillage complet, arrachant mes baskets pour retirer mon pantalon, non sans, toutefois, anticiper certaines précautions. Instable, je me perche sur un pied puis l’autre et il m’encourage en alternant caresses indiscrètes, pincements, tapotements puis, quand je suis prêt, mes frusques dans le creux de mon coude, il lisse mes fesses à deux mains, les dessine, les enveloppe, les soupèse et je sens sa barbe les effleurer, comme s’il venait me humer.
Mais sa main, en coupe sur ma fesse, me pousse à monter les marches, nu, et je frissonne de l’audace de cette transgression que, seul, un fragile rideau escamote. Arrivés sur le palier, j’accroche rapidement mes vêtements à la patère et il me rejoint, dans mon dos, m’enveloppe de ses bras, m’attire à lui. J’ai immédiatement cambré le rein, frétillant de la croupe pour chercher à mouler sa queue quand ses mains ont saisi mes tétons.
Et c’est l’asphyxie instantanée.
Un éclair m’éblouit et je ferme les yeux, sonné. Je sens que son bras m’a solidement soutenu et il me caresse le flanc d’une main, roulant mon mamelon de l’autre. Sa barbe cascade sur mon épaule, vaporeuse et ouatée et j’arrondis la nuque pour me cajoler de ce contact doux et léger qui me rassure. Mais il me rapproche de la paroi sur laquelle je prends appui. Sa main moule ma fesse, glisse et je pivote à mesure pour lui offrir le meilleur accès, déjà offert. De la pointe de ses doigts réunis, il masse mon anus en rond et il en avance un, qui me pénètre lentement, en vibrant obstinément. Cette résonance me fait immédiatement renouer avec une tension folle.
Cette lenteur, ces infimes trépidations qui résonnent, son doigt ... Je halète, pousse mon cul, fébrile, impatient, je voudrais qu’il me remplisse ...
J’ai crié.
Il y a eu cette fulgurance, cette explosion, j’ai crié et plus rien. Je flotte, un creux au ventre, il m’écrase de tout son poids contre la paroi, me soutenant pour empêcher que je m’écroule et je reviens à moi étrangement, en reprenant conscience du vacarme environnant qui m’envahit progressivement.
Il m’a secoué et remis debout puis il se penche à mon oreille pour hurler.
- « Rhabille-toi. »
Je suis décontenancé et, me sentant un peu redevable suite à cet orgasme nucléaire mais absolument égoïste, j’enfile mes vêtements à la hâte. Aussitôt, il m’entraîne à sa suite et nous dévalons l’escalier mais, au lieu de retourner à la table, il file vers le vestiaire. J’ai stoppé net, interloqué, il me rappelle alors d’un signe de tête. Il récupère sa veste, règle, me désigne mais on lui répond que tout est payé. Il se tourne vers moi, me hèle et je sors derrière lui.
Ce qui frappe d’abord, c’est le silence qui bourdonne à mes oreilles avant que ne me parviennent à nouveau les bruits de la ville. Après quelques pas, il se retourne vers moi, il n’est pas beaucoup plus grand que moi mais il se tient si droit que son regard m’écrase.
- « Si tu veux, je suis à l’hôtel à côté. »
Comment résister ?
Amical72
amical072@gmail.com
« Au lit, les libellules / La nuit tombe au galop / Les insectes stridulent / Et n’y vont pas mollo / La lune est un halo / Pour l’instant minuscule » Romain Didier interprète « les libellules »
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