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Agriculteur | S11 Échapper à son emprise

8 | Nourrir l'estime de soi

Le récit de Julien

- "Il y a, tout autour de la ferme des pâtures dont je veux vérifier la clôture, ainsi que l'alimentation des abreuvoirs et l'état des animaux. Tu vas voir, ce n'est qu'une petite balade de santé ...

Je poursuis.

- "J'ai gardé vivace le souvenir de chevaux qui avaient été négligés dans un pré où, parait-il, "ils ne risquaient rien". Un des poulains s'était fait une prise de longe avec un fil de fer improbable, il avait tiré au renard. Le métal entortillé qui le retenait avait profondemment entaillé son paturon, la blessure s'était infectée et des vers y grouillaient déjà. On a retrouvé l'animal prostré, déshydraté. Son regard douloureux m'a marqué comme s'il m'adressait un reproche muet et le vétérinaire s'était dit réservé sur sa locomotion. Sais-tu ce qu'on fait d'un cheval boiteux?

Je ne me serais pas facilement pardonné une aussi bête négligence et la régularité de cette surveillance ne m'est absolument pas un fardeau ; dés que je mets le pied dehors, je respire mieux. J'aime mes bêtes, sans sentimentalisme car je les vends sans remords au boucher ou au maquignon pour gagner ma croûte, mais je respecte ces vies qui me sont confiées."

Mehdi est resté à l'extérieur de la pature et, accoudé à la lice, me regarde plonger le bras dans l'abreuvoir pour en retirer quelques herbes.

- "Attention! Derrière toi ..."

J'ai bien senti le souffle et maintenant ces petites poussées avec des naseaux sur mon postérieur. Je me retourne et mon bras entoure la grosse tête fauve passée par dessus mon épaule. Mes dernières phalanges repliées viennent se poser sur la liste blanche et, dans mon dos, l'encolure s'enroule et le chanfrein vient s'appuyer avec une ferme délicatesse sur mes doigts.

- "Lui, c'est mon bébé."

L'alezan ventile puissamment, l'encolure enroulée, prêt au travail. Soudain, il encense à deux reprises pour se libérer de ma prise et ses lèvres reviennent clapoter vers mes poches. J'en extirpe le crouton espéré qu'il happe prestement puis écrase bruyamment tandis que je flatte son poitrail. Je lisse sa ligne de dos du tranchant de la main. Il s'éloigne de quelques pas puis engage quelques foulées d'un trot sémillant qui fait voleter sa crinière. Il fait brusquement volte face et s'immobilise net, encolure droite et oreilles dressées, m'observant de ses gros yeux clairs.

- "Je ne l'ai pas monté ces jours derniers et il a envie de jouer."

Mais j'ai un invité et il est prioritaire! Je fais signe à Mehdi que j'en ai terminé, que nous pouvons rentrer et je vois à la flamme malicieuse qui danse dans sa prunelle qu'il a probablement une remarque sur la langue. Il marche à ma hauteur, le regard au sol.

- "Il est joueur! En fait, tu as les mêmes exigences avec tes chevaux qu'avec tes mecs ..."

Je lui oppose un visage impassible, sans répondre. Les mains aux poches, il avance en roulant des épaules, repoussant les graviers alternativement de la pointe d'un pied puis de l'autre et, dans ce mouvement, il me décoche des coups d'oeil vifs chaque fois que son visage est orienté de mon côté. Il sourit, narquois, mais ne dit toujours mot.

Comme nous longeons les bâtiments de la ferme, il me regarde avec un sourire enjoleur et me fait d'éloquents signes de tête m'indiquant la direction qu'il souhaite nous voir prendre. Je ris.

- "Tu fantasmes sur le garçon d'écurie, Mehdi? Désolé, je n'ai pas de capote sur moi."

Il s'arrête, baisse la tête pour me regarder par dessous ses sourcils, entrouvre la bouche et la sa langue vient pointer le sillon médian de sa lèvre supérieure, il sort à demi sa main droite de sa poche et bascule son poignet pour que j'aperçoive l'éclat métallique des étuis qu'elle contient. Je suis estomaqué par son audace. Et ébloui. Joyeusement.

- "Mais quel coquin tu fais, Mehdi! Et prévoyant avec ça. "

J'aime que mes amants ne soient pas des objets, fut-ce de plaisir, mais bien des sujets, capables de me convoquer au nom de LEUR désir qui déboule, me surprend et me séduit. C'est ce qui déstabilise tant les mecs hétéros : leur faire percevoir qu'on regarde leur cul avec la ferme intention de le niquer, qu'ils sont, eux aussi, des proies potentielles, chassés alors qu'ils se croient exclusivement chasseurs, seuls à pouvoir éveiller le désir chez leur gibier. Tu parles!

Moi, en deux secondes, le regard de Mehdi fait monter en flèche mon taux de testostérone et induit un pincement aigu dans le creux de mes reins. Lui relève fièrement le menton et me toise d'un regard condescendant.

J'ai alors un réflexe stupide, celui de jeter un coup d'oeil circulaire pour m'assurer que personne ne nous voit, comme si nous allions commettre quelque mauvais coup ou un acte répréhensible. Putain de morale incrustée dans nos têtes!

Mais résolument, je l'empoigne par le coude pour nous faire rejoindre l'écurie à grand pas. Il se laisse mener en traînant un peu les pieds comme si je l'enlevais alors qu'il rit silencieusement à pleines dents. A la première ombre venue, je le colle au mur, j'encadre son visage de mes deux paumes et je le galoche éperdûment, voracement, d'une langue qui l'étouffe, le noie de salive, roule et tourneboule la sienne comme dans un lave linge.

Ses mains agrippent mon maillot, le soulèvent, se glissent en dessous ... En moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, nous nous extirpons de ces dérisoires vêtures. Nos peaux se recollent en claquant, nos poils s'entremêlent et la conversation reprend exactement où elle en était restée, entre ronflement et clapotis de langues humides, aspirations gloutonnes et murmures satisfaits, mastications charcutières et déglutitions précipitées. De l'abondance, de l'appétit!

Des ripailles !

Il a fouillé dans sa poche et distribue ce qu'il y a trouvé : un étui pour moi et lui se casse en deux pour descendre mon short et libérer ma bite. Ma main suit sa ligne de dos et fait glisser le tissu sur ses fesses, mon majeur trouve instinctivement la cible volontairement placée à sa portée.

La suite est dictée par l'expérience : il me détrempe, ouvre l'emballage, saisit le préservatif par la réserve, en coiffe mon gland puis, avec des gestes rapides de ses deux mains, le déroule. J'enduis mon manche du restant de gel avec lequel je l'ai préalablement doigté et lubrifié.

Il se retourne, face au mur de paille contre lequel il prend appui des deux mains écartées, se hausse sur ses orteils, son rein cambré entrebaille en triangle le bas sa raie poilue. Je m'approche, guidant mon outil d'une main quand l'autre remonte ce sillon et localise précisément la cible sur laquelle mon gland capoté vient très exactement se poser. Nous poussons lentement en sens inverse et je le remplis souplement, son conduit épouse étroitement mon gland puis, le bourrelet franchi, avale mon manche sans accroc. Je lui souffle dans le cou, en confidence.

- "Ton cul est d'enfer, garçon!

Je contemple ce beau mec viril, il y a peu bardé de cuir matelassé, et présentement à poil, en appui de ses épaules et de ses deux mains contre la paroi de paille. Je détaille son profil aux traits anguleux, sa peau mate, sa barbe courte, ses cils courbes très sombres. Ses yeux clos se sont un peu creusés, sa mandibule s'est à demi décrochée pour laisser exfiltrer ses soupirs, rythmés, profonds ; son visage est calme, extatique. Mes deux mains encadrent ses fesses, elles lévitent sur sa peau, sur ses poils, dans une caresse légère, un effleurement. Ma bite, elle, est solidement plantée dans son cul qui l'aspire dans un puissant péristaltisme, fluide comme un ressac, souple et silencieux. Mais impitoyable.

Il se caresse voluptueusement sur mon bâton de plaisir, il geint faiblement, il s'abandonne et je veille sur lui, préservant la magie de l'instant tant il est fragile.

Il entrouvre les yeux, sourit fugitivement.

- "C'est si bon! Baise-moi!"

Je l'empoigne et entame prudemment de lents aller retour. Il bascule ses appuis, son bras droit s'efface pour permettre à sa main de saisir sa queue, il commence à se branler. Ses traits se crispent et sa machoire se décroche alors qu'il râle à chacune de mes poussées.

J'affermis mes prises et le rythme de nos amples balancements s'accélère. Il chante maintenant à gorge déployée et je le lime impitoyablement, serviable et concentré sur son plaisir sonore qui me remplit de fierté et m'oblige. Lui en donner, encore, davantage et du meilleur. Son cri de jouissance, ses sursauts, son conduit qui écrase ma queue, son effondrement dans mes bras qui le soutiennent, son brusque relâchement et, à suivre, ma propre jouissance, fulgurante, un éclair derrière mes paupières ... on se laisse glisser au sol, membres emmêlés, souffles coupés.

Le premier, je plonge sur sa queue, lape, lèche, revient pour l'embrasser.

Mais il m'échappe, me repousse et ouvre à deux mains l'angle entre mes cuisses et mon torse, me déplie, me décapote et se penche pour gober ma queue molle qu'il presse de sa langue, ses joues aspirant longuement tous mes sucs. Puis il roule sur moi pour me galocher, mêlant nos sèves, m'offrant d'enlacer à deux bras son corps ferme et nerveux, de doigter encore son merveilleux trou du cul. Il se tend, soupire profondément, ferme les yeux. Je m'immobilise, attend qu'il les rouvre lentement. Il sourit, canaille, complice.

Nous restons tous les deux silencieux, le visage fendu d'un sybyllin sourire entendu.

- "Et si nous allions déjeuner? Ça creuse, non?"

Nous rassemblons nos affaires, il grimace en se rajustant car il est couvert de sperme. J'écrase ces éclaboussures du plat de la main, collant ses poils, puis me plaquant contre lui pour le brasser, m'amusant de son air désolé, de sa moue de répulsion, avant de lui piquer un bisou. A la suite, je le houspille jusqu'à la maison, le pousse sous la douche.

Des deux mains, de mes bras, de toutes les surfaces de mon corps, je me presse contre lui, le savonne, le frictionne. Je le plaque à la paroi et m'écrase contre lui.

- "Moi j'aime ce foutre qui marque notre plaisir, te bouffer la queue et le cul, échanger nos goûts corporels dans nos baisers, comme un pédé que je suis et qui sait que rien n'est sale dans tout ce plaisir. J'aime baiser ... et avec toi, ta peau douce, hmmm, est très agréable."

Ses yeux ont légèrement vacillé puis ils se sont teintés d'ironie et, je l'espère, de ce j'ai vu comme un soupçon de satisfaction ; alors je l'ai relâché et rincé.

Dans la cuisine, j'ouvre les portes et fais rapidement le compte de ce qui est disponible pour composer un déjeuner improvisé. Il affirme qu'il aime tout, ce qui rend l'opération plus facile. Nous préparons rapidement, dressons la table et bientôt seul le bruit des couverts et de nos mastications trouble le silence.

- "C'est à toi tout ça?"

L'avant-bras dressé, fourchette brandie, il a décrit un cercle en l'air et me regarde sourcils froncés. Je secoue la tête en riant.

- "Désolé! Je ne suis que le fermier, une sorte de locataire, de gérant si tu préfères. Rien ou presque ne m'appartient ici ! Pourquoi?"

- "Tu es si ... vigilant, si responsable ... comme si tout était à toi, ou ..."

- " ... Comme si j'étais un homme de parole, qui tient ses engagements, qui ne se nourrit pas de faire-semblant. Mais c'est ainsi qu'on construit la confiance sur des bases solides, même quand on a des personnalités différentes, qu'on aborde les choses sous des angles parfois opposés ..."

J'ai interrompu ma mastication, réfléchissant quelques instants.

- "Quand tu es gay, les croquants t'imaginent en espèce de sous-homme évaporé forcément incompétent et inconséquent. Alors je me suis d'abord fait un devoir de leur donner tort et j'ai cherché sans cesse à m'améliorer, engageant une vraie compétition avec moi-même, la seule qui vaille à mes yeux. Puis cette exigence de faire au mieux s'est installée ; aujourd'hui, elle nourrit l'estime que je me porte à moi-même. Elle m'a aussi appris à surmonter la petite vexation de l'échec et à en tirer parti ... en faire une dynamique pour chercher à progresser encore."

J'ai conclu par une grimace et il a sobrement hoché la tête, pensif. Nous avons continué le repas. Pas bégueule, il m'a prêté main forte pour nettoyer, laver la vaisselle, avec bonne volonté.

- "Et maintenant, je t'emmène découvrir un coin secret du domaine!"

Amical72

amical072@gmail.com

* On n'est pas à une bêtise près, faisons-là et voyons après" Renan Luce chante la bêtise

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