1|
Les doigts agiles et experts de Frank composent une grande et somptueuse couronne de fleurs. Il s’agit de la 12e couronne mortuaire commandée par un client qui ne regarde pas à la dépense. Les 12 imposantes compositions florales devront être livrées cet après-midi à la villa Ombreuse sise 69 avenue Victoria. C’est un quartier ultra chic où circulent des Bentley et des Porsche. Le commanditaire est un certain Clovis Latence. Frank a travaillé toute la nuit. C’est une commande prestigieuse, il ne veut pas se rater.
Frank Laflores est fleuriste, c’est un beau mec de 27 ans avec une jolie gueule de playboy. Son T-shirt moule un torse musclé en laissant apparaître de longs bras puissants et harmonieux. En un mot, notre fleuriste est une bombasse. La jambe longue et le bassin étroit, quand il se déplace dans la rue, transporté par sa démarche élastique, les gens se retournent sur lui. Il n’en a cure.
En ajustant la dernière rose écarlate, le jeune homme pousse un soupir. Hier encore il était dans les bras de Christophe. Dans une chambre au rideaux clos, les deux garçons avaient fait l’amour avec toute l’ardeur de leur jeunesse triomphante. Longuement, Frank avait fait gémir Christophe en le pénétrant profondément avec des lenteurs d’amant prévenant. Ils avaient joui ensemble, emportés par un orgasme anéantissant.
Mais hélas, trois fois hélas, dès que Christophe avait retrouvé son souffle, il avait, encore une fois, reproché à son amant de ne pas lui consacrer assez de temps. Ne méritait-il pas l’amour exclusif de ce dernier ? Pourquoi Frank perdait-il autant de temps auprès de sa femme et de ses deux enfants ?
Eh oui, Frank est un bisexuel. Cette race d’individus toujours assise le cul entre deux chaises. Race peu appréciée des homos autant que des hétéros. Les adeptes de la voile et de la vapeur ont certes l’avantage de ne jamais tomber en panne de partenaire mais cela est très irritant ! Inconvenant !
Mais qu’importe, Frank est bien dans sa peau. Il a une femme ravissante qui est très coquine sous la couette. Éléonore et lui ont eu deux enfants : Hugo tout d’abord et Sybille ensuite. Le choix du roi. Avec ses deux petits monstres de 7 et 5 ans, il fait des parties de catch dont il sort toujours vaincu. Hugo et Sybille lui font alors des mamours pour le consoler. Frank adore ses enfants.
Il gère sa vie sexuelle à sa manière sans l’ombre d’un remord. La vie est courte et il faut en profiter. Du moment que l’on prend garde de ne faire de la peine à personne, pourquoi se priver du plaisir d’une bonne baise ? Que ce soit avec une nana ou avec un mec cela n’a aucune importance…
En un mot, Frank est heureux. D’une nature optimiste, il attire à lui les moroses comme une lampe attire les papillons. C’est une des raisons pour laquelle le catastrophique Christophe lui colle aux baskets comme un chewing-gum…
Le jeune homme fait quelques pas en arrière pour mieux contempler sa dernière œuvre. Pas mal ! Il s’accorde un 18/20 pour sa réalisation florale. Le client sera content. Mais à présent il lui faudrait un coup de main pour la livraison. En apprenant, sur l’oreiller, l’adresse prestigieuse de son client, Christophe lui a spontanément proposé son aide. Christophe est très snob, toujours avide d’agrandir le cercle de ses relations mondaines. Cela agace un peu Frank mais il faut prendre ses amis tels qu’ils sont. Frank a pour habitude de ne prendre que le meilleur dans le caractère de ses copains. Cela lui a valu quelques mésaventures mais il persiste. Frank est un gentil garçon.
Il envoie donc un SMS à Christophe pour lui demander s’il est disposé à lui apporter son aide pour la livraison dans l’avenue Victoria. La réponse ne se fait pas attendre… Christophe se précipite ! C’est ainsi, qu’à bord d’un fourgon bondé de fleurs, les deux garçons se présentent devant le sobre et monumental portail de 69, avenue Victoria.
La villa Ombreuse est un grand édifice harmonieux qui se dresse au centre d’un parc à l’anglaise. Certainement la création d’un architecte brésilien, elle allie modernité et tradition. Elle s’intègre parfaitement à l’environnement et les grands cèdres lui font comme un écrin. Christophe est fébrile d’impatience mais il aide efficacement Frank à débarquer les énormes couronnes de fleurs.
Le majordome jaunâtre qui les reçoit les invites à s’asseoir sur des sièges designs italiens qui meublent le vaste hall. Monsieur Latence ne saurait tarder à venir accueillir ses visiteurs…
À l’apparition du propriétaire des lieux, Frank ne peut s’empêcher d’être séduit. L’homme est grand, svelte avec de larges épaules. Un costume Hugo Boss noir accentue son sex-appeal infernal. La jambe cambrée et le port de tête princier, l’homme évolue avec la grâce d’un grand fauve de la savane. Sa chevelure acajou sombre est nouée en un épais catogan serré. Le dessin de ses lèvres est admirable de sensualité et ses yeux étirés sont d’un vert émeraude absolument fascinant.
Il est cependant difficile de donner un âge précis à ce magnifique spécimen d’humanité. Il est certes très jeune mais derrière son regard semble se dissimuler une vieille âme. Il salue courtoisement ses visiteurs et sourit aimablement lorsque Frank lui présente Christophe Jesaytou qui l’a aidé à livrer la cargaison de fleurs.
- Quelles superbes couronnes de fleurs m’avez-vous confectionnées là, beau jeune homme. C’est bien mieux que je ne l’avais espéré. S’exclame-t-il d’une profonde voix de gorge en contemplant les chefs-d’œuvre floraux que Frank a disposés sur le sol de marbre.
Flatté, le jeune fleuriste se rengorge. Un tantinet intrigué, il demande :
- Je suis heureux que vous soyez satisfait de mon travail, Monsieur Latence, mais à qui sont destinées ces couronnes ? Si je puis me permettre de vous le demander ?
- Mais à moi-même, jeune ami. J’aime beaucoup les fleurs, surtout disposées ainsi. Désormais je compte sur vous pour fleurir, chaque semaine, mon intérieur de couronnes, de coussins et de gerbes bien entendu. Cela sera magnifique. Mais à présent, puis-je vous offrir un verre ainsi qu’à votre ami ? Il fait chaud ne trouvez-vous pas, Messieurs ?
Frank accepte poliment l’invitation et les deux jeunes hommes suivent leur hôte qui se dirige vers une porte ouverte à deux battants. Il est tout à la fois séduit et amusé par les manières courtoises sinon précieuses de cet homme dont il émane pourtant une formidable impression de virilité. Ce qui l’amuse aussi, c’est de se faire appeler jeune homme par un jeune homme qui pourrait peut-être être son cadet. Trop drôle.
Frank est émerveillé par la beauté des meubles et des objets anciens élégamment disposés dans l’immense salle de séjour, tandis que Christophe affecte un air blasé. Christophe a manifestement hâte d’étaler ses connaissances. Il s’approche donc d’un sobre sous-verre qui protège un dessin remarquable. Il s’agit du portrait d’un très beau jeune homme à la chevelure léonine. D’un ton condescendant, il annonce :
- Vous avez là une fort belle copie d’un dessin de Léonard de Vinci, Monsieur latence. J’ai eu l’occasion de voir l’original au cabinet des offices de Florence.
- Vous avez l’œil à ce qu’il me semble, cher jeune ami, mais ce dessin est un original qui m’appartient et qui ne saurait se trouver au cabinet des offices. Leonardo fit ce portrait de moi après m’avoir fait une pipe. Il tenait absolument à me remercier. Nous étions au printemps de 1518, il devait mourir un an plus tard à Amboise. À l’époque, j’étais encore très jeune car je n’avais que 121 ans.
L ’humour scabreux du nouveau client de Frank ne semble pas convenir à Christophe qui tique. Comment ose-t-on mettre en doute ses connaissances artistiques ? Il grince un petit rire jaune et se raidit comme une Diva outragée. Pourtant, le portrait est indéniablement celui d’un sosie de Clovis Latence.
- Très drôle ! Alors comme cela, Léonard de Vinci vous a portraituré en 1518 après vous avoir fait une turlutte… à l’âge de 121 ans !? Vraiment très drôle ! Glousse insolemment l’incorrigible ami de Frank en haussant les épaules.
- Affirmatif mon biquet. Je puis même affirmer que Léonardo était un expert en la matière et comme il avait perdu toutes ses dents, sauf une, ce fut une fellation délicieuse. Précise Clovis Latence en glissant un doigt sur une statuette en bronze incontestablement d’époque Renaissance.
Comprenant que la tension monte, Franck intervient. Il ne veut pas perdre les faveurs d’un client fortuné à cause de l’orgueil obstiné de son ami.
- Pardonnez mon ami, Monsieur Latence, mais il a la fâcheuse habitude de contredire tout le monde. Pour ma part je vous crois. Le portrait est si ressemblant qu’il ne peut s’agir que de vous.
L’homme roux semble beaucoup s’amuser. Son sourire carnassier est cependant un tantinet inquiétant. Il se plante devant le jeune fleuriste pour le regarder dans les yeux et lui demande :
- Et vous, Monsieur Flores, pensez-vous vraiment que je dis la vérité ?
- Non Monsieur, il est manifeste que vous plaisantez… mais j’apprécie beaucoup votre humour. Répond Frank.
- J’aime votre sincérité, jeune homme. Pourtant ce portrait est bien le mien, aussi étrange que cela puisse vous paraître. Maintenant buvons Messieurs.
L’hôte courtois sert aux deux jeunes gens des jus de fruits frais qu’ils boivent avec gourmandise mais lui ne boit pas. Sans prendre la peine de sauver les apparences, il détaille Frank avec une insistance qui finit par mettre ce dernier mal à l’aise. Toutefois, le gaillard se surprend d’être tout à la fois troublé, gêné et excité par ce regard prédateur qui pèse sur lui.
- Vous me paraissez fort bien tourné, Monsieur Flores. Il me plairait de vous voir tout nu. Auriez-vous l’obligeance de vous déshabiller pour satisfaire ma curiosité ? Ose demander l’homme roux.
- Pardonnez-moi Monsieur latence mais je ne suis que fleuriste. Je ne suis pas un chippendale et je ne fais pas de strip-tease à domicile. Répond Frank en s’efforçant de sourire.
- Loin de moi l’idée de vous prendre pour un go-go boy, cher ami. Je suis simplement curieux de voir en totalité votre anatomie que je devine magnifique. De toute façon, que vous le vouliez ou non, dans cinq minutes vous serez tout nu devant moi. Voulez-vous que je vous fasse une petite démonstration ?
- Pourquoi pas !? Crâne le jeune commerçant d’une voix mal assurée.
D’un claquement de doigt, Clovis pétrifie tout d’abord Christophe qui reste immobile, l’œil fixe et la bouche béante. Puis il se tourne vers Frank pour le paralyser totalement d’un autre claquement de doigt. Littéralement statufié, le jeune fleuriste ne peut plus que battre des paupières. Il reste parfaitement conscient de son environnement mais il est incapable de faire le moindre mouvement.
- Vous avez été bien inspiré de vous faire accompagner par cet idiot prétentieux. Il va nous être utile. J’espère cependant pour vous qu’il n’est pas maladroit et qu’il sait se servir d’un couteau. Ricane l’inquiétant Monsieur Clovis Latence.
Troisième claquement de doigt : tel un automate, Christophe se dirige vers une vitrine pour s’emparer d’un poignard damasquiné qu’il dégaine avant de s’avancer vers un Frank très inquiet, ligoté dans sa totale paralysie. En gestes saccadés mais précis, il tranche les couteuses fringues du jeune homme pour le dénuder en totalité. En quelques secondes, Franck n’est plus vêtu que de ses élégantes spartiates. Sandales qui achèvent de lui donner l’apparence d’une musculeuse statue d’Apollon… spectacle très suggestif d’autant qu’aucune feuille de vigne ne dissimule l’imposant service trois-pièces qui équipe le malheureux…
Sourire aux lèvres, l’hypnotiseur roux tourne autour du fleuriste dénudé et sidéré. Il renifle avec gourmandise la longue encolure de son prisonnier hypnotisé.
- Mmm… Groupe AB, rhésus +… délicieux. Ronronne-t-il en découvrant brièvement de longues canines aigues.
Frank croit vivre un cauchemar éveillé. La voix qui lui parvient des quatre points cardinaux ne devrait pas l’impressionner car au XXIe siècle la quadriphonie est chose banale. Mais là c’est trop. Il doit se rendre à l’évidence, il est à l’entière merci d’un vampire. Les vampires ne sont qu’une légende mais quand vous êtes paralysé, à poil au milieu d’un living, avec un mec qui vous tourne autour avec des crocs de babouin, vous avez vite fait de changer d’avis…
- Vous êtes réellement canon, mon cher Frank. Je ne m’attendais pas à une si belle musculature. Voyons voir, à présent, si votre grosse queue correspond bien à mes attentes. Susurre Clovis en pinçant méchamment le téton gauche de l’homme statufié.
Quatrième claquement de doigt. Le regard toujours fixe, Christophe s’agenouille devant son ami pétrifié pour lui gober les couilles avec avidité. Une fabuleuse érection ne tarde pas à agrémenter la statue de chair. Avec autant de libre arbitre qu’un zombie, Christophe pompe, suce, aspire, mordille, tournicote le grand sexe du fleuriste comme un furieux. En couinant comme un porcelet, il annonce que son patient immobile mais vibrant va bientôt jouir. Clovis lui tend alors un verre à pied en lui ordonnant de le remplir de sperme.
Frank ne peut que rouler des yeux exorbités lorsqu’il éjacule dans un orgasme prodigieux et c’est uniquement dans sa tête qu’il peut entendre son cri de désespoir. Le vampire n’est cependant pas satisfait. D’un autre claquement de doigt, il ordonne à Christophe de persister. Ce dernier se remet donc soigneusement à l’ouvrage pour traire Frank une seconde fois. Une deuxième rasade de foutre crémeux fini de remplir le verre au bout d’un court instant. Il devait y avoir un puissant aphrodisiaque dans le jus de fruits que le garçon a bu… cela demeurera un grand mystère.
Un sixième claquement de doigt oblige le pompeur-trayeur hypnotisé à venir respectueusement offrir le verre plein à Clovis qui le boit d’un trait.
- Aâââh, quel nectar ! Votre sperme est réellement autant délicieux que riche en protéines mon cher Frank. J’étais vraiment en manque ces derniers temps. Apprécie le vampire en se léchant les lèvres d’une langue gourmande.
D’un dernier claquement de doigt, le beau vampire libère ses deux proies du sort hypnotique qu’il avait lancé. D’une voix suave, il ordonne à Christophe de retourner chez lui au pas de course. 10 km de jogging lui feront le plus grand bien… !
Sans se préoccuper outre mesure de l’égarement de Christophe qui se dirige d’un pas titubant vers la sortie, le beau vampire s’allume un cigarillo. Frank et lui sont à présent seuls.
- Puis-je vous offrir un petit remontant ? Cognac ? Whisky ? S’enquière-t-il aimablement en se tournant vers le fleuriste haletant.
- Non merci, je ne bois pas d’alcool et je suis végétarien. Balbutie Frank, en vacillant.
- Végétarien ? Ah, oui, j’avais oublié cet insignifiant détail ! Cela va nous poser tout de même un petit problème. Dit alors Clovis en exhalant un superbe rond de fumée.
- Pourquoi ça ? S’inquiète le garçon qui tente péniblement de retrouver son souffle.
- Parce qu’un vampire végétarien cela fait un peu tâche, ne trouvez-vous pas ? Sourit le vampire.
- Mais je ne suis pas un vampire !
- Non certes, mais vous allez le devenir sans tarder. Répond gentiment Clovis en se servant un copieux whisky avec deux glaçons.
Le verre de whisky et le cigarillo prennent l’initiative de naviguer dans les airs autour du vampire. Attendant patiemment que ce dernier manifeste le désir de boire une gorgée ou de tirer une bouffée. Le cigarillo va régulièrement, de lui-même, déposer sa cendre dans un cendrier d’argent. C’est un système qu’il faudra rapidement breveter.
Frank a la désagréable impression que le plafond lui tombe sur la tête. Il y a une heure de cela, il était tranquillement dans son magasin à composer de grands bouquets pour un mariage gay tout en chantonnant « Ma petite entreprise » et à présent il est à poil dans la maison d’un frappadingue qui boit du sperme en guise d’apéritif et qui lui annonce tout de go qu’il va le transformer en vampire. Et puis, comment ce Clovis peut-il savoir qu’il est végétarien ???
« J’avais oublié cet insignifiant détail » a-t-il dit. Troublant et de plus en plus inquiétant songe le jeune homme en s’apercevant qu’il est toujours en érection malgré la sévère ponction que vient de lui infliger son copain Christophe.
- Comment savez-vous que je suis végétarien ? Interroge-t-il d’une voix blanche.
- Parce que cela fait des mois que nous sommes en correspondance, mon cher Frank. Je sais ainsi que vous êtes un homme élégant et que vous n’hésitez pas à vous ruiner en faisant toutes les soldes possibles et imaginables. Vous êtes travailleur et entreprenant. Vous avez eu une jeunesse problématique, coincé entre une mère aimante et un père caractériel qui voulait vous briser. Mais grâce à votre optimisme, vous avez surmonté tout cela. Vous êtes à présent bien établi malgré votre jeune âge. Mes compliments.
- À part Romain, le célébrissime meilleur auteur 2020 du site Cyrillo que vous ne connaissez pas, je ne vois pas à qui j’aurais pu raconter tout cela ? Je ne raconte pas ma vie à tout le monde et à n’importe qui, vous savez. Vous avez piraté mon ordinateur ???
- Non, cela ne fut pas nécessaire. Sur le site de Cyrillo, mon pseudo est Romain. J’écris des histoires fantaisistes pour me crédibiliser. Cela me permet d’obtenir du sang frais à profusion. Il suffit de quelques compliments outranciers, d’un numéro de téléphone et le tour est joué. Il y a tellement d’écrivains sur ce site que nul ne peut s’apercevoir de la disparition de quelques dizaines d’entre eux. C’est pour moi un réservoir sans cesse renouvelé. Toutefois, je prends bien garde d’épargner les lecteurs car ils se font rares. Je ne dédaigne pas non plus leurs éloges, je vous l’avoue.
- Alors, vous êtes Romain ???
- Non pas, ne vous déplaise. Le vrai Romain n’a pas survécu à notre rencontre. Le plus difficile pour moi a été de m’emparer de son adresse IP. Ce n’était pas très gentil d’agir ainsi avec un si charmant garçon mais seul le résultat compte. Rassurez-vous cependant, je ne boirai pas votre sang en totalité comme je l’ai fait avec lui. J’ai d’autres projets pour vous. Répond Clovis Latence d’une voix douce.
- Quel projet ??? Commence à s’affoler l’athlète nu.
- Je vais faire de vous mon successeur. J’ai aujourd’hui 623 ans et j’ai besoin de prendre des vacances. Un petit break de quelques siècles me fera le plus grand bien.
- Mais pourquoi me choisir, moi ???
- Parce qu’en plus d’être beau gosse, vous êtes d’un optimisme inoxydable. Et, croyez-moi, il faut être un grand optimiste pour devenir le vice-roi des vampires.
- Vice-roi des vampires ??? S’étrangle Frank.
- Bien sûr, puisque je suis, moi-même, le roi des vampires. Mes pouvoirs sont tels aujourd’hui que je peux prendre des bains de soleil et bouffer de l’ail impunément. D’ailleurs, je raffole de l’aïoli. Je vais de temps en temps au Vatican assister aux messes papales dont j’adore le décorum et je possède une magnifique collection de crucifix et de chapelets anciens ainsi qu’une remarquable collection de statues de Saint-Sébastien. Voyez-vous un quelconque inconvénient à devenir mon vice-roi ? Susurre l’amateur d’art religieux.
- Trouvez-vous quelqu’un d’autre, Monsieur latence. Je n’ai pas envie de devenir un vampire. Je suis marié et père de famille. J’ai un job que j’aime beaucoup et en plus je suis végétarien. L’idée de boire du sang me fait gerber. Je suis sûr qu’il y a plein de mecs qui ne demanderont pas mieux que d’être votre vice-roi. Moi, ça ne m’intéresse pas ! S’insurge vigoureusement le fleuriste. - Je pensais bien qu’il ne serait pas facile de vous convaincre, cher Monsieur Laflores. Sachez cependant qu’à part les petits détails que vous venez d’invoquer, vous avez le profil parfait pour devenir mon vampire de confiance. Vous êtes intègre et constant. Ce sont des qualités rares. Cependant, je vous signale que votre charmant univers familial va bientôt voler en éclats.
- Comment ça ??? Hoquette Frank.
- À l’instant où nous parlons, votre chère et tendre Éléonore est chez son avocat. Elle a entamé une procédure de divorce il y a de cela deux semaines. Elle a bien l’intention de vous plumer. C’est une femme très pragmatique. Répond Clovis avec un sourire navré.
- Ce n’est pas possible !!! Vous dites n’importe quoi !!! Éléonore ne ferait jamais une chose pareille dans mon dos !?! Explose le jeune artisan.
- Et pourtant si. Grâce aux services d’un détective privé, votre femme est au courant de votre relation avec le dénommé Christophe qui n’est d’ailleurs pas très discret… j’en suis témoin. Mais ce n’est pas le principal motif pour Éléonore. C’est une personne excessivement jalouse qui supporte très mal votre séduction et votre beauté. Votre charisme l’écrase. Précise le vampire en lui tendant des photocopies de formulaires de divorce sur lesquels apparaissent la signature d’Éléonore.
- Ne me demandez pas comment je me suis procuré ces documents. Sachez simplement que l’avocat de votre épouse est l’un de mes employés. Achève de préciser Clovis.
Autour de Frank, le monde s’écroule. Il sait que son interlocuteur dit probablement la vérité. Il laisse choir les documents au sol et se lève pour se diriger vers l’une des baies en se tenant le visage à deux mains. Malgré le soleil, le magnifique paysage est gris. Hier soir encore, il tenait dans ses bras Éléonore qui lui semblait plus amoureuse que jamais. Comment cette femme pouvait-elle lui sourire ainsi avec son projet de divorce dans la tête. C’était bien pire qu’une trahison !
Tout à son désespoir, il ne proteste même pas quand de grandes mains se posent sur ses épaules. À présent, il se fout royalement de tout et que lui importe d’être traité comme de la bidoche. Si le monstre roux le désire, il n’a qu’à le prendre. Cela n’a plus aucune importance pour lui.
Pourtant, il se sent soudain apaisé quand une voix aimante souffle à son oreille. S’en est fini du langage pédant. Clovis le tutoie à présent et il a le sentiment que toute sa vie il avait attendu ce moment. Existe-t-il dans la vie d’étranges rendez-vous que le destin s’amuse à prendre pour nous ?
- Je suis désolé Frank, je ne voulais pas te faire souffrir mais tu ne mérites pas d’être traité ainsi. Je te protégerai toujours quoique tu décides. Je ne t’imposerai jamais rien. Depuis que je t’ai vu, j’ai envie de faire l’amour avec toi… Mais toi, le veux-tu ?
- Oui je le veux, mais n’en profites pas pour faire de moi un vampire. Faisons l’amour comme de simples mortels, s’il te plaît. S’entend répondre Frank en posant la tête sur l’épaule de Clovis.
Alors que le verre de whisky se pose sur une table basse et que le cigarillo s’écrase consciencieusement dans le cendrier, Clovis saisit les bourses de l’homme nu pour faire rouler les lourds testicules entre ses longs doigts.
- Il faut tout d’abord que je te recharge les accus à bloc parce que ton petit copain ne t’a pas ménagé tout à l’heure. Sens-tu combien tes couilles sont pleines de nouveau ? Gazouille le vampire.
- Oui je les sens, elles me font mal tellement elles sont pleines de jus. Je me sens maintenant capable de baiser pendant des jours et des jours. Je vais tout te donner mais encore une fois, ne fais pas de moi un vampire. Laisse-moi encore un peu de temps. Prie le jeune athlète vibrant de désir.
- N’aies crainte Frank, je n’ai qu’une parole. Tu repartiras d’ici aussi mortel que tu es venu. J’attendrai ton retour le temps qu’il faudra mais jamais je ne t’imposerai de devenir mon vice-roi. Tu seras toujours libre de choisir.
Sur ce, Clovis entraîne le garçon en érection dans un escalier monumental. D’inspiration japonaise, la grande chambre baigne dans une pénombre dorée.
L’esprit de Frank plane dolemment et il pousse un grand soupir libérateur quand le grand homme roux le couche sur le futon en bambou. Comme dans un film fantastique aux mouvements ralentis, il voit les vêtements du vampire s’écouler le long de son torse et de ses membres comme s’il s’agissait de tissus liquides. Le corps du monstre est d’une incroyable beauté qui surclasse celle des plus belles œuvres du grec Lysippe.
La chevelure rouge sombre soudainement déployée en une orgueilleuse crinière, ondoie sous un vent improbable. La peau n’est pas blanche comme celle de la plupart des roux mais subtilement cuivrée. Elle attire les caresses. Tout n’est que perfection dans ce corps debout qui ne peut être que celui d’un démon. Un grand sexe fait pour être sucé se plaque sur un ventre sculptural.
Frank sait qu’il ne rêve pas parce qu’aucun rêve ne pourrait autant satisfaire sa libido. Quand Clovis se penche vers lui, il l’étreint de toute la force de ses bras. Il l’attire vers lui et dévore sa bouche entrouverte avec avidité. Il suffit de ce baiser pour qu’un orgasme dévastateur explose dans son ventre. Jamais Frank ne pourra dire combien de fois il a crié de plaisir. Jamais non plus il ne pourra dire combien de fois il a plongé sa grosse queue dans les entrailles chaudes du vampire aimant et combien de fois celui-ci a poignardé, sans ménagement, son point P d’un rostre dur et turgescent.
Mais il ne faut quand même pas outrepasser les frontières de l’obscénité en décrivant davantage les ébats de ces deux Apollon en rut. Peu de lecteurs pourraient admettre telle surabondance… même en sachant que Frank a ingurgité une surdose d’aphrodisiaque à son corps défendant. Le pauvret !
Après de longues heures de tumulte, couché sur le dos, le sexe dressé comme un menhir, l’athlétique vampire s’offre à la gourmandise de Frank avec un petit sourire crispé, légèrement inquiet car il ne faudrait tout de même pas surestimer les capacités du roi des vampires… même pour lui, il existe des limites…
- Vas-y beau gosse, pompe-moi et mange mon sperme à volonté. Tu auras à l’instant les idées plus claires et une peau délicieusement nacrée. Il faut que tu prennes des forces pour ce soir, tu en auras grand besoin.
Inutile de préciser que Frank se goinfre et qu’il faut que Clovis fasse appel à ses ultimes réserves surnaturelles pour satisfaire l’insatiable appétit de son protégé.
Quand en fin d’après-midi Frank revient chez lui, Christine, son employée s’apprête à fermer le magasin. Les ventes furent bonnes et tous les petits bouquets ronds sont partis. Avec le temps, le fleuriste s’est constituée une clientèle fidèle qui apprécie son style. Il monte à l’étage pour rejoindre sa famille.
Dans la cuisine, Éléonore épluche des haricots verts frais en faisant réciter la table de multiplication de 7 à Hugo. Sybille quant à elle, s’efforce de faire des tresses à une poupée à moitié chauve. Debout dans l’encadrement de la porte, Frank goûte un instant cette image du bonheur familial.
Les deux gosses l’accueillent joyeusement, Éléonore lui fait un grand sourire. Son cœur se serre et il reste debout au milieu de la cuisine. Il se jette à l’eau.
- Les enfants, allez dans votre chambre, je dois parler à votre maman. Dit-il une voix rauque.
Seul à présent, le jeune couple reste silencieux un long moment. Le fleuriste s’étonne de se sentir aussi maître de lui. Il a l’esprit clair, très clair. Il découvre intuitivement quelle sera l’issue de la conversation. Il sait.
- Pourquoi veux-tu divorcer, Éléonore ?
La jeune femme ne répond pas et continue d’éplucher ses haricots. Puis elle relève la tête pour fixer son époux dans les yeux. Son regard est dur et deux plis amers encadrent sa bouche. Jamais auparavant Frank n’avait remarqué ces plis aux commissures de ses lèvres charmantes. Il a en face de lui une femme qu’il ne connaissait pas.
- J’en ai marre que tu me prennes pour une conne. Va rejoindre ton Christophe. Crache-t-elle.
- Il n’y a pas que ça, tu le sais bien. Ose lui rétorquer l’homme en face d’elle.
- Non ! Il n’y a pas que ça ! J’en ai marre de vivre avec un homme qui charme même les réverbères. J’en ai marre de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui te lèchent continuellement du regard. Tu es pire qu’une nana avec ta musculation, tes crème et tes fringues. À côté de toi j’ai de plus en plus l’impression d’être un tas ! D’être une chose ordinaire !
Le silence bourdonne encore un long moment dans la cuisine. À l’étage, Hugo et Sybille sont en train de se chamailler. Frank s’aperçoit qu’il ne souffre pas autant que ce qu’il appréhendait. Il s’entend dire :
- Que veux-tu, Éléonore ?
- Tout ! Je veux tout ! Je veux les enfants, la maison, le magasin, l’argent. J’ai un dossier épais comme la main. Je ne sais même pas si mon avocat te laissera un caleçon !!!
Pour le jeune homme, c’est comme une révélation. Son regard est devenu d’une extrême lucidité. Il scrute le beau minois de son épouse qui s’est métamorphosé en un petit mufle méchant. Il voit la femme qu’elle va devenir avec le temps. Au fond de lui, il a mal mais il s’agit d’une douleur qu’il saura apprivoiser. Aujourd’hui, un autre homme est né quand il a bu le sperme du puissant vampire. Il lui semble être devenu distant par rapport à des événements qui l’auraient anéanti encore ce matin. Tout ce qu’il redoutait lui parait insignifiant.
- Je garde seulement la voiture, tu n’auras qu’à t’acheter une bagnole. Il y a largement ce qu’il faut sur notre compte. Dit-il en jetant les clés de la maison et du magasin sur la table.
Éléonore le fixe en étrécissant les yeux. Elle est visiblement désorientée. C’est trop facile, doit-elle penser. Elle découvre soudainement un inconnu. Un homme capable de rayer d’un trait toute une existence. Elle découvre un homme séduisant et gentil dont elle ne connaîtra plus jamais la chaleur virile. Elle hésite mais il est bien trop tard.
- Je vais embrasser les enfants et puis je pars. Annonce le jeune fleuriste en sortant.
- Frank !
Mais l’homme monte déjà l’escalier, abandonnant Éléonore à ses paradoxes de femme. Il étreint une dernière fois ses enfants comme le ferait un condamné à mort avant de monter à l’échafaud. Leurs regards interrogateurs lui percent le cœur. Une douleur vive l’habite dès à présent. Une douleur qui jamais ne s’éteindra.
Dehors, une méchante pluie fine fait luire le macadam qui reflète les lumières de la rue. Les gouttes de pluie se mêlent à ses larmes silencieuses. C’est fini, sa décision est prise.
La villa Ombreuse semble l’attendre avec ses baies toutes illuminées. Sur le parking se dresse la haute silhouette de Clovis. Mu par un élan spontané, Frank se jette dans les bras du vampire immobile. Ce dernier le serre contre lui en le berçant. Il murmure :
- Je sais que tu souffres mais tu apprendras à vivre avec ta souffrance. Tu pourras toujours protéger ceux que tu aimes. Ce sera là ta consolation. Maintenant suis moi.
Tenant le garçon par la main, le roi des vampires l’entraîne vers les profondeurs du parc. En haut d’un ciel soudain dégagé, la pleine lune est rayonnante. Au bord d’un lac aux eaux phosphorescentes, s’élève une sorte de petit temple de marbre blanc. C’est une coupole reposant sur de fines colonnes.
Il suffit à Clovis d’actionner une minuscule télécommande pour que pivote une grande dalle située au centre de l’élégant édifice. Apparaît alors un étroit escalier de pierre qui s’enfonce dans les ténèbres. La clarté de la lune est insuffisante pour révéler les profondeurs de l’escalier. Le hululement lointain d’une chouette parachève l’ambiance sinistre du moment.
Progressivement cependant une phosphorescence verdâtre nimbe les murs rocheux du passage. La descente semble interminable à Frank qui suit pourtant son guide sans hésitation. Quand enfin s’achève leur parcours, le garçon est stupéfait. Il a l’impression de pénétrer dans une cathédrale tant la grotte qui s’ouvre devant lui est immense.
Il n’y a nul éclairage électrique apparent. Seule suffit à éclairer la gigantesque cavité cette étrange luminescence qui semble sourdre de la roche. Quelques rares stalactites sont comme suspendues au-dessus d’une nappe d’eau sombre qui semble profonde.
Quand le vampire s’avance en ce lieu magique en écartant les bras, il paraît être accueilli par une musique de l’esprit. Pourtant, tout n’est que silence autour de Frank qui ne peut s’empêcher de frissonner. Étrangement il n’a pas peur et se sent même protégé par une force surnaturelle.
Parvenu au bord du petit lac souterrain, Clovis se tourne vers Frank qui est resté debout devant l’escalier. La voix démultipliée par l’écho, il proclame :
- Sois le bienvenu dans mon domaine, Frank. C’est ici que je viens dormir quand les guerres et les épidémies ravagent les pays de l’Europe. C’est ici que je dormirai quand je t’aurais transmis le pouvoir. Un vampire de mon rang ne craint ni la guerre, ni la peste, ni le Coronavirus mais je suis las du spectacle affligeant d’une société déraisonnable. Au son des bombes je préfère la musique de Mozart. Au bavardage redondant et futile des médias je préfère le silence de la nuit.
- Je suis bien d’accord avec vous. Ça m’a l’air d’être une planque peinarde mais vous n’avez pas peur d’attraper des rhumatismes en dormant ici ? S’informe le pragmatique fleuriste.
Clovis éclate de rire et son rire est comme le tonnerre sous les voûtes de la grotte. Décidément ce garçon à l’art de le distraire et de lui faire redécouvrir une certaine joie de vivre. Lui, pourtant blasé par les siècles. Mais il va falloir maintenant passer aux choses sérieuses. Il laisse le jeune homme s’approcher de lui avant de parler :
- Veux-tu davantage réfléchir, Frank ? Je ne veux pas que tu prennes ta décision sur un simple coup de tête. L’état de vampire est irréversible. Je ferai certes de toi un vampire très puissant mais ce n’est pas pour autant que tu seras heureux. Être presque immortel n’est pas une sinécure. Tu verras vieillir et mourir tes enfants ainsi que leurs enfants. Tu aimeras sans espoir des êtres qui s’effaceront dans le temps et tu connaîtras très souvent le chagrin. Tu voudras ignorer l’amour pour t’épargner la souffrance mais cela n’est pas possible. L’amour triomphe de tout. L’amour est le pire ennemi des vampires. Moi par exemple, je sais que je t’aime alors que je sais aussi que tu me tueras un jour.
Les paroles du vampire désorientent Frank. Pourquoi voudrait-il, lui simple mortel, tuer cet être quasi immortel ? Pourquoi souhaiterait-il la mort de Clovis qu’il aime déjà si fort ?
Jamais il n’a été aussi bien auprès de quelqu’un. Jamais il n’a communié, de corps et d’esprit, aussi étroitement qu’avec le bel homme roux qui le regarde en souriant. Il ne le connaît que depuis quelques heures mais déjà il voudrait toujours vivre à ses côtés.
- Tu dis des conneries, Clovis ! Jamais je ne pourrais te tuer. J’ai l’impression de te connaître depuis toujours et j’ai besoin de rester à côté de toi. Avec toi, tout me paraît si simple que je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu vivre jusqu’à présent dans la confusion, le doute et le mensonge. Tout ce que je sais maintenant c’est que je t’aime Clovis. Je t’aime comme jamais je n’ai aimé personne, je le sais jusqu’au fond de moi. C’est fou non… tu ne trouves pas ?
Le grand vampire prend le garçon dans ses bras en riant. Il l’entraîne dans une valse lente au rythme d’une baroque et mystérieuse musique surgit de nulle part. Un orchestre invisible joue en l’honneur des deux jeunes hommes qui dansent amoureusement enlacés. Magie hors du temps.
- Laisse béton, Franck. Ce n’est pas demain la veille que tu me tueras. Alors pour le moment, laissons-nous vivre, nous avons le temps devant nous. Viens avec moi maintenant. Murmure le vampire à l’oreille de son beau cavalier.
Alors que la musique se dissout doucement dans l’espace, Clovis, tel un Virgile guidant les pas de Dante, s’avance vers une dalle rocheuse qui s’écarte devant lui. Apparaît alors un large boyau qui s’enfonce dans le rocher. À l’extrémité de ce long couloir souterrain apparaît une porte d’acier. La porte s’ouvre devant le vampire pour lui accorder passage.
Des torchères aux longues flammes illuminent une salle aux proportions gigantesques. Une profusion de meubles, d’objets, de tableaux, de statues, d’armes et de tapisseries de tous les âges couvrent les murs de marbre pourpre. Des coffres négligemment ouverts dégueulent sur le sol des masses invraisemblables de pièces d’or, de diadèmes, de bijoux fastueux et de pierres précieuses.
Sardanapale lui-même n’aurait pu rassembler autant de trésors en un seul lieu. Crésus en crèverait de jalousie.
- C’est l’un des endroits où je stocke mes économies. Je n’ai aucune confiance dans les banques et ça fait trois siècles que j’en ai marre de payer des impôts. Explique laconiquement le vampire roux.
Sont-ce les effets d’une mystérieuse magie ? Mais à présent l’angoisse de Frank s’est envolée, faisant place à une sorte d’euphorie qui l’étonne lui-même. Ils se sent comme un sale gosse prêt à faire les 400 coups avec son pote. Son état d’esprit est aux antipodes de ce qu’il imaginait. Ce n’est pas une mince affaire que d’être métamorphosé en vampire et il devrait être anxieux et recueilli, mais au lieu de cela il a une irrésistible envie de chahuter. Peut-être Clovis l’a-t-il hypnotisé pour l’aider à faire le grand saut sans peur ?
Le grand vampire considère le garçon avec un petit sourire paternel. Expression étrange sur un visage si jeune. Son regard pourtant est d’une profondeur insondable. Sa voix profonde, fascinante, enveloppe l’âme de Frank de rassurance. Tout va bien se passer.
- Toi et moi allons demeurer ici les quelques jours nécessaires à ton initiation. Je vais tout d’abord te conter mon histoire. Rassure-toi ce ne sera qu’un bref résumé sinon cela risquerait de prendre une éternité. Je répondrai à toutes tes questions. Durant tout ce temps, tu n’auras ni faim ni soif grâce au sperme que tu m’as pompé. Tu es un sacré goinfre, mon petit Franck. Avec la dose de foutre que tu m’as ponctionné cet après-midi, tu pourrais rester un bon mois sans boire ni manger. Rit Clovis en s’étendant sur le velours noir du gigantesque lit à baldaquin qui trône au milieu de la salle.
- C’était trop bon Clovis et je remettrais bien les couverts parce que te faire une fellation tient du prodige. Rien que d’y penser, j’ai encore faim de toi. Laisse-moi te sucer la queue encore une petite fois avant de me transformer en vampire. Tu veux bien ? Ricane Frank avec un sourire canaille.
- Si tu es bien sage tu pourras me faire une pipe tout à l’heure mais pour le moment il faut que tu sois sérieux et que tu m’écoutes attentivement. OK ?
- OK, je serais bien sage. Mais explique-moi tout d’abord pourquoi tu ne dors pas dans un cercueil comme tous les vampires le font ? Bougonne le garçon en s’asseyant à côté du vampire.
- Parce que j’aime mon confort et que le roi des vampires fait ce qui lui plaît. Tu ne t’imagines quand même pas que je vais dormir dans une boîte à sardines pour complaire aux croyances ringardes des humains mortels… !? Glousse Clovis en s’étirant comme un tigre.
- Ouais, ça me paraît plausible. Mais dis-moi encore. Pourquoi restes-tu habillé alors que tu as un si beau corps ? Je suis sûr que si tu étais tout nu je t’écouterais avec plus d’attention. Quémande le fleuriste en faisant la moue.
- Décidément, tu es insupportable, Frank ! Voilà, je suis nu, mais pas touche pour le moment ! Es-tu prêt à m’écouter maintenant ??? S’agace le vampire en se dénudant d’un claquement de doigt.
Frank ne peut s’empêcher de loucher sur le corps athlétique, à présent nu, allongé à côté de lui. Trop bandants ces pecs et ces abdos sculptés par la lueur des torchères… ! Il déglutit péniblement tandis qu’une érection presque douloureuse gonfle son jean. Il croise cependant les bras car Clovis fronce les sourcils. Il doit rester bien sage sinon ça risque de chauffer pour son matricule.
- Je peux y aller maintenant ? Tu m’écoutes ? Gronde le vampire d’une voix impatiente.
- Ouais, ouais, je suis toute ouïe. Grommelle le garçon en se carrant dans son coussin.
La lueur vacillante des torchères s’adoucit quand le vampire sexy prend enfin la parole.
- J’avais 18 ans révolus quand je fus tué à la bataille d’Azincourt. Je venais d’être adoubé chevalier par mon suzerain, le puissant baron Godefroy de Susselefort. Je faisais alors partie de la fleur de la chevalerie française et les gentes damoiselles me faisaient les yeux doux.
Nous sommes en 1415 et c’est la guerre de 100 ans. En face de notre grande armée se campe le roi d’Angleterre Henri V de Lancastre entouré de ses archers et de ses piétons. Vils croquants et manants armés d’arcs et de coutelas. Fièrement chevauchant nos destriers fougueux, splendides dans nos armures rutilantes, nous chargeons dans un roulement de tonnerre, panaches au vent. Las, le ciel s’emplit sitôt d’innombrables flèches bruissantes qui transpercent nos cuirasses et tuent nos chevaux. C’est grand et fort navrant carnage.
Alourdis par nos armures, coincés sous nos montures agonisantes, enchevêtrés dans nos chutes, nous sommes à la merci de la piétaille anglaise. Les coutelas glissent dans les jointures des cuirasses, faisant moultes blessures mortelles. Ce jour funeste, la roture anglaise massacre la belle noblesse française. Seuls sont épargnés les grands seigneurs qui seront rançonnés.
Le plastron percé d’une flèche, je gis dans la douleur auprès de mon grand cheval mort. Le choc de la chute a rompu les sangles de mon heaume. Tête nue, j’attends mon trépas.
La camarde me serre déjà dans ses bras quand surgit du sol une chose immonde. La créature n’a rien d’humain et cependant il s’agit d’un homme. C’est Plank-Tonkhu, un vampire ancien qui dort dans la terre depuis plus de deux siècles. L’odeur du sang l’a réveillé.
Noire, osseuse et décharnée, la créature monstrueuse lape tout d’abord une flaque de sang avant de tourner vers moi des yeux sans paupières. Indifférente à la grande agitation qui règne sur le champ de bataille, elle s’avance à la manière d’un loup pour lécher le sang qui ruissèle sur ma cuirasse. Elle arrache la flèche qui me transperce pour la sucer goulûment. Je suis presque mort quand elle mord son avant-bras squelettique pour faire couler son sang fielleux dans ma bouche ouverte dans un râle d’agonie. Alors, je trépasse, devenant un vampire.
Quand je reprends conscience, c’est pour découvrir que la bête me traîne sur le sol dans une direction qu’elle seule connaît. Elle renifle l’air avec des grognements caverneux et quand trois piétons anglais, armé de coutelas, l’attaquent, elle les éventre en trois gestes fulgurants. Sourde aux cris d’agonie des vilains, l’immonde goule plonge son mufle dans les ventres ouverts pour boire leur sang. Abreuvée, animée soudain d’une force prodigieuse, elle me saisit dans ses bras décharnés pour m’emporter dans une course folle vers une basse colline d’où s’élève de grands cris.
Encombré par 1700 prisonniers français, Henri V d’Angleterre a ordonné de les égorger. Ce sont maintenant des ruisseaux de sang qui déferlent sur le flanc de la colline. Plank-Tonkhu me couche dans l’un de ces ruisseaux et me plonge la tête dans le liquide chaud. Par les cornus dieux barbares, jamais boisson ne me sembla si délicieuse.
Je ne sais combien de temps je reste, à plat ventre, ainsi que l’immonde créature, nous abreuvant de ce nectar couleur rubis. Il me semble que je suis plus vivant que jamais je ne le fus. Mes sens sont exacerbés. Malgré les odeurs dominantes du fer, du sang et des tripes déchirées, je sens les subtiles fragrances d’un automne précoce. En levant les yeux vers un vol de corneilles, je distingue chaque plume de chaque aile de chacun des oiseaux noirs. Un vent que je suppose froid couche les herbes autour de moi mais je n’ai pas froid. Je suis si bien.
Le soleil se couche quand je me relève pour me retrouver face à un homme gigantesque. Il est nu et il ne peut s’agir que de la créature cauchemardesque que le sang a prodigieusement régénérée. Selon les critères de notre époque, l’homme est admirablement bien fait et ressemble fort à ces statues d’Hercule que l’on déterre quelquefois en Italie. Il est velu de manière raisonnable et sa peau luisante semble douce. « Suis-moi, je suis le vampire Plank-Tonkhu et tu es désormais mon vassal. » me dit-il une voix grave. Je sais qu’il ne parle pas le même langage que moi et pourtant je le comprends parfaitement. J’emboite docilement son pas et malgré le poids de mon armure, mon pied est léger.
Nous marchons longtemps parmi les cadavres des beaux chevaliers avant de nous enfoncer dans les bois. Au fond d’une clairière se terre une chaumière abandonnée. Là, à la lueur d’une chandelle de suif, Plank-Tonkhu m’explique, sans détours, quelle sera désormais mon existence de vampire. J’implore, je supplie, je prie la Vierge Marie, mais tout cela bien inutilement. Alors moi, le vaillant chevalier, je pleure de désespoir comme une donzelle.
Tandis que je sanglote, des doigts habiles délacent les lanières de mon armure. Je suis puceau encore malgré mon âge car je suis consacré à la Sainte Vierge. Pourtant, quelque chose me dit que je ne vais pas tarder à me faire trouer la rondelle…
Je ne résiste pas lorsque Plank-Tonkhu me dénude totalement. Autour de moi, sont éparses les pièces de mon armure, ma chemise et mes braies. Je suis sans volonté, à son entière merci. Je n’ai pourtant pas peur quand il caresse mes épaules et mordille mes tétons. À ma grande stupeur, je constate que ma mortelle blessure a disparue. Mon corps est de nouveau intact, jeune, ferme et bellement modelé.
Mon sauveur me domine d’une bonne tête. Je suis un grand et solide gaillard mais entre ses mains je ne suis qu’une poupée de chiffon qu’il manipule à sa guise. Il me couche sur une paillasse et me couvre de baisers tout en pétrissant mes muscles relâchés. Son sexe, aussi long, aussi épais que mon avant-bras se balance, menaçant, entre ses énormes cuisses poilues.
Je suis à plat ventre quand de grosses mains écartent mes fesses et qu’une grande langue entreprend de lécher ma rosette vainement crispée. Aussi forte que celle d’un dragon, la langue s’insinue avec une grande facilité dans mon fondement pour me faire connaître d’étranges sensations qui m’amollissent tout entier.
Je ne sais combien de temps cette langue mouille et assouplit mon trou alors que je vagis comme un enfantelet. Je supplie le colosse quand je comprends qu’il a décidé de me pénétrer. M’aurait-il fait revenir à la vie pour me tuer une seconde fois ? Je ne pourrais pas survivre à une telle pénétration.
Sourd à ma prière, Plank-Tonkhu s’enfonce en moi, écartelant ma virginale rosette d’une manière inconcevable. Aucune porte de forteresse ne peut résister à un tel bélier ! Je hurle ma douleur, le corps bandé comme un arc. Par tous les saints du paradis, aucun martyr ne connut tel supplice !
Et pourtant quand le sexe monstrueux parvient dans mes secrètes profondeurs, il me fait bientôt connaître un plaisir qu’il est malaisé de concevoir. Jamais je ne connus une telle jouissance. Dans une langue aux accents rocailleux, le vampire me murmure des mots apaisants. Il me dit qu’il m’aime, que je suis à lui et que jamais il ne me laissera partir.
Toute la nuit, la puissante créature m’emplit de son foutre brûlant. Chacun de ses innombrables orgasmes me contraint à jouir comme une bête sauvage. Aucun homme ne pourrait survivre à un tel traitement mais je suis, à présent, moi-même un vampire. Un vampire très puissant car j’ai bu le sang de Plank-Tonkhu.
Clovis se tait et pousse un long soupir déchirant. Il fixe le vide d’un regard rêveur. Frank respecte son silence un long moment avant de dire :
- Putain, mec ! C’est chaud ton histoire ! Mais qu’est-ce qu’il est devenu ton Plank-Tonkhu ? Faudrait pas qu’il nous ramène sa bite de folie parce que je ne me sens pas à la hauteur. Déjà avec toi, je crois que j’ai atteint mes limites, alors avec lui, je ne te dis pas… !
- Tu dis cela parce que tu n’es pas encore un vampire, Frank. Plank-Tonkhu dort dans la grotte, pas loin de nous.
- Alors là, tu commences sérieusement à m’inquiéter, Clovis ! Je suis OK pour faire un tour de manège avec toi mais il n’est pas question que je me fasse défoncer la rondelle par ton dinosaure…
- N’aies pas peur Franky joli, je suis le seul à pouvoir réveiller Plank-Tonkhu et l’heure n’est pas encore venue.
- Bonne nouvelle ! Bon, tu m’avais promis un petit dessert si je t’écoutais sagement. J’ai été sage, non ? Alors je veux mon petit dessert ! Câline le jeune fleuriste en saisissant la grande verge érigée de l’homme couché à côté de lui.
- Oui, tu as été sage, je le reconnais. Alors vas-y, prends ton petit dessert. Répond Clovis en se cambrant pour lui offrir son dard turgescent.
Le garçon ne se le fait pas dire deux fois. Il se déshabille en deux temps trois mouvements pour s’agenouiller entre les jambes écartées de Clovis. Il astique vigoureusement le pieu vertical et crache abondamment dessus pour le lubrifier. Ces préparatifs finis, il enfourche les hanches étroites de son partenaire pour s’empaler à fond sur son sexe glissant.
- Tu m’avais dit que tu voulais me faire une turlutte. Il n’a jamais été question que tu me baises de cette façon. Conteste le gentil vampire qui bronche comme un pur-sang andalou sous les premières sollicitations d’un anus gourmand.
- Changement de programme. Ton histoire m’a tellement échauffé que j’ai maintenant envie d’une bonne partie de rodéo. Rétorque son cavalier en coulissant de plus en plus énergiquement.
Comme il ne faut pas abuser des bonnes choses, nous épargnerons aux prudes lecteurs tous les détails de ce dressage sportif qui met rapidement les deux hommes en sueur. Nous dirons simplement que Frank profite de sa position dominante pour tordre férocement les tétons de sa monture. Obtenant ainsi des ruades qui le projette très haut…
Ce n’est que lorsque son jeune et impudent cavalier lui a éclaboussé le torse et le visage d’abondants jets de foutre en gueulant sa jouissance que Clovis peut reprendre son récit :
- Le soir même, alors que la Lune s’élève dans les branches des chênes centenaires, Plank-Tonkhu, m’apprend, sur un ton badin, qu’il était le dernier grand prêtre carthaginois officiant jadis dans le temple de Ba'al Hammôn, divinité avide de sacrifices sanglants selon les romains qui l’appelèrent Moloch-Baal. Plank-Tonkhu a 1737 ans. Il a combattu et vaincu de très nombreux vampires ténébreux dont il s’est approprié les pouvoirs en buvant leur sang. C’est ainsi qu’il a terrassé Grôkû-Bêêl, cruel mage-vampire babylonien. Amant en titre de Nabuchodonosor II.
Plank-Tonkhu est probablement le plus puissant des vampires des temps connus. Ses pouvoirs sont immenses et confinent au divin. C’est un misanthrope qui par périodes s’écarte du monde. Il s’enterre alors profondément dans le sol ou se réfugie dans une grotte à la manière des ours. Au bout de quelques siècles, il ressurgit. Il est guidé par ses prémonitions et ce n’est pas par hasard qu’il est sorti du sol à la bataille d’Azincourt. Il m’attendait.
Quand je lui demande pourquoi il m’a choisi pour me faire revivre, il me répond que j’étais le premier être vivant qu’il découvrait après deux siècles passés sous terre. Qu’il était fou de solitude, qu’il lui fallait un compagnon et… qu’il m’avait trouvé mignon. Mais il me ment. En réalité, il m’attendait comme moi je t’ai attendu.
À présent que je suis un vampire, je n’ai d’autre choix que de suivre mon créateur afin qu’il m’initie. J’apprends ainsi à traverser les murailles des châteaux pour boire le sang des soldats endormis et piller les trésors des seigneurs. Nous vivons grand train et voyageons à travers l’Europe sans nous préoccuper des guerres et des épidémies. Peu à peu je parviens à maîtriser parfaitement mes dons d’ubiquité, d’invisibilité, de guérison et d’invulnérabilité. C’est très amusant.
Généreusement, Plank-Tonkhu, en me donnant son sang, fait de moi son égal. Il reste cependant le plus fort car je suis bien loin d’avoir son expérience. Contrairement aux vampires de castes inférieures, nous pouvons nous balader sous le soleil… avec modération cependant. L’eau bénite, les crucifix et les gousses d’ail n’ont aucun effet sur nous. Nous sommes invulnérables et seule la Corne de Moloch peut nous tuer. »
- C’est quoi la Corne de Moloch ? S’intéresse soudain Franck.
- C’est la corne qui ornait le front de Moloch. Une puissante divinité sanguinaire. Pourquoi me demandes-tu ça ? Répond Clovis en relevant un sourcil interrogateur.
- Pour rien. Je suis curieux de savoir, c’est tout. Rétorque le fleuriste avec un sourire éclatant.
- Toi mon coco, je te vois venir. Mais il faut que tu saches que cette corne n’est efficiente qu’avec une formule magique et que le jour où je te révélerai cette formule, les poules auront des dents. Grince le vampire en pinçant méchamment les mamelons du garçon trop curieux.
- Te fâche pas Clovis, c’était juste pour savoir. Bredouille Franck en grimaçant.
Sans relâcher sa prise, Clovis attire à lui le garçon en tirant sur ses tétons. Leurs lèvres se touchent et s’ouvrent pour échanger un baiser profond. Leur langue dures et glissantes se nouent et se dénouent tandis que des ongles impitoyables s’enfoncent dans la chair pour obtenir des gémissements. Il se passe un bon moment avant que le vampire ne libère sa proie.
- Mon salaud, tu m’as explosé les tétons !!! Proteste Frank en se frottant les pectoraux.
- Tu n’as qu’à pas m’interrompre sans arrêt. Rétorque Clovis en ricanant.
- Bon ça va, je t’écoute. Grommelle le jeune homme en se reculant prudemment.
- Je disais donc que Plank-Tonkhu et moi sommes invulnérables. Nous sommes cependant bien seuls car nous ne pouvons transmettre nos immenses pouvoirs à n’importe qui comme le font les vampires lambda qui se multiplient comme des lapins. Parfois nous tombons sur l’un de ces vampires basiques que nous lyophilisons sans état d’âme.
Le vampire carthaginois m’entoure de tendresse, sauf quand il m’empale de son monstre. Cela presque chaque nuit… bien conscient que je suis, moi aussi, un dominateur et que je me lasse d’être incessamment sa femelle, il me fait parfois des petits cadeaux. C’est ainsi qu’il m’offre, sur un plateau, la petite rosette de César Borgia.
Nous sommes en 1493. César Borgia, à la fleur de l’âge, fait sa sieste au beau milieu d’un été italien. Il est nu sur sa couche et me regarde m’avancer vers lui. Il ne peut pas faire un geste car je l’ai hypnotisé. Je veux qu’il soit conscient de toutes les petites fantaisies que je vais lui faire subir. Il en gardera un souvenir pugnace qui exacerbera plus tard son trouble gout sadique pour les mâles.
Il me suffit d’un simple geste pour que le beau jeune homme écarte ses longues jambes. Tête relevée, il regarde, fasciné, mon énorme sexe s’enfoncer lentement dans son petit cul vierge tout écarquillé. Je prends mon pied à le bombarder à grands coups de reins tandis qu’il me fixe, les yeux agrandis par un plaisir dégradant. Ses belles lèvres articulent des injures silencieuses. La colère impuissante de César m’excite terriblement. Alors je m’emploie à le violer consciencieusement.
Assis dans un grand fauteuil de bois sculpté, Plank-Tonkhu m’encourage à prendre mon plaisir outrancièrement. Jamais, je dois le dire, je ne vis un homme prendre autant de plaisir dans la rage que César Borgia le Valentinois. Sans me quitter des yeux un seul instant, il jouit à maintes reprises en grinçant des dents. Mon torse est ruisselant de son sperme quand je passe la main à mon mentor impatient. Ne voulant pas intervenir dans l’Histoire, nous n’avons pas vidé César Borgia de son sang.
Plank-Tonkhu m’a beaucoup gâté. C’est pourquoi j’ai eu le privilège de percer la rondelle de beaucoup de célébrités historiques. Les historiens n’en font pas état pour ne pas amoindrir le prestige vacillant de tous ces grands personnages. Je t’épargnerai la longue liste mais je peux te dire qu’Henri VIII d’Angleterre avait un cul d’enfer dans sa jeunesse mais qu’il avait un petit zizi. Quant à François Ier, il était très baisable mais il puait des pieds. J’ai refusé de baiser Henri IV mais j’ai pris beaucoup de plaisir à sauter Louis XIV à 19 ans. Il était petit mais chaud bouillant. Frédéric II de Prusse était un flûtiste admirable. Il m’a purgé les burnes de manière très experte. Napoléon Bonaparte était trop maigre et Louis-Philippe était trop gros. Les présidents de la république française ne me laissent pas un souvenir impérissable. Par contre Bismarck en redemandait sans cesse et le maréchal Lyautey était hyper-bandant quand il avait 20 ans.
Mais entre ces menues distractions, le temps nous paraissait parfois bien long. Alors nous faisions une petite sieste de quelques décennies dans l’une de nos grottes aménagées. Au bout de 50,70 ou 100 ans, nous reprenions nos activités vampiriques. J’ai pu ainsi m’épargner la guerre de 14-18 et la Seconde Guerre Mondiale. Mais hélas, Plank-Tonkhu avait une faiblesse.
Tout-puissant soit-il, Plank-Tonkhu fait une grave allergie à l’ail. Malgré ses grands pouvoirs, jamais il n’a pu résoudre son problème d’allergie contrairement à moi qui adore et digère fort bien l’allium sativum de la famille des liliaceae.
Le drame survint dans les années 20. Mon mentor et moi étions à Marseille et avions jetés notre dévolu sur un dénommé Marius. Marius était beau comme un ange de l’enfer et j’avais un petit faible pour lui. Marius était un gladiateur du sexe. Homme de tous les challenges, même le membre monstrueux de Plank-Tonkhu ne lui faisait pas peur. Amant athlétique et courageux, il était parvenu, de par ses prouesses, à impressionner les vampires que nous étions. Mais Plank-Tonkhu était jaloux de mon attachement pour ce garçon méditerranéen…
Une nuit, alors que le vampire carthaginois défonçait à fond la caisse le beau garçon brun, il planta ses crocs dans sa gorge pour le vider de son sang. Quand je voulus intervenir, il était trop tard. Cela me peina quelque peu mais le pire était à venir. Pour le plus grand malheur de Plank-Tonkhu, Marius venait de s’empiffrer d’une bouillabaisse que lui avait amoureusement confectionnée sa petite maman. Bouillabaisse saturée d’ail comme il se doit.
Les effets ne se firent pas attendre. Mon compagnon séculaire s’effondra sur le sol, saisi d’atroces convulsions. Ses hurlements de douleur éveillèrent toute la cité. Je l’ai transporté ici même pour tenter de le soigner. Vainement. Il me demanda alors de mettre un terme à ses abominables souffrances en le tuant avec la Corne de Moloch. Ne pouvant me résoudre à cela car j’aime beaucoup mon mentor, j’ai utilisé toute la force de de ma magie pour le mettre en état de catalepsie avant de l’immerger dans le lac de la grotte pour ne pas qu’il se déshydrate. Ses douleurs s’apaiseront avec le temps et je pourrais le réveiller dans un siècle ou deux. Guéri. »
- Ça il n’en est pas question !!! Tu ne vas quand même pas réveiller un dinosaure psychopathe jaloux qui va me dessécher comme Marius s’il apprend que tu as un ticket pour moi !!! S’insurge Frank pas rassuré du tout.
- Ne t’affole pas Franky. Plank-Tonkhu n’est pas obligé de savoir que nous baisons ensemble.
- Ben voyons ! Il va peut-être croire que nous avons joué à la belote en l’attendant ? Ricane le fleuriste sceptique.
- Tu dramatises tout, Frank chéri. Moi qui te croyais optimiste, tu me déçois beaucoup. Maugrée le vampire.
- Tu ne vas pas me faire une cathédrale pour ça, Clovis. Je me renseigne et j’émets quelques réserves. J’ai bien droit, non ? Proteste le cabochard
- Bon, je crois définitivement que tu es un très mauvais élève. Très contestataire et inattentif. Alors je pense que le mieux c’est d’abréger ton initiation et de te transformer en vampire dès maintenant. Tu apprendras le job sur le tas. Qu’en penses-tu ? Soupire Clovis.
- Pour moi c’est OK parce que je n’ai jamais trop aimé les études supérieures. Je suis plutôt un homme de terrain du style système D. Mais tu me sembles oublier que je suis végétarien. À part les œufs, les laitages et le sperme, je ne consomme pas de protéines animales. Quelle est la consommation d’un vampire ? Interroge le néophyte.
- 5 à 10 litres de sang par mois, selon son activité.
- Beurk ! Ça me dégoûte rien que d’y penser. Comment je vais faire ? Bougonne le garçon.
- Tu n’auras qu’à essayer l’autosuggestion. En imaginant que les hommes ne sont rien d’autre que des gros fruits, tu croiras boire du jus de fruits en les saignant. Suggère Clovis.
- Tu crois que ça peut marcher ? Questionne Frank, un peu perplexe.
- Je pense que oui, si tu y mets de la bonne volonté. Réponds le vampire qui s’impatiente.
- Bon, je veux bien essayer pour te faire plaisir mais comment ça va se passer pour moi ?
- Tout d’abord, je vais boire tout ton sang et ensuite tu devras boire le mien. Si tu ne parviens pas à boire mon sang, tu mourras tout simplement. C’est clair ? Murmure le vampire.
Le jeune fleuriste ne répond pas mais se rencogne dans son coussin en croisant les bras. Fini les gamineries. Jusqu’alors il avait voulu prendre les choses à la rigolade mais maintenant il va falloir qu’il fasse le grand saut. Une peur abjecte s’insinue en lui. La peur de mourir. Il ne crâne plus.
Il frissonne en interrogeant Clovis du regard. Ce dernier semble ému par sa détresse et caresse doucement ses cheveux comme on le ferait pour rassurer un petit enfant. Toute parole est à présent inutile. Frank sait que c’est maintenant à lui de décider. Clovis ne lui imposera rien. Son sourire est apaisant et ses yeux émeraude pleins de tendresse. Il attend.
Après un long silence, le jeune homme rejette l’oreiller pour s’étendre bien à plat sur le lit avec la tête rejetée en arrière, tel un gisant, la gorge offerte et les yeux clos. Il tremble imperceptiblement tandis que le vampire dépose de légers baisers sur son ventre et sa poitrine nus.
Le visage dissimulé sous sa longue chevelure bouclée, Clovis, penché au-dessus du corps superbe n’est que douceur et tendresse. Il attend que le garçon murmure : « Vas-y » Pour planter ses crocs dans la veine jugulaire palpitante.
C’est alors la vertigineuse glissade vers la mort. Tel l’araignée qui vide la mouche de sa substance vitale, le grand vampire aspire goulûment le sang de l’homme couché. Un froid glacial s’empare du corps vibrant et l’esprit sombre dans le néant. Frank se meurt.