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9 | En frères
Le récit de Julien
L'épisode avec Joris et Jérôme une fois terminé, je suis retourné à l'entretien des harnais, là où je les avais laissés.
Cependant, je sens que nos galipettes m'ont laissé comme un vague arrière-goût amer, celui d'une fausse note finale, comme un caillou dans la chaussure qui marque chaque pas d'une boiterie, une lourdeur de l'estomac qui nous fait dire "j'aurais pas dû en reprendre", le léger malaise d'avoir abdiqué un peu d'amour propre en échange d'une éphémère jouissance qui parait bien futile une fois évaporée ...
Juste avant que ne se fasse jour le reproche d'avoir aveuglément cédé à la facilité, au prix de m'être quasi déjugé à mes propres yeux.
L'éternelle tentation de la pomme du jardin des Hespérides qui, une fois croquée, nous vaudra d'être chassé du paradis.
Par la-dessus, la tâche rébarbative à laquelle je me suis attelé. Décidément, tout me contrarie!
Mon humeur maussade enfle, me voilà revêche, voir franchement grincheux, à deux doigts de la mauvaise foi et d'imputer la tentation à Jérôme, qui se trouve être, à la fois, au départ et le témoin de ce qui me parait décidemment être un faux pas.
J'attends son retour de pied ferme.
Dés il arrive, je lui fais signe de me suivre d'un signe de tête, l'air sombre. Bravache, il se marre, se redresse, altier, et m'emboite le pas ; nous avançons vers l'écurie d'un pas martial. Il marche à ma hauteur et, par surprise, me bouscule rudement d'un sec coup d'épaule. Piqué au vif, je l'écarte aussitôt une bourrade en retour. Mais voilà qu'il se raccroche à moi, lèvres pincées et regard belliqueux, cherchant à m'entraver pour me déséquilibrer.
Incrédule mais irrité et décidé à ne rien céder, je le repousse fermement contre le mur de paille. Mais sa main a solidement crocheté ma cotte et il m'entraîne avec lui, coince ma tête dans le ciseau de son avant bras, parvient à me renverser et m'écrase contre la paroi de bottes ...
Et là, il me galoche avec rage.
Ronflant, soufflant, pesant de tout son poids sur moi qui m'efforce de le retenir, nos dents crissent parfois, dans l'affrontement, sa langue m'envahit et m'étouffe, sa main vient brutalement mouler ma braguette qu'elle broie sans ménagement.
- "Putain, Jérôme, arrête."
Je me rebiffe, parviens enfin à le retourner contre le fourrage. Réussissant à me libérer de sa prise, je protège ma queue en plaquant mon bassin contre sa cuisse ...
- "Baise-moi fort, Julien."
Je reonnais ce regard d'animal traqué qui tente de s'échapper en fonçant droit devant lui ... Se pourrait-il que la partie fine avec le joli cul partagé lui ait laissé la même contrariété qu'à moi ; qu'il tente de la dissiper par cet vif échauffement entre nous.
En guise de réponse, je me jette sur sa bouche mais c'est pour imposer un dialogue ralenti et voluptueux à nos langues tandis que, des deux mains, je pogne ses fesses et les pétris posément, mes bras l'enveloppent et le ramènent à moi. Il souffle puissamment par le nez et me répond, toujours avec énergie mais, me semble-t-il, sans cette précipitation de noyé en perdition.
Je retrouve alors un animal bouillonnant de vie et d'appétit qui s'accroche à moi. Nous basculons dans la paille en une étrange mêlée de membres entrelacés qui se tiennent, se retiennent et se s'agrippent. Un jeu rude, tendu. Une partie qui reste disputée entre deux poilus qui vont à l'essentiel et n'ont guère de temps pour la poésie et les flaflas.
- "Dévore-moi Julien."
- "Oui mais à poil, les pédés."
Je me bats avec sa ceinture, il vient à mon aide et se débarrasse du vêtement. Déjà, j'ai empoigné l'élastique de son boxer et je tire à moi d'un coup sec. Sinistre craquement de tissu. Le bruit nous laisse interdits quelques secondes. Je jette un oeil à Jérôme dont la grimace crispée me paralyse par le retour d'une lointaine culpabilité enfantine.
Puis son sourire s'épanouit, ses pupilles s'allument, nous libérant de l'interdit. À quatre mains, nous achevons de réduire cette barrière de pudeur déjà en lambeaux, exultant à la sauvagerie de ce saccage qui donne libre accès à son anatomie sur laquelle je me rue, bouche ouverte tandis qu'il m'extirpe de ma cotte, en extrayant mes pieds un à un.
Et c'est la fête du cochon.
Car dans le cochon, tout est bon : la bite suintante, les couilles, la raie, le fion, ses fesses charnues, ses épaules, les oreilles, un téton puis l'autre, l'aisselle, le flanc ... De la tête à la queue, tout est délicieux!
On se régale et on se réjouit de ce festin. Rien ne peut nous faire honte ni regret. Une libération.
Toutes narines dilatées, je hume avec délectation ses effluves d'homme dans l'effort.
Je lèche, je détrempe, je mordille, je ventouse, je suce, j'aspire, j'irrite de ma barbe naissante, je crache, je postillonne, j'avale un poil, je relèche, je ...
Et lui n'est pas en reste.
On échange, on partage.
Nos mains empoignent, retournent, écartent, rabattent pour que rien ne soit délaissé, que tout soit livré à notre voracité. Une revanche qui claque sans ménagement, des suffocations soudaines comme un coup de poing au ventre.
Bites affrontés face à face, à genoux sur la paille, on mélange goulûment une salade de museaux, forte de tous nos sucs, au puissant goût d'hommes vivants, qui se dévoilent sans fard ni dissimulation, sans jeu de rôle.
Les bras enserrent, les peaux collent, les poils s'embrouillent, les langues se nouent ... Il y a une frénésie à nous pogner étroitement, une joie cannibale dans cette fusion sans retenue.
Soudain, Jérôme se dérobe et tombe accroupi pour engloutir encore une fois ma bite. Il lance son bras, tatonne de la main, rapporte un étui, le déchire et me capote.
- "Tu as bien promis de m'enculer?"
Il se retourne, à genoux, en appui sur ses bras tendus pour redresser les épaules et cambrer le rein, offrant son cul comme un fruit rond et plein au duvet mordoré surplombant ses plantes de pieds plus claires et fripées. De la main gauche, j'ai saisi ma tige bandée qui se balance souplement, dure et chaude dans ma paume ; du bout des doigts de ma main droite, j'effleure ce poil qui m'électrise, salivant d'avance ...
- "Tu hésites, tu préfères sans doute le veau gras ..."
Il a tourné son visage de profil par dessus son épaule et me provoque de son mépris de bélier fonceur qui part à l'affrontement, tête baissée, négligeant tous les pronostics, fidèle à lui-même. Comme je tends le bras vers le gel, il m'arrête d'un "à sec" péremptoire. Soit!
Un simple jet de salive et quelques rotations rapides du poignet plus tard, je niche mon gland baveux à sa porte, puis l'attire à moi d'une poigne à son épaule.
- "Alors avale."
Je l'entends prendre une profonde inspiration puis commencer à souffler lentement, je le vois contracter ses muscles dorsaux puis pousser pour reculer vers moi. Je me raidis pour ne rien céder et il s'empale lentement, de lui-même. Je sens sa chaleur me gainer laborieusement, étreignant étroitement ma queue jusqu'à ce que sa pilosité vienne hérisser la zone glabre de mes hanches et sa croupe écraser ma fourrure pubienne, la peau de son rein devient moite sous mes doigts. Ses épaules s'effondrent alors et il écarte les bras en aile de planeur, son fion farci, goinfré, élevé en point culminant de son désir.
Je le bloque fermement ainsi emmanché sur moi, il se hisse sur ses coudes, l'un puis l'autre, faisant saillir la crête de ses omoplates entre lesquelles s'effondre son échine, la nuque toujours cassée, pour reprendre souffle.
- "Voilà! Baiser un vrai mec, c'est quand même autre chose qu'enfiler une chochotte qui fait des manières !"
Il redresse la tête et, sur sa tempe, je peux apercevoir quelques uns de ses cheveux fous que l'effort a collés de transpiration ; mais il ne dit rien, ne proteste pas, non! Il gonfle puissament ses poumons, amorce un premier retrait et, déjà détendu et souple, engage le va et vient. Putain, quel paradis se dissimule dans ce cul ferme et musclé, quel bonheur de coulisser dans ce conduit secret à la fois ajusté et velouté, qui me presse si délicieusement la queue ! Les yeux clos, je m'abandonne quelques secondes en accompagnant des mains ce flux, reflux vital et voluptueux ...
Mais nous avions engagé un autre discours!
Je me retire, le bouscule et il roule sur le dos. Ses avant-bras passés sous ses genoux retiennent ses cuisses ouvertes en V et il a contracté ses abdominaux pour offrir à ma vue son anus détendu et luisant qui cligne et quémande ma queue.
Mais c'est la sienne que je saisis et je l'engloutis avec appétit, pour lui redonner toute sa vigueur. Je veux le voir triquer, le poilu, je suis pédé et j'aime les hommes avec des couilles, des poils et une bite raidie et rougie qui indique le nord de son désir, ...
Alors je le suce, le lèche, le pompe jusqu'à ce que son sceptre soit aussi dur qu'une baguette faisant résonner le tambour de ses abdos et, avec les deux mains qui prennent leurs places pour conserver leur belle ouverture ses cuisses, je libère ses deux siennes qui viennent s'activer sur ce joli manche et ses attributs, qui pressent, branlent, secouent, caressent.
Et ses yeux dans les miens qui attendent, impatients.
Je sais alors que je peux l'enfiler d'un trait, proprement et sans bavure, que nos mains et nos queues jouent la même partition, celle du plaisir mutuel, là, et que nous le reconnaissons avec nos yeux qui guettent, attentifs à chaque accélération, à chaque précipitation, qui nous accordent pour calmer le jeu, fêtant d'un sourire complice chaque fois que l'on parvient à faire retomber la pression, à différer l'acmée qui pourtant se rapproche inexorablement, qui tend nos reins, suspend nos souffles ; puis, dans un dernier sprint, effréné, brouillon, sonore, nous figer, arqués, vibrants jusqu'à exploser, l'un puis, aussitôt, l'autre, dans un cri de souris, un ahanement de bucheron, un essoufflement de marathonien.
S'effondrer côte à côte, suant et haletants, manifestant le souci qu'on a l'un de l'autre, attentionnés, frères d'avoir couru ensemble l'épreuve plutôt que rivaux de palmarès, car le chemin parcouru importe plus que le but, plus que cette jouissance fugace.
Tendres.
J'ose le mot car ce que j'aimerais par dessus tout, c'est réconcilier Jérôme avec lui-même, parce que s'il se vit victime, il me fait bourreau. Or, je refuse cet emploi.
Parce que nous sommes des partenaires, à égalité.
Mais voilà qu'il glousse.
- "A ton avis, elle est comment, la bite de Joris ?"
- "Je pensais que tu allais me le dire."
Il rit.
- "Tu sais, à se croire seul au monde de cette sorte, on en oublie de regarder autour de soi. J'ai soudain découvert qu'il me coulait en douce des regards de merlan frit et qu'il rosissait quand il me sentait l'observer. J'ai traîné, profité d'un moment où nous étions tous deux à l'écart pour le chambrer gentiment et, à ma grande surprise, il m'a ouvertement confié son goût pour les poilus. Je l'ai serré d'un peu près et, rapidement, il a glissé sa croupe entre mes pognes en frétillant, ses yeux de biche m'en promettant tous les délices. En me penchant sur lui, j'ai bien perçu qu'il détournait la tête mais j'ai pensé que cet évitement participait de la crainte de nous voir surpris."
Jérôme s'étire, lève les yeux au ciel, rêveur.
- "Je crois que je n'en revenais pas ! Là, dans le monde ordinaire, la vraie vie, quotidienne, après quelques oeillades, des sourires entendus, des frôlements, ce mec me confie son désir pour les hommes sans plus de détour. Cette facilité."
Il rit.
- "J'étais comme un chaton qui attrape sa première souris comme ça, sans le vouloir et qui en est décontenancé."
- "Alors tu viens me retrouver pour que je puisse attester de ta toute nouvelle compétence de chasseur en partageant ta première prise. Un rite de passage."
Soudain, d'une vigoureuse contraction de ses abdominaux, Jérôme se redresse à demi assis, il protège ses parties à deux mains, ramène ses genoux à son torse, grimaçant et grinçant d'une voix de fausset.
- "Non, bourrez-moi le cul autant que vous pouvez mais ne m'otez pas mon cache sexe, ne regardez pas ma quèquette."
Dans un éclat de rire, il est retombé à plat dos à mes côtés, les membres en étoile.
- "Putain, Julien, quand je me croyais hétéro, j'étais si fier de baiser avec cette jolie fille que je voulais que le monde entier en soit témoin, en plein soleil. Parmi mes meilleurs souvenirs, il y a celui de ce premier été et de nos longues balades main dans la main, nus sur la plage interminable bordant l'océan. Une plénitude ..."
Il s'est tourné vers moi, soulevé sur le flanc par un coude.
- "Alors, si je m'assume pédé, ce n'est pas pour me cacher derrière des simagrées : Non, ne regarde pas mes pieds, j'ai les orteils en marteau! Amputer volontairement mon plaisir et tenter d'atténuer la frustration en compensant par des rituels alambiqués calqués sur des mises en scène stéréotypées empruntées aux films pornos ? Non, merci."
Il s'adoucit soudain, l'oeil perdu dans le vague.
- "Vois-tu, si je dois quelque chose à Béné, c'est bien que nos rapports intimes ont toujours été simples, clairs et sains ..."
Avec une compréhension bienveillante, je le contemple céder à cette évocation romantique d'un accord sexuel idéal qui m'imprègne tout autant que lui, celui d'ébats souhaités entre adultes consentants qui se révèlent l'un à l'autre dans un dialogue sincère qui les accorde en confiance.
Alors, pour ne pas troubler cet instant de rêverie harmonieuse et en prolonger les effets, je romps par une proposition toute autre.
- "Toutes ces galipettes, ça creuse, non?"
Il me regarde quelques secondes, hilare, puis il acquiesce d'un coup de menton décidé. Nous nous rhabillons en hâte, moi j'enfile ma cotte sans slip et mes chaussures sans chaussettes pour aller à la douche. Nous nous savonnons énergiquement, nous rinçons, frictionnons, brassons, en frères.
- "Sais-tu qu'en ta compagnie, Julien, je deviens de plus en plus à l'aise dans ses baskets de fichu pédé ?"
La remarque n'appelant pas de commentaire, j'entoure simplement ses épaules de mon bras et nous partons dévaliser les réserves de cette brave Monique que nous complétons de deux bouteilles d'un vieux Cahors des Causses à la robe foncée et aux tanins fondus.
Une lueur, canaille et repue, illumine nos prunelles. Nous n'en dirons pas plus mais, tout en avalant de copieuses tranches de terrine, nous trinquons en jubilant, entrechoquant bruyamment nos verres.
Heureux de nous abandonner à la griserie.
Amical72
amical072@gmail.com
* Pour changer de registre et renouer avec l’impertinence : De 1955 à 1974, Mireille a animé le petit conservatoire de la chanson. Ce jour-là, elle écoute Pierre Vassiliu, égal à lui-même, proposer une chanson qui fait pouffer Jacqueline Joubert. « Mais peut-on passer ce GENRE de chanson à la radio à sept heures et quart, m’sieur Vassiliu ? Ben quoi, madame, c’est une chanson de Noël
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