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Une porte de sortie...
J'avais mal compris ce qui m'attendait. Je m'étais recroquevillé dans un coin de la camionnette et m'était endormi en attendant la deuxième vague de couilles à vidanger. La chance, si tant est que je puisse utiliser ce mot, fit qu'en réalité le concert était fini ou bien que mon boss devait rentrer dès le dimanche après-midi.
Du coup, je fus réveillé sur les coups de 14h et il me lança mes fringues.
" - Aller, c'est bon. T'as bien bossé. Je vais pouvoir me payer le dernier IPhone avec l'argent de ton cul. Et version débloquée en plus..."
Qu'est-ce que je pouvais répondre à ça ? Franchement... Ca va bien chercher dans les 600€... Soixante passes ? Soixante mecs ? Non... Non !!! C'est pas possible. Je fus pris d'un vertige et de nausées...
Le chemin du retour fut aussi désespérément long que l'aller, alors que souvent c'est le bien plus rapide. De retour chez moi, je pris une longue douche. Je me branlai aussi, plusieurs fois, en pensant au garçon qui m'avait pris en pitié... Yannick...
" - On trouvera une solution... ".
Pourquoi " on " ? Qu'est-ce qu'il vient faire la dedans ce con ? C'est moi qui suis dans la merde. C'est SON pote qui me prostitue.
L'idée radicale du meurtre m'effleura.
Il y a tant d'options possibles... Mettre de la saloperie dans une bière ou une assiette, le faire tomber dans des escaliers, l'étrangler...
Mais ça, c'est bon dans les romans ou les feuilletons. L'idée de lui ôter la vie malgré tout ce qu'il m'avait fait me donnait l'impression d'être face à un précipice, provoquait une sensation de vertige épouvantable : la même terreur indicible. Faire cela, c'est vraiment passer du côté inhumain... impossible pour moi.
Mais comment s'appelle-t-il de toute manière ? Pas de nom... " Tinex ", tout juste un surnom inutile.
Ah moins que...
Je pris mon portable et googlai immédiatement ce surnom. Après avoir éliminé les références à une chaine de supermarchés russes et affiné ma recherche, je finis par tomber sur une photo de mon boss avec plusieurs de ses potes teuffeurs. Cette photo me permit de remonter au blog d'un de ses potes grâce auquel j'obtins un prénom " Fabrice ".
Super. Et après ?
Toujours pas de nom de famille, toujours d'adresse réelle ou mail, rien.
Soudain, une évidence me frappa l'esprit.
Mais quel con !!!
Mais comment ai-je pu oublier ???
Là, je me rappelai pourquoi j'avais oublié... La séance de torture...
L'appareil photo.
Celui avec lequel j'avais enregistré sans le vouloir la séance de torture de mon boss et du maître. Ca ce serait une preuve pour un tribunal. Ca, ça pourrait m'être utile pour faire chanter à mon tour ce connard de merde.
Le maître aussi avait ses clichés et de quoi me faire chanter, mais je sentais qu'il serait plus facile à faire flipper : il devait venir d'une bonne famille et être dans un milieu médical ou quelque chose de cet ordre. Il avait agi en médecin lorsque mon boss m'avait envoyé dans les vaps à coup de ceinture. J'imaginais assez facilement la tête de papa/maman s'ils apprenaient les appétits de tortionnaire de leur tarlouze de fils chéri.
Je me levai et tel un ouragan et je retournai tout mon appartement à la recherche de mon appareil photo. J'espérais qu'ils ne me l'avaient pas volé, ni effacé le contenu. Je fini par mettre la main dessus, caché par un tas de bibelots qu'ils avaient entassés dans la bibliothèque.
Evidemment, plus de batterie. Là encore il me fallut plusieurs minutes pour retrouver le chargeur de l'appareil. Et là commença l'attente. Il fallait deux ou trois heures pour que le chargeur fasse son travail. Pendant ce temps je réfléchissais à la meilleure façon d'utiliser les preuves qui étaient nécessairement encore sur la carte mémoire.
Rien que par le blog, j'avais le moyen de toucher plusieurs de ses connaissances. J'avais acquis l'intime conviction que mon boss menait une sorte de double vie. Un de ses potes avait laissé sur le blog le commentaire suivant sous une photo représentant mon boss faisant " le beau " façon teffeur :
" Ca cé mon gros débile de bouffeur de chatte ! T'est tro fort gros ! Atenssion vo boule lé fille, tinex é dans la place !!! "
Plus loin je trouvais le-dit " tinex " accompagnés de filles vêtues de treillis trop large, de keffieh en écharpe, à la peau have et les yeux cerné d'avoir trop fumé. Pas du tout le genre fille à pédé pour tout dire.
Une puissante vague d'espoir, de fureur, d'envie de vengeance se leva en moi. J'avais enfin un moyen de renverser la vapeur et de sortir de ce cercle infernal.
La sonnette résonna alors. Immédiatement je fus pris aux tripes par une terreur indicible. Putain... Ca ne fait même pas trois heures qu'il m'a déposé. Fait chier !!!
J'ouvris à contre-coeur ma porte sachant que quoiqu'il arrive, le ou les mecs accéderaient à mon appart. Autant ne pas alerter d'avantage les voisins.
Je fus surpris de trouver Yannick.
" -Heu... Re... Dit-il en hésitant et finissant par une sorte de sourire un peu contraint.
- Re... "
Je restais interdit et incapable de savoir quoi faire.
" - J'peux rentrer ? " Me demanda-t-il après quelques secondes de flottement.
Bien sûr, je le fis entrer.
" -Mec, c'est pas possible que tu continues comme ça. " Me lança-t-il d'un ton qui n'admettait pas la contradiction.
" - Sauf si tu me jures que c'est vraiment ton délire et que tu kiffes faire la pute... Ben je vais t'aider à t'en sortir mec. Tu vaux bien mieux qu'ça. "
J'étais...
Un enfant découvrant que le père Noël existe vraiment, qui le rencontre et discute avec lui.
Voilà... C'est ce que j'ai ressenti à cet instant précis.
Incapable d'émettre un mot, je me contentai de le prendre dans mes bras en me mettant à pleurer toutes les larmes de mon corps.
Je m'effondrai littéralement.
Il me fallut une dizaine de minutes pour reprendre pied. Je lui expliquai alors par le menu les circonstances dans lesquelles j'avais rencontré Fabrice alias Tinex alias le boss. Je ne m'épargnai pas dans ce compte rendu. Je lui dis clairement combien mes sentiments avaient été contrastés. Qu'au final je n'étais qu'une pauvre salope bouffeuse de bites qui n'avait que ce qu'elle méritait.
Il me toisa avec regard méchant : " Non, c'est pas vrai. C'est pas parce que t'aimes baiser qu'on doit te traiter comme ça. Rien à foutre si t'as envie de baiser avec toute la ville, tant que c'est toi qui décide. Tu fais ce que tu veux de ton cul. Personne peut juger ça. "
Je ne pus que baisser la tête, un peu honteux, un peu rassuré de trouver quelqu'un ayant un peu de confiance en moi.
Je passais ensuite un moment à lui expliquer où j'en étais dans mes recherches et l'idée que j'avais de le menacer de tout balancer à ses potes.
" - Là, je suis ton homme, mec. Je connais Tinex depuis trois ans. On a fait des teufs un peu partout, je connais son nom et surtout je sais où il crèche, où il bosse et même où habite sa mère. "
Violente contraction dans la poitrine.
Violente et douloureuse.
Se pouvait-il qu'enfin je puisse me débarrasser de lui ???
" - Mec là, faudra que tu joues au bluff. Si tu menaces de le dénoncer il te menacera de faire pareil. T'es prêt à prendre le risque ?
- Tu sais, j'ai failli me foutre en l'air. Alors... Un taf, c'est rien. Je changerai de ville. Mes potes et tout... Je pourrai gérer... Je crois... "
Je songeais alors à lui parler de la vidéo sur mon appareil photo. Nous regardâmes ensemble. Il arrêta au bout de quelques minutes. Il pleurait et faillit vomir. Je vis ses poings se contracter à tel point que sa main devint blanche... Sa mâchoire était si contractée que je pouvais presque entendre ses dents grincer.
Il jetait partout dans mon appartement un regard perdu comme celui d'un prisonnier cherchant une issue.
" - Il faut qu'il morfle ce bâtard. " Conclut-il.
Je tempérai autant que possible ses ardeurs. " - Tu sais, si déjà il me lâche et m'oublie, ce serait déjà bien. J'ai pas envie de vengeance... Ca servira pas à grand-chose. J'ai mes torts. "
C'est alors que je décidai de prendre les choses en main. Après avoir transféré le film de ma séance de torture sur mon PC, j'en pris des images et les réexpédiait sur mon téléphone.
J'envoyai alors un message à " mon boss ".
" Salut Fabrice. Si tu ne me lâches pas et que tu n'effaces pas toutes les photos et vidéos que tu as de moi, j'envoie le film complet dont sont extraites ces images aux adresses suivantes : (...). Si tu tentes quoique ce soit, c'est directement le dépôt de plainte à la police. "
Et je terminai par la liste des adresses postales de sa mère et son boulot.
La réponse ne se fit pas attendre : " Putain de bâtard je vais te démonter ta face de salope. "
Je fus pris d'une sourde terreur. Je n'avais pas pensé qu'il possédait encore mes clés. Que ma menace n'avait aucune chance d'être mise à exécution avant demain voire plus. Je montrai le téléphone à Yannick.
" - On est deux contre un mec, il a pas une chance.
- Et s'il ramène son pote ? Le marocain ?
- Je peux appeler des potes si tu veux... "
Là j'eu une illumination. Je me levai et cherchai dans mon portefeuille le petit papier griffonné à la va-vite par Thomas quelques semaines plus tôt.
Je composai fébrilement le numéro de téléphone. Je reconnu la voix de Thomas.
" - Salut Thomas, c'est Yves.
- ...
- Tu sais, on s'est vu à la tournante... On a fini la soirée chez toi avec Yassin. "
Une fois qu'il m'eut reconnu, je lui demandai s'il était toujours ok pour me donner un coup de main. Je lui expliquai en quelques phrases la situation.
A ma grande surprise il n'hésita pas une seconde. Il me dit qu'il arrivait immédiatement avec quelques potes.
Commença alors l'attente. Qui du boss ou de mes potes de banlieue arrivaient en premier ?
Lorsque la sonnette retentit, je fus soulagé. Je savais que c'était " mes potes ", l'autre serait rentré direct. Ils débarquèrent à quatre. Je fis la bise à Thomas et Yassin. Deux autres types entrèrent. Un grand black, genre rugbyman et un beur sec comme un coup de trique mais nerveux et apparemment bien énervé : il ne cessait de tourner et de balancer son torse d'avant en arrière en contractant la mâchoire.
Thomas prit la parle :
" - Salut... J'ai demandé à Adou et Karim de venir, c'est des vrais potes. Ils vont lui maraver la face s'il veut faire le cake.
- Merci les mecs... Merci vraiment beaucoup.
- De rien mec... On te doit bien ça... " Répondit Yassin.
Je réalisai alors qu'Adou était certainement le gars qui avait eu l'honneur de me prendre en premier lors de la tournante. Quant à Karim, il pouvait -ou pas- faire partie des types présents le soir-là. Je ne gardais qu'un souvenir confus des participants... Hormis Yassin et Thomas qui étaient toujours aussi mignons à mes yeux.
Les deux inconnus me serrèrent la main avec un grave hochement de tête. Ils me firent penser -allez savoir pourquoi- à des pilotes d'avions partant pour une mission suicide, comme on en voit parfois dans les films de guerre au ciné.
Je présentai rapidement Yannick et leur fit un point sur la situation... Je me fis l'impression d'un général préparant la bataille.
Nous nous installâmes alors tranquillement dans mon salon que nous réorganisâmes pour l'occasion. J'éprouvais une sensation étrange de liberté à simplement retrouver mon salon tout simple dans la disposition que j'avais choisie lors de mon installation. Nous sortîmes des bières et des chips...
Et l'attente commença. Je n'étais même pas sûr de ce qui allait se passer. Allait-il venir me tabasser ? Etait-il en train de mettre ses menaces à exécution et bourrer les boites mail de mes connaissances de photos dégradantes ?
Je me mis à trembler. Yannick s'approcha de moi et posa sa main sur la mienne. Nous échangeâmes un regard tendre, profond et chargé... d'amour...
Je n'avais jamais ressenti cela.
Je me sentis soudain dur comme le granite... Indestructible... Invincible...
Yannick était ma dope... mon amphétamine... mon gilet pare-balles... mon gun...
Il n'y avait ni besoin de mot, d'acte ou de quoi que ce soit : il m'aimait. Et... Je me rendis compte que... Ben... J'aurais sauté du haut de mon immeuble pour lui.
C'est... Ca... Non ? L'Amour ?
C'est ce moment précis que la porte s'ouvrit en grand violement.
Fabrice pénétra en furie dans le salon pour se jeter sur Yannick et moi : il ne réalisa que trop tard de la présence des quatre autres types.
Il fut ceinturé instantanément. Avant que je puisse réagir et calmer mes gardes du corps, il s'était pris trois violents coups de poings à la précision professionnelle.
" - Arrêtez ! " Criais-je d'un ton paniqué.
Le boss avait perdu de sa superbe : le t-shirt à moitié remonté, le visage commençant à rougir là où les coups avaient été portés.
" - Je veux que tu me rendes toutes les photos et vidéos que tu as faits. Je me fous du fric que tu t'es fait, je veux juste que tu sortes de ma vie. "
D'une voix sourde et probablement par pure bravade il crachat :
" - Tu vas morfler salope. "
A peine le dernier mot sorti qu'un genou lui écrasa les couilles.
" - hhhh !!! Putain ! Arrêtez ! OK OK... Tout est dans mon portable ! "
Je m'emparai immédiatement l'appareil. Je découvris rapidement les fichiers qui m'intéressaient : il me fallut plusieurs minutes pour tout effacer et m'assurer qu'il n'avait plus aucune référence à moi dans l'ensemble de ses données.
Lorsque je relevai le nez de son smartphone, je constatai que seul Yannick était encore à mes côtés.
Lorsque j'entendis des cris étouffés provenant de ma chambre, je compris ce qui se passait. D'un bond, je me précipitai dans ma chambre pour découvrir mon ex boss pris en levrette par Karim. Les pantalons entrouverts des trois autres acheva de confirmer ce que je redoutais.
Je fus tenté d'intervenir mais le regard glacé que Karim m'adressa m'en dissuada. Je ressortis donc et rejoignis Yannick.
Les larmes me montèrent alors aux yeux. Un soulagement indicible m'envahi. Je n'y croyais pas. Je songeai au marocain mais j'étais certain que jamais il prendrait le moindre risque.
J'étais... Libre !
Les heures qui suivirent furent étranges.
Fabrice fut relâché au bout d'une heure. A sa façon de marcher, son visage blanc et ses yeux rougis, je savais que les gars s'étaient déchaînés. Son jean et son t-shirt portait des traces humides qui ne pouvaient être que du sperme. Je lui rendis son téléphone alors que Karim, qui semblait avoir mené toute la petite troupe, me tendit mes clés et ma carte bleue volée.
J'étais tiraillé entre pitié et satisfaction. Après tout, il était le seul responsable de cette situation.
Le seul ? Si j'avais été moins... Salope... Si... J'avais refusé le premier client... Si... On n'en serait pas arrivé là. Je baissai la tête, honteux.
Les gars prirent une dernière bière. Ils avaient le sourire aux lèvres... Ils décrivirent ce qu'ils avaient fait, leurs sensations, la tête du boss... Et... Cela me rendit malade...
Ils finirent par partirent en me renouvelant leur offre de service en cas de problème.
Dès la porte refermée, Yannick m'embrassa longuement, debout, dans l'entrée.
Nos mains filèrent sur le corps de l'autre. Il m'étreignit et empoigna mes fesses.
Nos vêtements s'envolèrent. Nous nous jetâmes sur mon lit mais nous repartîmes sur le canapé : la chaleur du matelas et les taches encore fraiches nous dégoutèrent.
Sur le canapé, nous nous envolâmes au septième ciel et plus haut encore.
Nous fîmes l'amour pendant des heures.
Chaque jouissance s'accompagnait d'une longue séance de câlins et de bisous.
Nous explorâmes nos corps dans toutes les positions, toutes les possibilités.
Au petit matin, nous n'avions pas encore assouvis toutes nos envies.
Je laissai un message à mon boulot pour signaler que je ne viendrai pas.
Nous passâmes la journée nus, nous fîmes encore l'amour... Nous étions insatiables.
C'était il y a cinq ans.
Yannick a son menton sur mon épaule et relis ces dernières lignes...
Yannick...
Je te dois la vie...
Yannick...
Je t'aime...
[ Ici se termine cette histoire. Merci à tous ceux qui m'ont écrit au sujet de cette série. Merci de vos encouragements et de vos témoignages. N'hésitez pas à m'écrire ! ]
Yopi
yop_ex@outlook.fr
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