Premier épisode | Épisode précédent
Sourire aux lèvres et tout en sirotant paisiblement son rosé, Armand attend que Jean, Yvan et moi ayons repris nos esprits avant de nous annoncer l’inconcevable :
- Avec la permission de Julien, pour vous deux ce sera gratuit. Je ne suis pas mercantile. Vous pourrez disposer de moi tout à loisir et prendre votre petite revanche durant une heure, mais pas avant le mois prochain parce que j’ai un planning très chargé… Ok ?
Trois mois passent sans qu’Yvan et Jean ne donnent de leurs nouvelles. Mais, connaissant les deux cocos, je pense qu’il est peu probable qu’ils oublient la promesse d’Armand.
Presque toutes les semaines, Armand vient me rejoindre dans mon loft mais n’allez pas croire que je le saucissonne à chaque fois pour lui infliger les voluptueuses tortures qu’il apprécie tant. Non, la plupart du temps nous allons faire une petite balade dans mon coupé sport qu’il aime bien piloter. Après un petit resto sympa nous rentrons à la maison pour une bonne bourre. Ce qui me chagrine un peu, c’est de devoir menotter Armand à la tête de lit pour le baiser.
Armand est un compagnon agréable, sobre en paroles, ses silences affirment sa présence car alors ses regards sont comme des mots. J’éprouve toujours une petite déchirure quand il part au petit matin en ne laissant derrière lui que la discrète odeur de son corps dans mes draps.
La saison estivale prend fin mais un été indien inattendu nous accorde encore de belles journées ensoleillées. Sophie est absente pour quelques jours, durant ce laps de temps, Armand est à moi.
Etalé sur ma serviette de bain, j’admire le crawl fluide d’Armand qui fend les flots d’une paisible Méditerranée. Sur son dos bronzé les muscles roulent en vagues. Quand il sort de l’eau, sa silhouette superbement découplée scintille de soleil et son sourire me pique le cœur. Qu’il est beau !
Embaumant d’une senteur d’algue, il s’allonge auprès de moi, le souffle long et profond. Il rit quand je lui dis qu’il nage comme un dauphin et me rétorque que c’est grâce à ses oreilles qui lui servent de nageoires.
- Salut les gars, comment ça va depuis la dernière fois ?
Leurs fringues sous le bras, Jean et Yvan sont plantés devant nous avec un petit sourire carnivore aux lèvres. Comme ils passent dans la région, ils pensent que c’est l’occasion pour eux de réclamer leur dû. Armand va-t-il tenir sa téméraire promesse ?
- Tu es libre ce soir Armand ? Gazouille Yvan.
- Ça tombe mal les gars, pour ce soir ce ne sera pas possible. J’ai un combat demain soir et il faut que je sois en forme si je veux conserver mon titre… et ma prime. Tente de négocier Armand.
- C’est ça, dis tout de suite que tu te dégonfles ! Jappe Yvan.
- Non mec, je ne me dégonfle pas mais je préfèrerais que nous fassions notre petite affaire demain soir après le combat. Mon challenger n’est pas un petit rigolo, il a la hargne et il va me donner du fil à retordre. Vaudrait mieux pour moi avoir la pêche pour l’affronter … je vous connais tous les deux, vous allez me démonter et je serai liquide quand je monterai sur le ring. Marmonne Armand.
- Et alors, qu’est-ce que ça peut foutre ? N’aies-tu pas l’homme de tous les challenges, non ? Cela te donnera l’occasion de dépasser tes limites d’endurance. Roucoule Yvan avec son sourire grimaçant.
Armand ne répond pas mais me coulisse un regard interrogateur. Je fais non de la tête mais je connais l’orgueil de mon mec. Orgueil qui le pousse à relever les défis les plus fous. C’est en frissonnant que je l’entends répondre :
- Ok les mecs, je me livre à vous ce soir et vous pourrez vous amusez pendant une heure mais à une condition.
- Quelle condition ? Grommelle Jean, soudain méfiant.
- Si malgré ce que vous allez certainement me faire subir je gagne mon combat demain, vous me refilerez deux mille euros. Vous allez remettre ce fric à Julien en espèces. Si je perds, il vous le rendra mais si je gagne il sera à moi. C’est à prendre ou à laisser. Conclue le kickboxer d’un ton sans appel.
Yvan grince un rire sardonique et Jean gouaille :
- Parce que tu crois qu’on va te laisser assez de jus pour gagner ton combat ? T’es un grand rêveur, mec ! Pour moi, c’est d’accord. Qu’est-ce que tu en penses Yvan ?
- C’est d’accord pour moi aussi. Répond son acolyte sans hésiter.
Sous mon regard inquiet, mes deux salopards de copains enfilent prestement leurs fringues et partent à la recherche d’un distributeur de monnaie en promettant de revenir très vite. Ils nous rejoindront au loft. Quand nous sommes seuls Armand et moi, je me tourne d’un bloc vers lui :
- Tu es complètement dingue, Armand !! Si tu avais besoin d’argent, tu n’avais qu’à me le demander. Ces deux enfoirés vont te démonter et demain soir tu seras tellement flagada que ton adversaire va te massacrer !!
- Ne t’inquiète pas Julien, je n’ai pas besoin d’argent mais je suis un peu joueur. Avec ce fric, je vais offrir un week-end à Sophie à Disneyland… elle est enceinte et elle a des envies un peu bizarres.
- Ta copine est enceinte ?
- Ouais, de quatre mois. Je vais me marier, Julien. Je veux m’occuper de mon gosse du mieux que je peux. Murmure-t-il en baissant les yeux.
Je ne sais que penser mais j’ai comme de la glace dans l’estomac.
- Mais… et nous deux, alors ? Tu viendras quand même me voir ? Que je m’entends balbutier.
- Beaucoup moins, Julien. Peut-être même plus du tout. Sophie est une femme fragile, elle aura besoin que je m’occupe beaucoup d’elle. Je suis désolé, Julien. Me répond-il avec douceur.
À présent, c’est dans tout le corps que j’ai de la glace. C’était trop beau pour être vrai. Je m’étais juré de ne plus jamais aimer et voilà que je me fais piéger par un mec que j’aurais dû fuir comme la peste. Adorable Armand, si sincère mais aussi si compliqué, si complexe. Je flotte, vide et glacé devant lui. Il m’enveloppe d’un regard aimant mais pour moi, il est déjà parti.
À peine sommes-nous de retour au loft que Jean et Yvan se pointe avec les 2000 € qu’ils me remettent. Alors, sans un mot, Armand se déshabille et les festivités commencent.
Ils le ligotent solidement, couché sur un banc de musculation puis tandis que Jean attendrit la viande en lui martelant les abdominaux, Yvan lui bouffe la queue et les couilles pendant un bon moment. Cela sans aucun ménagement.
- Tu as de la chance que je ne sois pas trop rancunier sinon ce serait sur ta jolie petite gueule que je cognerais. Gronde Jean en s’acharnant.
Il est clair que les deux salopards vont régler leurs petits comptes. Quand ils estiment que l’animal est suffisamment ramolli, ils l’équipent de mon gros plug gonflable. Armand grince des dents pendant l’introduction de l’engin mais son rostre n’en reste pas moins dressé, comme une provocation. Turgescent et palpitant.
Assis dans mon fauteuil, je fume mon cigarillo en feignant l’indifférence. Je suis pourtant taraudé par la jalousie en constatant qu’Armand prend un plaisir infernal sous les manipulations brutales des deux vicelards. Le bel athlète assume son masochisme sans complexe et tourne la tête vers moi pour que je puisse lire sur son visage la douleur alterner avec le plaisir. Parfois même, il s’accorde le luxe de me faire un clin d’œil.
Pour satisfaire son exhibitionnisme et l’exciter encore davantage, Jean et Yvan ont connecté les caméras Web à leur site de manière à ce que leurs abonnés puissent regarder le spectacle en direct. Savoir que des mecs se branlent en assistant à son chalenge, conduit Armand au paroxysme de l’excitation. Quant à moi, j’ai honte de bander en assistant à la démolition d’un homme que je prétends aimer.
Surexcité, Yvan enduit abondamment de gel le pieu de l’homme ligoté avant de l’enfourcher pour s'empaler dessus. Malgré ses bras liés sous le plateau du banc, Armand fait sauter son cavalier à grands coups de reins avec une aisance déconcertante. Couinant comme une guenon, Yvan malaxe les pectoraux de sa monture à pleines mains puis lui pince les tétons aussi fort qu’il le peut pour la faire grimacer.
Le Yvan se prend un pied fabuleux sous le regard jaloux de Jean qui s’impatiente. Il est connu que l’homme tatoué est un « long à jouir » qui de plus aime prendre son temps. La peau nappée de sueur, Armand cependant maintient son effort et c’est en braillant que le tatoué lui crache son jus dans la gueule. Une demi-heure est passée.
Sans tarder, Jean prends le relais en enfourchant le captif à son tour. Assis à rebours sur son torse, il s’empare de ses attributs virils avec la ferme intention de le vidanger. Sa méthode n’est pas des plus douces mais très efficace. Pour ne pas rester à rien faire, Yvan actionne la poire du plug gonflable sans se préoccuper des protestations véhémentes d’Armand.
D’ailleurs celui-ci, écrasé par le poids du colosse, doit rapidement se taire pour essayer de puiser un peu d’air. C’est à moitié étouffé qu’il crache enfin son foutre. Véritable volcan humain, il asperge copieusement ses deux tourmenteurs sans un seul instant me quitter des yeux. Nos deux regards sont comme soudés tandis qu’il se vide.
Peut-être est-ce à moi qu’il dédie son sperme ?
Le quart d’heure qui reste, Jean veut le consacrer à son rêve : baiser Armand. Il détache les chevilles de l’athlète qui sont fixées aux pieds du banc pour relever ses jambes à la verticale. Debout au-dessus de la tête d’Armand, en station écartée, Yvan s’empare des chevilles du garçon pour tirer les jambes à lui tout en les écartant. Cuisses largement ouvertes, Armand est totalement à la merci de Jean.
Ce dernier ne perd pas de temps pour arracher le plug et introduire son monstre dans la rosette dilatée. Mon mec ne peut retenir un cri pathétique quand la brute s’enfonce dans ses tripes à grands coups de bélier. Toujours égal à lui-même, Armand bande de nouveau. Sa prodigieuse puissance sexuelle n’est pas un atout ce soir car le fait d’éjaculer une seconde fois risque fort de sérieusement saper les forces dont il aura besoin demain pour affronter son redoutable challenger.
Pourtant c’est ce qui se passe. Tout en besognant sa proie à grands coups de reins, le gorille lui a empoigné le sexe qu’il branle furieusement. La prostate rabotée, Armand pousse des râles rauques qui ne font qu’exciter davantage le baiseur. Soixante-sept minutes se sont écoulées quand les deux hommes jouissent simultanément en faisant résonner le loft de leurs rugissements. Vidés, Yvan et Jean s’écroulent dans les fauteuils tandis que je libère mon ami ruisselant de sueur et haletant.
Le lendemain soir, quand Armand est monté sur le ring, il avait certes le visage marqué par la fatigue mais il était superbe. Son adversaire était une bête méchante et l’issue du combat fut parfois incertaine. Je fus bien soulagé quand, au cinquième round, Armand envoya son rival au tapis. Jean et Yvan, après avoir un moment tiré la gueule, m’accompagnèrent dans les vestiaires pour féliciter le vainqueur.
Armand a gagné ses deux mille euros mais il n’est pas frais. C’est la première fois que je le vois dans cet état. Après avoir pris congé des deux loubards, je le ramène chez moi. Je le douche puis je l’étends sur son lit pour le masser. Il est épuisé.
Plein de sentiments se bousculent dans ma tête. Quelle idée j’ai eu de tomber amoureux d’un homme aussi compliqué ?
Armand est un bourreau de son corps et moi maintenant je veux lui donner ma tendresse. J’en ai tant besoin. Nous sommes plus que jamais décalés dans notre démarche amoureuse et j’en souffre.
Tandis que je soigne son corps meurtri, il ouvre les yeux et me dit :
- Tu ne veux pas me baiser ce soir ?
- Non, tu as assez morflé comme ça, il faut que tu récupères. Dors. Que je lui réponds, la voix étranglée.
Alors, avec un petit sourire, il ferme les yeux et s’endort comme une masse. Très longtemps je reste à le contempler, endormi à plat sur le lit. Si beau, si fort et si vulnérable. C’est le repos du guerrier. Empli de tristesse, je vais me coucher.
Le lendemain matin quand je descends, la chambre est vide, Armand est parti. Sur la table de chevet il a laissé un mot : « Merci à toi, je t’aime. »
Je ne suis pas allé au mariage d’Armand. Tout d’abord parce que j’estimais que ce n’était pas ma place mais surtout parce que j’en avais trop gros sur la patate. Voila ce que c’est que de s’amouracher d’un bi qui vous plante pour convoler en justes noces. Toutefois, je lui ai fait un beau cadeau : le téléviseur grand écran dont il rêvait. Le top du top.
Armand est revenu chez moi deux mois après son mariage. Il n’était pas très souriant mais il ne m’a pas dit pourquoi. Je l’ai ligoté et je l’ai baisé puis nous avons dormi ensemble. Au petit matin, il est reparti et j’ai lu dans son regard que je ne le reverrais pas de sitôt.
Presque trois ans s’écoulent, vides et lents. Parfois, au détour d’une rue, j’aperçois la camionnette de mon peintre et cela me mord le cœur mais je dois respecter son choix. Je ne suis pas d’une nature à m’accrocher. Mais il me faut avouer que je suis malheureux.
Comme il est de bon ton, de nos jours, de jouer les écolos, panier à la main, je fais mon marché.
Je viens de subir les tonitruantes confidences de la grosse maraîchère qui ne pardonne pas à son pépère d’avoir planqué la boite de Viagra… le traitre !
- Moi, Monsieur, j’ai besoin d’amour au moins deux fois par semaine ! Mugit la baleine en empilant ses choux.
Que puis-je faire d’autre que d’accorder un regard compatissant au papy exsangue qui roule sa cigarette derrière le cageot de poireaux ?
Les oreilles toutes endolories par les braillements de la matrone, je suis sur le chemin du retour quand je vois au loin un jeune couple encadrant un enfant qu’il tient par la main. Ils sont sur le même trottoir que moi. Ils ont le soleil dans le dos.
La haute silhouette de l’homme se découpe, svelte avec de larges épaules, il a la démarche balancée d’Armand. C’est Armand.
Je dois avoir fière allure avec mon panier rempli de laitues, de patates et de poireaux. Je ne sais trop qu’elle attitude adopter et mon cœur bat la chamade. C’est Armand qui m’interpelle : « Salut Julien. » Nous sommes face à face. Il n’a pas changé, peut-être ces petites pattes d’oie à la pointe des yeux ? Il dit :
- Comment vas-tu Julien ? Tu connais déjà Sophie, mais je te présente Thomas, notre fils. Thomas, dis bonjour au monsieur, c’est un ami.
Le petit garçon lève la tête et me tend énergiquement la main. Il a les yeux… et les oreilles de son père. Comme lui, il vous regarde droit dans les yeux. Il est grand pour ses trois ans, ce sera probablement un bel homme. Sophie, elle, a le regard absent. Une sorte de froideur lisse son visage. Une aura malsaine l’enveloppe. Nous échangeons quelques banalités polies et nous nous séparons. Le gosse se retourne pour me lancer un dernier regard curieux. Ses yeux gris me rappellent beaucoup trop de choses. J’ai le cœur serré.
Deux semaines après, je rentre chez moi, fatigué. La journée a été chargée, le Brexit oblige ma société à résoudre et anticiper de gros problème. C’est lourd à gérer et j’en ai plein les bottes. La perfide Albion mérite bien sa renommée… Vivement une douche relaxante et un petit verre bien mérité.
Des rugissements et des grondements de dragons emplissent l’espace du loft. Aurais-je laissé la télévision allumée en partant ce matin ? Décidemment, j’ai la tête ailleurs ces temps-ci. Cela me contrarie et je me dirige vers le grand écran mural pour faire cesser le vacarme. Où est la télécommande que je pose toujours sur la table basse ?
La télécommande est tout bonnement dans la main d’Armand, vautré dans le Stressless. Jean, T-shirt et pieds nus. Il est comme chez lui, relax. Je me souviens maintenant qu’il ne m’avait jamais rendu les clés du loft.
- Bonsoir Julien, tu as passé une bonne journée ?
Le moment de surprise passé, je prends le parti d’entrer dans le jeu de l’intrus et de faire comme si nous nous étions quittés ce matin même. On efface trois ans d’un revers de main. C’est cool, non ? Je réponds :
- Non et j’en ai plein le cul. Et toi, ta journée ?
- Aujourd’hui, Sophie et moi avons divorcé. J’ai la garde de l’enfant et sa mère est partie vivre dans une secte. Elle sera la 27ème épouse du Grand Gourou Suprême. Et moi, je peux enfin regarder la série « Games of Thrones », tranquillement. Ça me fait du bien… Bonne journée pour moi. C’était super !
Que dois-je répondre, dites-le-moi ? Je me place face à lui, masquant son bruyant épisode Games of Thrones, et je le contemple. Il est très beau avec ses doigts croisés derrière la nuque et son sourire banane. Il demande :
- Tu m’offres un verre, Julien ? J’ai besoin de fêter ça.
Ma mâchoire se décroche un peu plus et je ne peux rien faire d’autre que de rire.
- Tu n’es pas croyable, Armand. Tu m’annonces tout ça d’un bloc comme si c’était la chose la plus ordinaire qui soit. Tu m’en fous plein la gueule et tu te pointes chez moi la bouche en cœur, comme s’il ne s’était rien passé. J’ai une envie folle de te casser la gueule, mec.
- Tu sais bien que tu ne le pourrais pas parce que je suis bien plus fort que toi… à moins que tu ne me ligotes avant… Justement, je suis venu pour ça.
Sur ce, il se lève avec la souplesse d’une panthère, me plante un bécot sur les lèvres et se dirige vers l’escalier qui mène à mezzanine. Il a déjà grimpé six marches quand je lui demande :
- Où vas-tu comme ça ?
- Je vais dans ta chambre, pardi. Tu as bien assez de matos dans ta commode pour me ligoter sur ton lit.
- Comment ça, te ligoter sur mon lit ?
- Ben oui, pour que tu me baises ! Décidément, Julien, il faut tout te dire aujourd’hui…
Je suffoque. Voilà pas que ce mec me coupe le cœur en deux puis se repointe chez moi comme une fleur après trois ans d’absence pour que je le saucissonne et… que je le baise en prime.
Dites-moi où je peux trouver autant de culot que ça ? Armand me toise, goguenard, et continue :
- Allez viens, ne te fais pas prier. Tu vas te régaler. Je crois que j’ai pris encore du muscle et que je suis encore plus sec. Regarde.
Joignant le geste à la parole, il arrache son T-shirt pour exhiber son torse nu. Wow !! Quelle splendeur !! Je bande comme un âne. Le corps de ce fils de pute inspire autant les coups que les caresses. C’est une apothéose de sensualité. Je veux le manger et j’ai maintenant beaucoup de mal à jouer les boudeurs. Ma rancœur est cependant tenace et ce soir je ne suis pas d’humeur à passer si vite l’éponge sur trois années de nostalgie. Je claironne :
- Non Armand ! Je ne t’attacherais pas, j’en ai marre de ton petit jeu de pute. Tu m’en as fait assez baver comme ça. Et d’ailleurs, je ne t’aime plus !
- Tant mieux, comme ça tu seras encore plus méchant avec moi.
Que répondre ? J’éclate de rire. J’éclate de rire parce que je suis tout de même heureux de retrouver un Armand toujours aussi louf. Un Armand que je déteste d’amour. Un Armand que j’ai autant envie de piler que d’embrasser. Feignant la résignation, je le suis dans l’escalier. Il entre dans ma chambre et va directement à la commode qu’il connaît si bien. Il ouvre un tiroir et en sort une paire de menottes qu’il me tend avec une supplique dans les yeux. Je prends les menottes que je laisse pendouiller au bout d’un doigt en affichant un air sceptique. J’ai bien l’intention de le faire languir, cet enfoiré.
Mon visiteur déboucle son ceinturon et fait glisser slip et jean tous ensemble sur de longues jambes toujours aussi bandantes. Je redécouvre la perfection d’un corps dont l’image a hanté tant de mes nuits. Ma bite est comme une barre et s’insurge contre mon futal que je m’obstine à garder. Je me contente de tomber la veste style cadre supérieur et de dénouer ma cravate style classe. Armand a renoncé à me provoquer. Presque humblement, les bras le long du corps et tête baissée, il attend mon bon vouloir.
- Accorde-moi au moins ça. Me dit-il en me tournant le dos pour m’offrir ses poignets croisés.
J’admire ses vastes épaules. Son dos est un éventail de muscles roulants, ses reins sont minces et cambrés et son petit cul me semble plus dur que jamais. Je fais cliquer les menottes sur ses poignets et le projette sur le lit.
Nu sur le lit, il est beau comme Lucifer et ses grandes oreilles sont pour moi des petites ailes diaboliques. Son regard est un appel à mes plus sombres pulsions. Je pète les plombs. Je me jette sur lui, j’enfourche ses hanches pour le bloquer et je le boxe comme un malade.
Dans ma fureur, j’épargne pourtant son visage mais je cogne sur ses pectoraux bombés et ses abdos en damier. Je veux le détruire, je veux l’anéantir. Armand est un boxeur, un vrai de vrai, il sait encaisser. Mais il est à la merci d’un fou furieux. Je lui en veux tellement, tellement, tellement.
Je m’acharne sur ses abdos d’acier que je perfore bientôt à coups répétés. Je veux le faire souffrir et il souffre. Il ne me regarde pas, il ne me demande pas d’arrêter, il encaisse vaillamment. Le souffle coupé, il grimace sans se débattre, il s’abandonne à sa punition sans protester. Je suis le volcan qui brûle la terre qu’il aime.
Je m’arrête. Toujours en pesant sur ses hanches je me penche sur lui et lui caresse la joue. Il hoquette en cherchant son souffle. Il a dérouillé sévère. Les yeux grands ouverts il me regarde et je me perds dans l’océan gris de ce regard. Il craque soudain et un énorme sanglot sort du profond de sa poitrine.
J’arrache ma chemise et je me couche sur lui. Mon torse écrase son torse et à mon oreille il sanglote sa douleur. Il en a bavé durant trois ans. Il a épousé une demi folle mystique qui ne jure que par les gourous les plus désaxés. Dans une secte foldingue, la démente a trouvé sa raison de vivre.
Armand pleure. Il s’abandonne à sa souffrance, ses larmes ruissellent. Ses sanglots rauques me font mal. Sa voix s’éraille et son âme est à nu. Il ne peut plus davantage crâner. Il est brisé.
Ceinture pour la baise, abstinence totale pour atteindre le nirvana de la folle. Armand a supporté ce long enfer pour protéger son gosse que sa mère voulait offrir au « Grand Gourou Suprême », en prime de l’argent du ménage. Il attendait des semaines le retour de la mystique qui revenait brièvement chez eux avec un regard d’illuminée.
Après enquête judiciaire, une juge a mis fin à la sinistre plaisanterie. Armand a maintenant la garde totale de son fils Thomas. Mais pour obtenir cela, il est passé sous un rouleau compresseur. Il a mal de partout, Armand.
Je l’écoute en buvant ses larmes, en berçant les sanglots qui le déchirent mais aussi qui le libèrent.
Peu à peu, il s’apaise. Je me couche le long de lui et pose une main légère sur le torse que j’ai tant meurtri.
C’est l’automne, et dans la cour, on entend le froissement des feuilles de platane que le vent fait courir sur les pavés. Je regarde le profil net de l’homme qui m’a fait tant souffrir. J’aime la courbe de ses cils. Il murmure :
- Pardonnes-moi ces pleurnicheries mais j’avais besoin de te le dire. J’en ai tellement gros sur la patate. J’ai besoin de toi, Julien. De toi tout entier.
Sans répondre je me relève hors du lit pour achever de me déshabiller. Mon monstre, enfin libéré, palpite d’allégresse. En prenant mon temps, je le coiffe d’un préservatif. Tête callée dans les oreillers, Armand regarde. Sur le pied de guerre, je me place au pied du lit et déclare d’une voix sourde :
- Armand, si vraiment tu m’aimes, donnes-moi aujourd’hui ce que tu m’as toujours obligé de prendre par la force.
- Que veux-tu dire ? Répond l’homme menotté qui feint de ne pas comprendre.
- Tu as très bien compris. Je vais te détacher. J’en ai marre de devoir ligoter le mec que j’aime pour le baiser. Tourne-toi, je vais t’enlever ces putains de menottes. Dis-je en m’agenouillant sur le lit.
Après un bref moment d’hésitation, Armand se tourne sur le côté pour me tendre ses mains prisonnières. Je prends la petite clé pendue à mon cou et je libère ses poignets.
- Tu n’as pas peur que je réagisse mal ? Balbutie-t-il, troublé.
- Si, bien évidemment que j’ai peur que tu me colles un pain dans la gueule, mais je suis prêt à courir le risque. Pour toi, pour moi, pour nous.
- Alors comme ça, tu ne veux plus m’attacher ? Plus jamais, fini, fini ? S’inquiète-t-il en relevant les sourcils.
J’éclate de rire devant son expression de gosse déçu. Il est trop mon Armand. Ce qui achève de m’attendrir, c’est de constater qu’il ne sait trop quoi faire de ses mains libres qu’il balade sur le drap. Je le rassure :
- Mais si, grand malade, je continuerai de te ligoter… mais seulement quand tu seras bien sage !
Du coup, c’est lui qui rigole maintenant. Rassuré, il me décoche son grand sourire franc qui creuse si joliment ses fossettes. Il redevient sérieux quand je m’agenouille entre ses longues jambes écartées pour les placer ensuite sur mes épaules. Je le surplombe et nos regards se soudent l’un à l’autre. C’est l’heure de vérité.
Armand va-t-il comme je le crains, réagir comme le traumatisé qu’il est… et me casser la gueule ? Je m’en fous et je m’enfonce en lui. Profondément et sans aucun ménagement. Il m’attendait et s’est ouvert le mieux qu’il le pouvait. C’est une offrande qu’il me fait.
- Oh putain ! Que tu es gros !... Tu m’éclates le cul… j’ai perdu l’habitude. S’étonne-t-il en grimaçant.
Jouant avec le feu, je le besogne maintenant comme une bête fauve, tout orienté vers mon plaisir. Il est ma chose et je ne me soucie ni de son plaisir ni de sa douleur. Je le prends. Il est à moi, et que m’importe, si par moments, ses yeux se révulsent et qu’il pousse un cri étranglé.
Armand a les bras en croix et se cramponne aux draps. Je sais qu’il lutte pour ne pas me frapper. Sa détermination me trouble. Je m’apaise, je deviens lent et doux. Je l’enveloppe de tendresse et je murmure son prénom pour que survienne le merveilleux. Deux grandes mains s’élèvent alors vers mon visage et l’encadrent tendrement. Elles le conduisent vers des lèvres ouvertes qui attendent mon baiser. Nos langues se nouent dures et lascives. La sueur huile nos peaux.
Quand son foutre jaillit et se répand sur ses abdos quadrillés. Quand son regard vacille alors qu’il m’appelle, je veux le garder, à moi, pour toujours.
Il ne m’est plus nécessaire de ligoter Armand pour lui faire l’amour. Tout du moins, c’est ce que je crois. Étendu auprès de lui, j’écoute son souffle calme et profond. Il semble dormir mais soudainement, dans la pénombre, sa chaude voix m’interroge :
- Au fait, tu as des nouvelles de Jean et d’Yvan ?