Premier épisode | Épisode précédent
Saison 4 | Chapitre 7 | Le râteau
Il y a des rencontres qui ne laissent aucun doute ; un simple échange de regards nous assure que l’Autre, là, en face, nous a regardé, jaugé, envisagé comme un potentiel partenaire sexuel. Un sourire de connivence accompagne cette reconnaissance réciproque, entre pairs.
J’ai ainsi rencontré Gilles lors des entrainements multisports au lycée, en décloisonnement avec l’équipe de la commune : échauffement, cardio, un peu de technique. L’homme est rude et vient au contact. Fairplay, il aime cette atmosphère virile et tape dans la main de l’adversaire respectueux. Il n’est pas très grand, musclé plutôt sec, châtain déjà très dégarni pour sa trentaine mais, également, couvert d’une fourrure d’ours qui me sidère, elle dépasse du col et des manches et prolonge ses cheveux sur la nuque. Quand je la découvre, dans les vestiaires, j’en ai des fourmis dans les doigts. Son poil fin, souple, tapisse torse et dos, mousse sur ses épaules, remonte sur la nuque, couvre bras et jambes jusqu’aux phalanges des doigts et des orteils. Il dessine une ligne le long de sa colonne vertébrale, s’évase en triangle dans le creux des reins, cascade sur ses fesses et forme une barbiche au-dessous. Une toison animale qui capture à tout coup mon regard. Gilles s’en aperçoit et me fait un clin d’œil complice.
Il n’est pas du genre coincé du cul et se déshabille sans chichi pour aller à la douche. Pour autant, il ne traine pas et ne me donne pas l’occasion d’une conversation plus personnelle. « Pffft » et il s’est déjà évanoui ... Mais comme il ne me trotte pas non plus en tête, nous sommes plutôt bons copains, comme ceux qui se sont reconnus et se côtoient par préférence, par proximité. Je reste cependant fasciné par sa pilosité dense, fournie, naturelle … et étendue. Je me rince l’œil sans vergogne chaque fois qu’il me laisse le loisir de la mater, mais nous en restons là.
Puis un soir que je me suis aventuré place d’Espagne, à errer dans les fourrés, voilà que je tombe sur une tête connue. Un garçon que j’avais toujours tenu à distance, car trop visible pour mon gout. Comme il vient vers moi, visiblement déterminé, je lui souris et le salue ; rien de tel qu’une conversation pour rafraichir la libido des importuns ! Or il me parle de Gilles avec qui il m’a vu m’entrainer à plusieurs reprises, ce qui a confirmé, dit-il, ce qu’il avait entendu de moi.
Car avec Gilles, il y avait gouté, se flatte-t-il… « Vraiment ? » je lève un sourcil, vaguement curieux. Erreur, car aussitôt, il m’entreprend : « Gilles est un passif total mais un super coup ! et toi, tu es passif ou actif ? » Et voilà ouvert, justement, le sujet que je souhaitais éviter !
« Tu n’as pas de chance avec moi car je suis un actif absolu, dominant et amateur de poilu » et je le plante là, dépité, avec sa maladresse de s’être trop tôt découvert.
Pourtant, je me prends à fantasmer sur le joli cul musclé et velu de Gilles ; connaissant un peu l’animal, j’imagine que les ébats avec lui sont animés et toniques et je m’en vois tout excité. Cependant, je ne l’ai jamais croisé en situation favorable et ce soir là aussi, c’est une autre bouche qui me dispensera les caresses voluptueuses bien que clandestines que je recherche.
En une après-midi ensoleillée qui fait encore penser à l’été, je pousse la porte du sauna et trouve l’établissement quasi désert ; avec ce beau temps, les mecs ont dû préférer aller chasser ailleurs, dans la nature. Pourtant, j’entrevois une silhouette familière et, par la vitre de la cabine sauna, je ne tarde pas à découvrir Gilles, allongé à plat ventre sur sa serviette, la tête posée sur ses mains croisées. A le voir ainsi alangui, beau trentenaire musclé, la peau luisante de perles de sueur, je sens quelque chose se nouer dans mon ventre, un désir froid de chasseur affamé.
Muni du matériel nécessaire, je le rejoins, le salue et lui propose un petit massage, comme nous le faisons parfois, réciproquement, à la fin des entrainements, puisqu’il semble qu’à part nous et quelques fantômes d’habitués, le sauna soit désert. Il en sourit et accepte volontiers.
Ce n’est pas du massage professionnel, plutôt une technique pour détendre les muscles avec un peu d’huile mais, pratiqué avec des mains fermes et attentives, elle permet de dénouer les contractures consécutives à un match un peu rude. Je l’enduis d’huile avec de petits frottements circulaires, puis je travaille symétriquement en pétrissant ses deltoïdes puis ses trapèzes, soulageant les tensions de l’épaule à la nuque où je trace de profondes virgules de mes deux pouces appuyés. Il est offert à la manipulation et laisse échapper de petits grognements de satisfaction. Hum, sa chair commence à parler d’abord à mes sens et mes mains se font imperceptiblement plus légères sur sa peau réchauffée par le sauna et couverte de gouttelettes de sueur, ses poils s’emmêlant autour de mes doigts. Dès lors, me voilà attentif à chacun de ses soupirs, à l’affut du moindre de ses abandons.
Puis je m’occupe de ses dorsaux. Après ce début de prise en main vigoureuse, je m’applique maintenant davantage à étirer ses muscles, à les lisser et je roule sa peau entre mes doigts en remontant vers l’échine. L’envie de caresser vraiment sa fourrure, de frotter mon torse à son dos me donne des picotements. Mes mains enveloppent son dos taillé en V, puis s’y déploient en éventail, mes doigts peignent ce poil qui me fascine. Assis à son côté, nos corps au contact, je suis submergé par un désir de sensualité en le voyant soupirer d’aise. Je m’approprie déjà ce dos rien qu’à le parcourir, cette chaleur circule entre nous et je me vois lui saisir fermement la taille quand lui se cambre.
Je me déplace ensuite à ses pieds pour reprendre le massage par ses mollets préalablement huilés. Le voir ainsi allongé, alors que je gaine ses jarrets à deux mains, me donne de lui une vision panoramique. Dans la lumière tamisée, la sueur modèle son corps huilé de beau mec sportif sur lequel mousse sa toison, ses fesses bombées semblent des sommets à conquérir, sa vallée velue me parait receler un trésor dans son ombre. Je me sens comme le satyre bandé, tapi et en approche, se préparant à fondre sur sa proie alanguie par la baignade. Alors je remonte sur ses cuisses que je malaxe à deux mains en partant du genou, me couchant en partie sur lui, passant de l’une à l’autre, puis revenant en laissant trainer mes doigts crochus pour l’égratigner, jusqu’à attraper ses fesses à pleines poignées. Il me semble que je touche au but, qu’il est maintenant détendu, paisible, disponible, assurément presqu’offert.
Je laisse gouter un filet d’huile en haut de sa raie pour qu’il s’infiltre langoureusement dans sa broussaille. Il retourne alors sa tête qu’il repose sur son autre joue. Son bras se rabat vers l’arrière, sa main, paume ouverte, vient se poser sur ses reins : « Merci pour ton massage, Julien ! C’est super mais, là, tu perds ton temps. » Il rit « Tu es BEAUCOUP trop poilu pour mon gout ! »
Badaboum ! Petite leçon de vie ! Bah, on ne peut plaire à tout le monde et il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur. Alors aussitôt mon rire répond au sien : « n’empêche, Gilles, c’est un plaisir de te masser, beau poilu. » Je lui administre une petite claque sèche sur le cul et nous nous quittons bons copains, mais j’ai, moi, l’appétit terriblement aiguisé par le souvenir des franches poignées que je lui ai prodiguées. Je suis en chasse.
Amical72
amical072@gmail.com
Autres histoires de l'auteur :