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Chapitre 9 | Débourrage
Le récit de Toni
Après avoir rendu visite à Monique, Adrien engage maintenant la voiture dans l’allée qui mène à « la grande maison » ; je sais qu’ainsi, en me faisant découvrir « au grand jour » cet endroit où il a grandi et que je ne connais que par la coulisse, il me parle de lui.
La voie suit le mur gouttereau de bâtiments agricoles et est bordée, de l’autre côté, de grands chênes qui, je présume, ont donné le nom au site : « les Chênaies ». La maison à deux niveaux compte cinq travées et est couverte d’ardoises sur quatre pans. On accède à la majestueuse porte d’entrée à deux battants, surmontée de sa marquise en fer forgé et verre festonné par trois larges marches de pierre formant perron.
Mais là, personne !
Nous revenons sur nos pas, traversant à pied la cour de ferme, quand Adrien, touchant du doigt son oreille, m’entraine au-delà des bâtiments, vers un cercle de sable bordé d’une haute lice en bois. Julien en bottines et pantalon d’équitation, une chemise à carreaux aux manches roulées jusqu’aux coudes et muni d’une simple badine y marche aux côtés d’un grand cheval noir qui redresse l’encolure quand nous approchons. Adrien s’appuie des deux paumes à la lice, bras tendus, et m’invite, à voix basse, à mesurer mes mouvements. L’œil rivé sur la carrière, il poursuit ses explications à mon intention :
- « Julien dresse à la voix un jeune mâle. Regarde, il allonge le pas et remonte sur son épaule … »
- « Oh ! »
- Il demande l’arrêt, avec, au début, l’aide de sa badine, juste en appui sur le poitrail.
- « Marcher ! »
C’est le signal pour avancer et, en claquant de la langue en rythme, Julien maintient l’attention et soutient l’allure d’un pas de travail.
Imperturbable, colosse puissant à la fois solidement campé sur ses jambes et souple comme un animal en chasse, attentif et concentré, Julien m’en impose de détermination et de charisme.
« Ohooo ! »
Cette fois, la badine va peser sur le postérieur à la traine pour le ramener sous le cheval. Il doit apprendre à s’arrêter au carré, avec les quatre membres verticaux et, chaque fois qu’il obtient ce qu’il recherche, le dresseur le flatte de la main et de la voix.
Pas, trot, arrêt, transitions montantes ou descendantes, demi-tour pour travailler aux deux mains … la bête passe devant nous, nous observant du coin de son gros œil sombre et insondable, encolure arquée, balançant le nez latéralement à chaque foulée, oreilles mobiles, souffle claironné ; cette puissante mécanique régulière au regard farouche qui fait sourdement résonner le sol de ses sabots et danser les crins de ses fanons m’embarque dans son rythme et me transporte, fasciné. Quelque peu effrayé également.
Adrien, qui s’est esquivé quelques minutes revient équipé comme Julien qu’il rejoint au centre du cercle.
« Oh ! »
Ils s’approchent du cheval arrêté et Julien croise ses doigts, ouvrant ses mains pour offrir un marchepied à Adrien qui se couche d’abord en sac de sable en travers du cheval que Julien fait immédiatement marcher, d’abord fermement tenu en main, puis seul. Mais, au bout de quelques pas, il aide Adrien à monter à califourchon et celui-ci se redresse lentement alors que Julien ne cesse de parler à l’animal qui demeure concentré mais immobile, les oreilles frémissantes, tout en avançant d’un bon pas.
« Trrrotter ! » Roulant exagérément le R et faisant claquer un « ter » sonore, Julien déclenche quelques foulées de trot et je suis ébahi par la mobilité du bassin d’Adrien qui est, à la fois, fixement posé sur le dos de la monture et en accompagne souplement chaque mouvement. Je souris en repensant aux bosses que forment ses muscles abdominaux, si durs sous leur toison et sur lesquels j’aime faire courir mes doigts.
Adrien met pied à terre et Julien remet le cheval au trot pour qu’il se détende sur le cercle, étirant son encolure et soufflant bruyamment, puis il le repasse au pas.
Pansé, sabots curés, libéré de son harnachement, abreuvé, il est conduit au box où il dévore une brassée de foin tandis que les deux hommes tombent dans les bras l’un de l’autre avec de sonores claquements de mains dans le dos. D’un coup, Julien pose ses yeux sur moi et je me sens transpercé.
- « La prochaine fois, c’est toi que je mets en selle, garçon ! »
Or j’entends bien que, dans la bouche de cet homme résolu, il ne s’agit nullement d’une proposition qu’il m’est loisible de décliner poliment. Le regard, magnétique, m’épingle et je me sens redevenu petit garçon, recroquevillé sous l’ordre impérieux de l’adulte, un peu effrayé de devoir prochainement enfourcher à cette monture puissante dont j’ignore tout ou presque et que je l’ai vu, lui, dompter de sa seule volonté implacable.
Mais je m’introduis dans le vestiaire aux lourdes odeurs animales à la suite d’Adrien parti s’y changer, m’approchant en catimini pour enserrer sa taille de mes mains, pressant mon bassin contre le sien jusqu’à provoquer ce petit mouvement staccato des reins qu’il m’a laissé à voir en selle. Il a une lueur de félin dans le regard, de ces choses censées priver la pucelle ignorante de toute volonté et qui, maintenant, me fait sourire : je ne suis plus si innocent et je sais désormais amener le chasseur dans mes propres filets. Je profite de son dévoilement partiel pour explorer ses toisons à deux mains puis terminer en rabattant son orgueil frustré qui ne se lassera que d’être à nouveau convoqué … Plus tard …
Il me glisse « allumeur » à l’oreille avant de tenter d’en pincer le pavillon entre ses dents et finir par obtenir ma bouche qu’il envahit, chacun moulant de sa main le braquemart tendu de l’autre. Il m’écrase, retrouve son sourire de fauve, écarte brusquement mes mains, s’attaque à ma braguette jusqu’à ce que ma tige en jaillisse, telle un ressort. Il l’engloutit alors suavement, et aussitôt un frisson me secoue. Il me jette alors un œil impitoyable, crache dans sa main et revient déguster ma queue tout en me fichant, comme une flèche, son doigt trempé de salive.
Electrochoc.
Il vient alors délicatement effleurer mes lèvres des siennes dans d’imperceptibles mouvements alors qu’en moi, son doigt déchaine des tempêtes.
Salaud, salaud, salaud !
- « Stop ! Il te faudra te garder ! Julien nous attend, Toni »
Amical72
amical072@gmail.com
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