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Pissotières
(« Tearoom » en argot américain et « tasses » en argot français). Des légendes tenaces sont attachées aux toilettes publiques, réputées être des lieux de dépravation et de violence. Or rien n’est plus fascinant, pour un jeune homme soumis à de sévères intempéries hormonales, que ces endroits que l’expression scandalisée de la morale populaire marque du coin de l’infamie. Aujourd’hui, je ne compte plus tous les gays ou bi qui, sanglés dans leur cuirasse de vertu, ne trouvent pas de mots assez méprisants pour ces lieux de brassage social « puants et abjects » et que j’y retrouverai pourtant, implorants et le cul en offrande. Diverses sorties scolaires m’avaient permis d’observer que certaines pissotières semblaient être le siège d’une activité parallèle, ce qui n’avait pas manqué d’attirer mon attention. Aussi, je mis à profit mes premières « sorties libres » de lycéen majeur pour partir à la découverte de ces lieux de perdition. En plein centre-ville, près d’un carrefour fréquenté, une rue secondaire part en biseau, délimitant un petit square en trapèze par un alignement de stationnements. Deux bancs salis de fientes, un massif fleuri maigrichon, quelques touffes d’arbustes et plusieurs vieux arbres y plantent le décor. Les vastes frondaisons de ces derniers dissimulent à la vue générale un édicule de béton, de ceux qui ont été implantés dans les années soixante. Les grandes rues sont passantes, la petite est bordée de vieux immeubles bourgeois quasiment sans commerces, l’environnement est calme et pourtant, je note nombre de messieurs qui flânent alentour.
Je fais le choix délibéré d’y aller franco, comme tout péquin qui serait mu par un impérieux besoin naturel, pensant réduire ainsi le risque de dévoiler d’autres envies moins « respectables ». J’avance droit sur le trottoir et, d’un coup, je bifurque pour me glisser derrière le voile de béton. J’y découvre trois urinoirs côte à côte, celui du milieu étant occupé par un monsieur « âgé » qui tourne aussitôt la tête vers moi et ne me lâche plus du regard, reculant même un peu le buste quand je me campe sur les empreintes prévues pour les pieds et me débraguette. Une puissante odeur d’alcali me saute alors aux narines, pouah ! le nettoyage de l’édicule semble défaillant. Face à la paroi de béton aveugle, je réalise que, depuis l’extérieur, on ne doit guère distinguer, dans l’ombre, plus que le haut de nos têtes et que ce petit couloir offre donc une sorte de protection bien réelle mais pourtant bien fragile face à tous les dangers potentiels. Comme je ne souffre pas du syndrome de la vessie timide, je pisse bruyamment, ce qui, à mes yeux de candide, offre le meilleur alibi. Je sens pourtant sur moi le poids du regard de mon voisin que j’évite soigneusement de croiser. Mais lorsque, rebraguetté, je quitte mon poste d’un pas énergique, je sens le furtif frôlement de sa main désespérément lancée à mon contact. Je retraverse la rue et m’arrête un instant sur le trottoir pour une rapide inspection panoramique. Je note que certains des badauds, alertés par mon passage, semblent surveiller, du coin de l’œil, la suite de mes agissements. Mais aucun ne me paraissant pouvoir répondre à mes attentes prétentieuses, je décide de poursuivre du même pas jusqu’au cinéma, un peu plus loin. Je danse un moment d’un pied sur l’autre, faisant mine de m’intéresser aux films à l’affiche. Pourtant ce nœud dans mes reins me fait bien sentir l’impérieuse urgence de retourner me confronter à ce monde si rapidement entrevu pour chercher à assouvir ce que j’y ai réveillé et qui, maintenant, me tenaille impitoyablement. Me voilà rebroussant chemin, sur une trajectoire droite le long de la rue et, de nouveau, au dernier moment, je tourne brusquement pour m’engager dans les latrines.
Immédiatement, je perçois que, seul, l’urinoir central est libre et je m’y encastre, alors que les occupants des deux autres ne sont que des silhouettes à peine entrevues. Le regard volontairement figé droit devant moi, je me débraguette. Mais, cette fois, je ne parviens pas, comme précédemment, à déverser de sonores arguments et, très rapidement, je sens une main s’insinuer à la hauteur de ma hanche et me presser pour se frayer un passage. Je suis instantanément pétrifié par cette audace insensée. Les yeux écarquillés et fixés sur la paroi, je me mets pourtant à bander comme un poney et j’écarte spontanément mes mains, ouvrant ainsi à celle de mon voisin le libre accès à ma queue raide. Il s’en empare, la palpe, l’évalue d’une main qui me parait infiniment douce. Puis il me masturbe énergiquement quelques secondes. D’une soudaine poussée résolue, il me fait céder d’un pas en arrière et, se cassant brusquement en deux, il engloutit ma queue, accompagnant le mouvement de son poignet d’une pipe dont ne me parvient que la suave et extraordinaire puissance érotique. Soudain, le reste autour n’existe plus. Je suis totalement envahi par mes sensations, je n’aperçois de lui qu’une nuque brune sur un col de veste en tweed qui s’agite verticalement et rythmiquement. Effet de surprise ? La monstrueuse excitation de cette incroyable débauche impromptue me fait exploser rapidement dans sa bouche avec un petit râle perché, sans même avoir pu chercher à me retenir. Cependant, je perçois que, loin d’avoir un mouvement de recul, l’homme m’attire fermement à lui, bloquant ma queue, aspirant goulument tous mes sucs d’une succion forcenée. Le temps pour moi de retrouver mes esprits, il a tourné les talons, anonyme et déjà disparu. Mon autre voisin tente alors de me tripoter à son tour mais je le remets en place d’une petite tape sèche, me rajuste et sors, encore sonné par l’intensité de cette jouissance éclair. Il me semble que je viens de découvrir de Nouvelles Indes jusqu’alors de moi inconnues.
Amical72
amical072@gmail.com
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