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Chapitre 7 | La rupture
Dès le lendemain, Lucas revint me trouver pour me confier de nouvelles missions. Après le fiasco de la semaine passée, il avait décidé de changer de stratégie. Plutôt que de m’envoyer à la pêche aux photos et vidéos compromettantes, j’allais devenir le photographe ainsi que le modèle.
Chaque jour, jusqu’à la fin de la semaine, je devais lui envoyer une série de clichés, toujours très dégradants, dans les délais fixés. Il ne manquait pas d’idées pour me faire poser : intérieur, extérieur, dans une position bien précise ou en train d’accomplir un acte particulier. Je pensais alors aux acteurs pornos qui semblaient d’un seul coup avoir un quotidien bien pesant.
Chaque cliché était un calvaire à prendre tant j’étais pressé d’être en week-end. Tout ça serait bientôt terminé mais je ne devais plus faire de vague pour que mon plan ait une chance de fonctionner. Tant que Lucas obtenait ce qu’il demandait, je n’avais pas à m’inquiéter.
Je craignais qu’il en attende plus au début, comme coucher avec moi par exemple. Si l’idée ne me déplaît pas d’un point de vue physique, je ne pourrais jamais faire un truc pareil avec un mec aussi perfide. C’est un vrai démon.
Tout comme les jours précédents, je retrouvais un peu de sérénité avec Félix et Romain en fin de journée. S’ils n’étaient pas là, mon quotidien serait vraiment morose avec tout ce qu’il se passe en ce moment. Je leur dois beaucoup.
Pour nous changer un peu les idées, Félix a proposé que l’on sorte faire la fête avant les examens. Je trouvais l’idée vraiment bonne mais partageais le point de vue de Romain : mieux valait attendre que les partiels se terminent. Finalement, nous sommes tombés d’accord pour faire une virée en ville dans un bar que Félix connaît bien.
Ce mec est un vrai tchatcheur. En plus de boire à l’œil une fois sur deux en faisant du charme au barman, il a trouvé le moyen d’inviter une étudiante à notre table moins d’une heure après notre arrivée. Chloé est en Master de langues et veut devenir interprète pour je ne sais quelle organisation. Félix n’en a certainement rien à faire lui aussi mais semble bien décidé à conclure. Je demande alors à Romain si Lucie va nous rejoindre. Il semblait inquiet.
- Elle m’a dit qu’elle était en route il y a un moment déjà. J’arrive pas à l’appeler et elle ne répond pas sur Messenger.
- Tu veux qu’on aille voir si elle est dans le coin ?
Je me sentais un peu obligé de demander. Voir Romain inquiet ne me plaisais pas. Au même moment, son téléphone vibra.
- C’est elle ! Apparemment elle ne se sent pas bien. Finalement elle ne viendra pas.
Sans aller jusqu’à parler de bonne nouvelle, je trouvais rassurant que Lucie soit en sécurité chez elle. Romain n’était pas du même avis.
- Quelque chose ne va pas ?
- C’est rien, je l’appellerais demain.
Après ce léger incident, la soirée continua. Félix et Chloé repartirent chez elle tandis que Romain s’occupait de me ramener chez moi puisqu’il n’avait pas consommé d’alcool. J’aurais préféré dormir avec lui, dans son lit. Malheureusement, Lucie était toujours sa copine. J’ai regagné mon appartement en regardant sa voiture s’éloigner.
En dehors de cette soirée et des exigences de Lucas, la semaine se déroulait sans accroc.
Notre prof de biologie a une fois encore salué le travail du binôme que Lucas et moi étions censés former sans que je ne sache pourquoi. Je serai vraiment curieux de savoir ce que l’autre a pu écrire. Tout ça est d’autant plus étrange que Lucas aurait pu me forcer à tout faire moi-même. Pourtant, il préféré me demander des photos de cul.
J’avais bien tenté de lui en parler mais il m’a dit que l’on évoquerai le sujet samedi. Même en ressemblant tous les morceaux, je ne parvenais pas à une conclusion logique. Tout ça n’avait pas de sens.
Le lendemain de la sortie en ville, je me rendais de nouveau à la coloc. Le samedi approchait et il y avait de l’électricité dans l’air. Romain avait la mine basse et le teint pâle.
- Les gars, on a un problème.
Félix, d’ordinaire agité et bruyant, était devenu subitement attentif.
- Ca va Romain ?
J’étais vraiment inquiet pour lui. Ce visage ne lui allait pas du tout.
- Je vais bien, c’est pas moi. Mais Lucie…
Se serait-il passé quelque chose ? J4étais tout ouïe.
- Elle est rentrée chez ses parent mais c’est à quatre heures d’ici. Je ne peux pas y aller avant de week-end.
Romain ne serait donc pas là pour m’accompagner voir Lucas. C’était un coup dur mais je ne pouvais pas lui reprocher.
- Il faut que tu rentres la voir ce week-end, dis-je avec un sourire que je tentais de rendre sincère.
Félix renchérit.
- Toi tu t’occupes de Lucie et nous de Lucas. Si ça va pas, tu m’appelles mon pote.
Romain approuva. Je venais de perdre un allié dans ma bataille du week-end et je trouvais ça très préoccupant.
Le samedi arriva finalement et tout un tas de questions avec. Est-ce que Félix et moi pouvions tenir tête à Lucas. S’il ramène du monde, on va vraiment avoir un souci. J’en parlais à Félix qui me dit que l’on verrait sur place. Au moins, je ne serais pas seul. Ne pas avoir Romain avec nous me rendait anxieux.
À 20:00, Félix et moi étions finalement devant la porte de l’appartement. Je frappais, la porte laissa apparaître Lucas, seul, qui nous invita à entrer. À cet instant, je sentis la pression retomber.
Je vis Félix refermer la porte, tourner la clé qui était sur la serrure et la retirer. Nous comptions là-dessus pour piéger Lucas. Il ne me restait plus qu’à balancer un ou deux trucs pour lui faire peur et le forcer à arrêter son chantage. S’il refuse, Félix prendra la relève de façon plus musclée. Nous étions deux contre un. J’étais confiant.
- Vous devez avoir soif, bières pour tout le monde ?
Il alla les chercher avant que nous ayons pu répondre. Lucas revint avec trois bières et m’en tendis une, décapsulée. J’attrapais les trois bouteilles et les jetais contre le mur derrière lui. Comme un signal, cette décharge sonore provoqua une montée d’adrénaline dans tout monde corps. J’allais le massacrer.
- Arrête tes conneries et va t’asseoir. On a des comptes à régler avant que je t’écrase, abrutis.
Lucas était impassible et ne semblait pas préoccupé par la bière qui coulait sur le mur et les débris de verre au sol.
- Sinon quoi, demanda-t-il ?
Je ne devais surtout pas le toucher avant d’avoir tout arrangé. Que penseraient les profs si Lucas venait, défiguré, leur dire que n’étais pas un drogué de la pire espèce ?
Il fallait lui montrer que je ne plaisantais pas. Je me dirigeais donc vers sa petite table basse en bois que retournais violemment. Tout ce qui se trouvait dessus vola et le meuble termina sa course en brisant l’écran de la TV en face. La salon était un vrai champ de bataille.
De nouveau, Lucas et moi étions face à face. Je scrutais son visage à la recherche d’une réaction.
- Sinon tu vas finir comme ta télé. Pose ton cul ici espèce de gros tas de merde !
Je ponctuais mon ordre d’un mollard qui s’écrasa contre sa joue. Toujours aussi imperturbable, il ne prononça qu’un seul mot.
- Félix.
En l’espace d’un instant, je me retrouvais plaqué contre un mur, les deux bras prisonniers d’une force qui les maintenaient fermement repliés douloureusement au milieu de mon dos. J’étais sonné et je sentais que mon assaillant pouvait facilement me briser les os en appuyant un peu plus fort. Impossible de bouger. Du coin de l’œil, je pus confirmer que c’était bien Félix qui me maintenant dans cette position inconfortable.
- Putain mais qu’est-ce que tu fous ?!
Lucas apparu dans mon champ de vision.
- On va régler nos comptes petit con. Cette fois-ci, la punition sera légendaire.
Félix me décolla du mu et me fis asseoir brutalement dans la canapé. Il me lâcha et retourna se poster devant la porte d’entrée.
Lucas s’assit dans un fauteuil en face de moi, toujours aussi calme. Je lançais un regard empli de haine et de colère à Félix qui me fixa jusqu’à ce que je baisse les yeux. J’étais fini.
- C’est moi que tu regardes.
Lucas avait repris le contrôle, encore une fois !
- On va faire ça vite parce que j’en peux plus de ta gueule.
J’étais hors de moi. Félix était donc le complice d’un type aussi abject ?
- Parlons de Félix, c’est un bon point de départ.
Tout ça n’avait plus aucun sens.
- Lui et moi, on s’entraide tu vois. En ce qui te concerne, tout ce qui t’es arrivé depuis la reprise des cours, c’était son idée.
Lucas se contentait d’exécuter ? Je n’y crois pas une seconde.
- Pourquoi, rétorquais-je excédé ? Il y a seulement une semaine qu’on s’est rencontré. Qu’est-ce que j’ai bien pu lui faire pour mériter ça ?
Félix me regarda avec dédain puis détourna les yeux.
- À lui, demanda Lucas ? Rien du tout. Mais à moi, en revanche …
Ce type n’avait donc aucune limite, voilà qu’il va tout me mettre sur le dos !
- Enfin, plutôt à l’un de mes proches. Pour tout te dire, ça fait un moment que j’ai envie de te fracasser.
Un ami de Lucas… Qui ?
- Fais-le entrer Félix.
La traître fit effectivement entrer quelqu’un. La dernière personne que je m’attendais à voir ici.
- Raphaël ?!
J’allais me lever mais Lucas me rappela à l’ordre.
- Essaye de bouger et je te casse les jambes.
Au fond de ces yeux, je voyais qu’il me détestait suffisamment pour le faire et retirer de la satisfaction. C’était terrifiant. Lucas était donc un proche de Raphaël ? Celui que je pensais être mon ami s’assit sur l’un des larges accoudoirs du fauteuil de Lucas après l’avoir embrassé rapidement.
- Je vais pas te faire un dessin, on est ensemble depuis plusieurs mois maintenant. Depuis tout ce temps, je sentais bien que quelque chose n’allait pas mais il ne m’a parlé de toi que très récemment. C’est là que tu es devenu mon problème.
- Qu’est-ce que tu baves encore ? Raphaël, qu’est-ce que ça veut dire ?
- Ferme ta putain de gueule ! Tu arrêtes de lui parler, immédiatement !
J’étais abasourdi. Pas un regard, pas un geste de Raphaël pour me soutenir.
- Il lui aura fallu du temps pour oser en parler. Une fois que c’est sorti, c’était un vrai torrent, on ne pouvait plus l’arrêter. Tu as profité de votre lien depuis l’enfance pour en faire ton esclave. Tu l’as soumis par la force et il t’a suivi parce qu’il t’admirait.
Rien de tout ça ne pouvait être vrai. Il ment.
- Aujourd’hui, votre amitié est à géométrie variable. Tu le baises quand l’envie te prends et le reste du temps il est on esclave. Tu me dégoutes. Je te jure que s’il n’avait pas insisté, je t’aurais déjà crevé depuis longtemps !
Il m’envoya une droite, Raphaël détourna le regard. C’était douloureux, autant dedans que dehors et tout son monologue alimenta encore ma rage !
- Tu inventerais vraiment n’importe quoi pour me pousser à bout ! On a toujours été ami lui et moi ! Quand tu as commencé à me persécuter, il a été de mon côté et il aurait tout fait pour me protéger. Tu ne sais pas de quoi tu parles !
J’hurlais de toute mes forces, comme si la puissance de ma voie était le seul moyen d’imposer cette vérité. Raphaël ne pouvait pas être avec un mec pareil. Un manipulateur, une brute, un tyran démoniaque.
- Vraiment, me dit-il ? Pourtant il est là, avec moi, en sécurité.
- Tu l’as manipulé ! Jamais il se serait mis avec une merde comme toi !
- C’est ma faute alors ? Je le menace ?
- Évidemment ! Ça fait des jours que je ne ferme plus l’œil à cause de toi. Tu es tyrannique, pervers, violent et perfide. Tu obtiens ce que tu veux par la force sans te souci des sentiments des autres. Tu m’as poussé à faire des trucs tellement fous que je me suis retrouvé aux urgences ! Jamais Raphaël ne se serait mis avec toi ! C’est impossible !
- Dis-moi pourquoi ?!
J’étais gonflé à bloc !
- Parce qu’il est à moi et que je lui interdis !
D’un bond, je sautais pour attaque Lucas. Félix m’intercepta et me mis KO d’un seul coup dans la mâchoir. Il me traîna jusqu’au canapé où je tenais à peine assis.
Après ce qui me sembla être une éternité, je retrouvais mes esprits et ma vision redevint nette. Je compris que je venais de prendre un chemin à sens unique.
Lucas reprit la parole.
- Je ne suis rien de tout ça. Tout ce que je t’ai fait, c’est à peine un pourcent de ce que tu as fait subir à Raphaël depuis de nombreuses années.
Je sentais les larmes me montrer aux yeux. Raphaël m’avait donc abandonné…
- Ce n’est pas ce que je voulais… Je suis tellem…
Lucas m’envoya une droite vraiment rude.
- N’y pense même pas. Tu n’as aucune excuse. Si je n’étais pas intervenu, tu ne te serais jamais arrêté. C’est fini, et c’est uniquement à cause de toi.
Je m’effondrais, les larmes se mélangeaient au sang qui coulait des plaies de mon visage.
- À partir d’aujourd’hui, tu oublies l’existence de Raphaël. Si tu essayes de lui parler ou de le voir, je jure sur ma vie que je te désintègre !
Les mots filaient sans que je ne puisse répondre.
- Tout ce qui s’est passé aujourd’hui ici a été filmé. Si j’y ajoute ta petite sextape et tout le reste depuis deux semaines, je peux me débarrasser de toi très vite et vraiment facilement.
J’eu un éclair de lucidité. Il en avait fini avec moi. Il fallait que je parte d’ici très vite ! Je devais m’enfuir, peu importe comment ! Félix bloquait la porte et les stores étaient tirés. J’étais coincé !
- Pour Raphaël et moi, tu n’existes plus, on ne veut plus te voir. Mais si tu rentres chez toi, tu pourrais poser des problèmes.
Il fallait le convaincre de me laisser sortir !
- Je te jure que non ! Te me reverras plus jamais !
Lucas sourit pour la première fois. J’étais aculé, totalement pris au piège.
- Tu as raison, parce que tu vas rentrer avec Félix.
Mon regard bifurqua rapidement vers Félix. Rentrer avec lui ?
- Il y a un mois, repris Lucas, on a déposé ton préavis chez ton propriétaire. Pendant qu’on parle, tes affaires sont transportés jusqu’à la coloc de Félix et Romain.
Romain ? Lui aussi était avec eux ?
- Est-ce que Romain … ?
- Non, il ne sait rien de tout ça, Félix trouvera une explication. À partir de maintenant, c’est lui qui récupère ta responsabilité. Les vidéos, les rumeurs, ton téléphone, tes comptes en ligne, tout ça lui appartient.
Lucas sortit une pochette A4 sur laquelle on pouvait lire « Projet étude anatomique biologie ».
- Tu liras ça quand tu auras un moment, Félix t’expliqueras ce que tu dois savoir.
Je pris la pochette sans un mot.
- Maintenant dégage, je t’enverrais la facture pour les dégâts.
C’est ainsi que Félix et mois quittons l’appartement de Lucas. Je n’avais plus de chez moi, plus de Raphaël, plus de dignité et plus d’amis. J’étais dévasté, incapable de parler ou de décider de quoi que ce soit. Je suivais Félix sans broncher, ma pochette cartonnée à la main.
Le futur n’avait jamais semblé si incertain tandis que la voiture de Félix nous conduisait vers la coloc.
Éros
plumederos@outlook.fr
