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10 | Rayonner – Le récit de Joris
Je n'y tiens plus.
Quand je ferme les yeux, je revois ces deux jambes de pantalon en toile claire soudain campées devant moi, au Capharnaüm.
En relevant lentement les yeux, je découvre un bassin étroit, le relief d'une boucle de ceinture en métal chromé sur un ventre plat et, au-dessus, un torse moulé ... Non ! sculpté par un tee-shirt sombre, près du corps, barré du nom d'un grand couturier dont les lettres ne parviennent pas à dissimuler les deux petits tétons érigés sous l'élastane.
Plus haut, une barbe ciselée fendue par un sourire éclatant, des yeux pétillants.
Stéphane!
Et mon fantasme d'adolescent soudain matérialisé devant mes yeux me tend la main, comme si, naturellement, il était venu me chercher là où il savait me trouver à l'attendre.
Dans la seconde, plus rien d'autre n'existe!
Je saisis sa main tendue, bondis sur mes pieds, me pends à son cou et je l'embrasse.
Franchement, éperdument, goulument.
Sans plus réfléchir, nos langues se nouent dans des entrelacs souples et inextricables et, quand il se détache de moi, me prenant un bras, je n'ai que du soleil dans les yeux, bien décidé à profiter de cette chance inespérée, inouie, dont aucune entrave ne saurait me priver, à me montrer à la hauteur de l'enjeu, à ne le décevoir en rien. Mieux : j'ambitionne soudain de briller, enfin, à ses yeux. Un défi.
D'ailleurs, c'est moi qui l'entraîne derrière le rideau, déterminé à prendre les choses en main pour lui servir mon meilleur. Mes doigts s'activent et quand, me bloquant soudain sur la troisième marche, je fais obstacle à sa montée, c'est pour qu'il me presse, m'enlace. Je laisse à ses mains le temps de découvrir que mes fesses, à hauteur, se dévoilent à lui langoureusement, celui de les envelopper de ses paumes râpeuses tandis qu'en équilibre sur un pied puis l'autre, je me contorsionne pour retirer posément baskets et pantalon.
Identifiant mon suspenseur, il joue avec les sangles, cerne mes contours et ses deux mains en corbeille englobent mon postérieur, le soutiennent en offrande puis, lorsque sa barbe vient l'effleurer, une vague me soulève et je déglutis avec peine sous les baisers dont il le pique.
Mentalement, j'ameute à la hâte tous les magiciens acceptant de se pencher sur ma première parade de séduction, appelant leur bienveillance, les implorant de m'épargner toute maladresse grossière, de me conserver en toutes circonstances la clairvoyance d'un amant aguerri.
Bien que, lorsque ses lèvres suçotent délicieusement la peau de mes galbes, que sa barbe les brosse, que sa langue les couvre de runes humides, que son souffle les hérisse, le mien se bloque et ma tête chavire davantage à chaque assaut, le tâtonnement de son doigt qui s'efforce pourtant d'être discret en s'aventurant à remonter ma raie ne m'a pas échappé.
Et je m'honore de cette vigilance, elle entre dans mes calculs.
Car je veux aiguiser son appétit, lui laisser entrevoir des possibilités de jouissance explosive, qu'il les espère, les poursuive de sa convoitise, les frôle sans toutefois jamais les atteindre complètement pour que son impatience deviennent détermination et fasse de sa satisfaction un éblouissement qui, en retour, me comblera.
Aussi, à peine son doigt a-t-il poussé son exploration, dés les premiers effleurements, à peine les premières ondes électriques ont-elles fait frissonner mon échine et le réflexe empli ma bouche de salive ... que je prends mes jambes à mon cou.
Cependant, loin de la cavalcade précipitée attendue, il monte posément l'escalier d'un pas élastique ; c'est moi qui, déconcerté, me retrouve à l'attendre en haut des marches. Lorsqu'il me rejoint, son bras s'enroule autour de mes épaules, sa main vient basculer ma nuque et il me galoche à nouveau. Et c'est une vague qui me cueille, me roule, m'entraîne comme un fétu qui tournoie, nos langues enlacées formant ma seule ligne de vie. Je m'y accroche de toute mon âme, comme un désespéré.
Sa main libre relève lentement mon tee-shirt sur mon torse et ses doigts en pince se referment brutalement sur mon téton.
Un hoquet me disloque.
Je reviens à moi, soutenu par son bras et j'entends son rire sonner clair à mon oreille.
Sonner comme une alerte. Et si ? Si, pendant ce temps-là, j'avais failli à ses yeux ? Si, débordé par mes propres émotions, j'avais perdu pied, manquant à mon serment d'être irréprochable, de rester aux commandes ?
Troublé un instant, je m'agite, inquiet, me dégageant de son étreinte d'un haussement d'épaule puis tombant à genoux. Mes doigts agiles s'empressant de déboucler sa ceinture, mes deux mains agrippent son pantalon pour l'abaisser à ses chevilles et remontent s'appliquer sur le jersey souple de son shorty, déformé par son érection qu'elles encadrent. De l'extrémité d'un index, je crochète l'élastique pour permettre à sa tige de se développer librement vers le haut, déjà visqueuse, tandis que je presse mon visage sur cette arrogance dont je hume les effluves aphrodisiaques à plein poumons.
Enfin!
Enfin, cette tige altière que, sous le coup de la surprise, j'ai trop brièvement et, probablement, maladroitement sucée dans les toilettes du gymnase, je vais pouvoir lui faire la pleine démonstration de mes talents! J'en frémis d'avance. Je DOIS maîtriser mes emballements pour lui dispenser calmement ce que je sais faire de mieux ...
C'est l'occasion inespérée de substituer l'image attractive d'un amant expérimenté et riche de surprises à celle de petit gros, gris, insignifiant, qu'il a probablement de moi ...
Je me suis haussé, j'ai arrondi ma nuque en col de cygne, mes lèvres sont venues délicatement coiffer son gland baveux comme j'aime à le faire et je me laisse coulisser maintenant lentement pour avaler son épieu dressé, le cernant de mes joues, l'enveloppant de ma langue comme autant de rubans soyeux qui s'enroulent, se déploient, l'enlacent.
Son rein s'est bloqué, il s'est adossé à la paroi, bassin en rétroversion, immobile, tendu et la hampe brandie. Je le sens exclusivement concentré sur les voluptés que je lui dispense et, reprenant dés lors de l'assurance, je pars à sa conquête.
Mes doigts, mes mains, mes bras, mon visage s'enhardissent, vont au contact,se frottent, explorent, découvrent ... D'abord ses poils, si drus, hérissés ... Il les a rasés pendant tant d'années pour paraître lisse. Maintenant, il les tond. Une brosse rude.
Ensuite ses muscles. Ses cuisses, ses abdos ; de la viande, une masse rouge, puissante, qui me fait carnassier. Et sa queue ! Je l'avais sucée éperdûment, aujourd'hui je la vénère comme une idole, une fusée cannelée dressée sur la pas de tir, flanquée de ses réservoirs en trois structures cylindriques placées côte à côte et fondues, couronnée de ce gland triangulaire, presque pointu et pourtant ourlé. Ma langue la parcourt de l'apex ou la lèche, tantot lourde et pressante, tantôt papillonnante ou précise comme un crayon puis, à nouveau ma bouche l'aspire, religieusement ...
Des deux mains, il a entouré ma tête, me fait relever ; il m'attire sèchement à lui.
Sa bouche comme une ventouse vient aspirer mes lèvres et me prive soudain de souffle, m'entraîne vers le fond. Plus je brasse et plus je coule. Abandonnant alors toute résistance, je noue ma langue à la sienne et, miracle, voilà que je danse, avec lui, un pas de deux exaltant, et je retrouve l'air dans ce tourbillon parfaitement accordé. Voilà, s'accorder ...
A mon tour, je l'enlace, des deux bras et d'une main, puis de l'autre, il vient soulever mon tee-shirt, le remonte. Saisi par un empressement en retour, je fais de même, découvrant son torse pareillement tondu ras. D'un même élan, nous avons séparé nos bouches pour arracher ces obstacles vestimentaires et aussitôt reprendre notre baiser haletant, coller nos peaux, ses poils venant picoter mon buste, mes mains courant librement en tous sens, de ses fesses à ses épaules.
Les siennes ont cerné ma taille et sont remontées, lentement, ses pouces écrasant symétriquement mes tétons puis sa bouche s'est égarée, l'apex de sa langue a souligné les traits de mon visage d'enluminures, ses lèvres ont happé mon pavillon, en ont froissé le cartilage que ses dents ont pincé d'un éclair, sa langue s'est pressée dans le conduit pour m'assourdir d'un bourdonnement, j'en frissonne, désorienté, balloté.
J'ai crié!
Mon cri a fendu jusqu'au boucan qui nous environne et mes jambes se sont dérobées sous moi quand ses doigts en pinces redoutables ont symétriquement écrasé mes deux mamelons, mon sursaut m'en a délivré ; sa langue s'est alors jetée sur la mienne, s'y est entortillée pour me secourir, me tirer vers la terre ferme, maintenir ma tête hors de l'eau.
Mais je n'en veux plus de ses attentions. C'est moi qui veut l'étourdir!
Je me suis soudain plié en deux, à l'équerre, pour engloutir sa queue, aspirant énergiquement ses fluides pour m'en délecter, soupesant ses couilles comme on cueille des oeufs au nid, léchant son mat avec gourmandise, jouant un appétit appuyé de ses attributs, glouton.
Il s'abandonne à mes folies et sa main se pose sur mon dos, elle glisse, insensiblement, accroche l'élastique de mon jock, s'étale alors en étoile de mer dont les bras s'étirent, s'insinuent dans ma raie. Soudain je le sens se reprendre, poussant son bassin vers l'avant tandis que, de la pulpe du doigt, il masse ma corolle qui, déjà lubrifiée, souple, se fait avenante.
De sa main libre, il pèse sur mon crâne pour enfoncer plus avant sa queue quand son doigt fait simultanément des étincelles en fondant dans mon intérieur avec une science qui me secoue, me suffoque brièvement.
Une sorte de dialogue s'instaure, un concours plutôt : je le suce et lui me doigte, chacun provoquant tour à tour des apnées et des sursauts, chacun rivalisant d'ardeur, rendant volupté pour volupté, soupir pour soupir, une succession de surenchères pour éblouir l'autre.
Avant d'être épuisé, je tombe au sol, genoux écartés, pour échapper à ses caresses par trop machiavéliques, par trop étourdissantes. Une retraite tactique avant d'être totalement vaincu. Mes doigts véloces extraient l'étui de ma large ceinture puis le latex de l'étui prestement déchiré. J'en coiffe son gland comme on couronne de soie une idole et je déroule à deux mains le fin voile qui gaine étroitement son pilier de chair. Le caresser, le presser à deux mains me creuse le ventre et, sur le point de le sentir m'envahir, je me sens déjà vibrer d'impatience.
D'une détente de mes cuisses, je me suis redressé. D'une main sur ma nuque, l'autre retenant mon menton, il m'a galoché, sa langue m'entraînant dans un tourbillon ensorcelant. Voyant avec quel entrain je lui réponds, ses mains s'empressent de me vriller avec une ferme efficacité, sans que ses lèvres ne lâchent les miennes. Il me retourne, me place face à la paroi sur laquelle je prends appui, son genou vient s'intercaler entre mes cuisses puis il écrase son bassin sur mon cul jusqu'à ce que sa queue aimantée comme l'aiguille d'une boussole parvienne à coulisser avec fluidité dans ma raie.
Alignées.
Nos bouches se sont disjointes, l'opération vampirisant nos souffles et toute notre attention. Je me cambre, écartant de moi-même mes lobes charnus à deux mains tandis que les deux siennes soutiennent et guident son épieu, placent son gland, creusent mon rein, corrigent, ajustent.
Et je m'ouvre, lentement, sous sa poussée soigneusement mesurée, ralentie pour ne rien perdre de l'émerveillement de cet envahissement époustouflant. Il progresse en moi, brûlant, étouffant, magistral, désiré, aspiré.
D'un coup, ses mains en cercle de fer autour de ma taille m'ont retenu tandis qu'il se plantait définitivement d'un vigoureux coup de rein et tout est devenu blanc, puis tout aussitôt noir et le silence a étouffé tout le fracas alentour ...
C'est dans le léger balancement qu'il m'imprime souplement que je retrouve ma respiration, aussitôt surgit ma volonté de vouloir y prendre toute ma part, je m'efforce de me détendre tout en m'adaptant à son piston par un alésage précis, pour cultiver la perception de chacun de ses mouvements, de la moindre de ses indications, l'indice de ses doigts qui se ferment pour me ramener à lui avant de se relâcher pour me permettre de m'écarter puis ils me rattrapent, et encore ... de la sècheresse de la dernière détente, en bout de course, me creuser encore, l'avaler, l'engloutir ...
La cadence s'accélère comme les battements de mon coeur puis soudain ralentit ... Il se fixe en moi, au profond, me remplissant d'un sourd battement vital ; il nous distrait en pétrissant mes fesses, frictionnant mes flancs, le temps pour lui de se ressaisir ... puis l'oscillation repart ... jusqu'à l'acmée suivante, qui me suffoque mais s'interrompt, piétine ... puis elle aussi s'éloigne ... reprend... J'en halète, troublé par cette irrésolution.
Pourtant cette fois-ci, il trébuche, la pulsation si parfaite se dérègle, il hoquette, ses doigts claquent sur ma peau et s'enfoncent dans mes chairs, il tremble, se crispe, tressaute en pantin mécanique, désarticulé.
Je me campe, c'est moi qui suis solide et stable, qui le soutient quand il rebondit sous les spasmes. Il s'immobilise deux secondes, trois ... s'arrache, se retourne contre la paroi, s'affale, haletant. Je me serre contre lui, mon épaule passée sous son aisselle, mon bras à sa taille, fier qu'il accepte que je sois son recours à cet instant, qu'il m'accorde cette confiance, comme à un pair.
Sa main glisse sur ma joue et ses lèvres viennent frôler les miennes, se gonflent d'un frémissement fugace, reviennent, s'écartent sur un sourire que je ne fais que deviner dans l'obscurité, glissent à mon oreille.
- "Merci."
Son bras m'enveloppe et il m'attire à lui, tout contre lui, m'étreint, sans doute pour me remercier d'un cadeau espéré mais incertain et qu'il vient pourtant d'obtenir ...
Je rayonne.
Amical72
amical072@gmail.com
« Tu sens douce sa joue mal rasée / ta main sur sa poitrine plate et dure / ce fut si long, si long / depuis l’internat aux troubles obscurs / sous les draps, le membre dur / et puis la honte quand on comprend » C’est dur, violent, brouillon, comme la vie, parfois, comme cette réalité qu’on refuse longtemps de voir : Pigalle hurle « homosexuel »
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