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Chapitre 4 | L'espoir
Précédemment :
Je m'appelle Adrien et je suis étudiant en STAPS. Depuis plusieurs jours, Lucas, un de mes collègue, a pris le contrôle de ma vie. Il possède mon téléphone et l'accès à tous mes comptes en ligne et a fait croire à nos profs que je me droguais pour que je passe le semestre sous sa tutelle. Aujourd'hui, il est venu me rendre mon téléphone et m'a demandé de me charger d'une mission importante.
Le message de Lucas était on ne peut plus clair :
« Rends-toi des nageurs aujourd’hui et prends une photo de Romain à poil. Si je ne l’ai pas ce soir, il y aura des conséquences. »
Je devinais facilement les idées tordues de Lucas lorsqu’ils évoquaient les éventuelles conséquences. Son plan comportait néanmoins une faille : j’étais de nouveau en possession de mon téléphone.
Je m’empressais de le déverrouiller pour demander de l’aide. Malheureusement, le contrôle parental du système était actif. Impossible d’appeler autre chose que les numéros d’urgence, d’envoyer des messages, de naviguer sur internet ou de lancer mes applications. À ce stade, je ne pouvais que recevoir des appels et des messages. L’appareil photo fonctionnait lui aussi. Il faudrait donc que je branche mon téléphone à mon PC pour envoyer la photo à Lucas.
Le retour à la réalité était rude mais j’avais peu d’espoir de toute façon. J’allais donc tout faire pour prendre cette photo et lui envoyer.
L’entraînement des nageurs était à 18 :00 d’après le planning de l’équipe. Je me faufilerais en douce pendant leur entraînement et me cacherai comme je pourrais.
L’après-midi passa lentement. Je me demandais si j’allais réussir et craignais ce qu’il pourrait se passer dans le cas contraire. Difficile d’imaginer ce qu’il m’arriverait s’il on me trouvait au milieu d’un vestiaire, planqué un téléphone à la main.
À 18:30, j’entrais dans la piscine du campus pour me diriger vers les vestiaires. Je n’étais pas venu ici depuis le dernier semestre mais j’avais une idée précise sur la meilleure façon de procéder.
Les casiers sont suffisamment hauts et grands pour ranger pas mal d’affaires. Je pourrais m’y cacher sans problème. Je trouvais le vestiaire occupé facilement. Des affaires trainaient sur les bancs et certains casiers étaient entrouverts. Les mecs ont dû se changer en vitesse.
Comment identifier celui de Romain ? L’équipe ne comptait pas beaucoup de sportifs mais j’allais devoir fouiller pour trouver le bon.
Je croisais les doigts pour que personne ne vienne ici. J’étais exposé.
La plupart des casiers n’étaient pas verrouillés. J’entamais mes fouilles qui prirent une drôle de tournure lorsque je réalisais ce que je faisais.
Un à un, je fouillais les sacs à la recherche d’une carte d’identité ou d’autre chose d’utile. Les portefeuilles se trouvaient dans le sac de sport pour la plupart, sous un tas d’affaires. T-Shirt, chaussettes, caleçons, propres ou portés du jour. Plusieurs odeurs flottaient dans l’air, comme un mélange de sueur chaude et de déodorant masculin bon marché. Je laissais mon esprit vagabonder au milieu de tous ces vêtements en m’imaginant les corps qui les avaient portés.
Finalement, je trouvais la carte d’identité de Romain. Il s’était installé en face d’un casier vide. Je rangeai mon désordre avant d’aller me planquer comme un ado en rut dans un casier de vestiaire pour nourrir mes fantasmes prépubères.
Une fois dedans, je vérifiais le champ de vision et l’angle de vue qui n’étaient pas parfait mais suffiraient pour ma mission. Les interstices de la portes me donnaient une vue direct sur le casier de Romain. Je n’avais plus qu’à patienter.
L’intérieur du casier était plus étroit que ce que je croyais. Je commençais à me sentir en nage. L’air était humide et je ne pouvais plus vraiment me mouvoir comme je le voulais.
C’est à cet instant que la situation me frappa. En l’espace de seulement trois jours, j’en étais réduit à m’enfermer dans un casier pour photographier un mec à poil. Mon existence me paru soudainement minable. Jamais je ne m’étais sentit aussi insignifiant et ridicule. Je n’en voulais même pas à Lucas à ce moment, ce n’était pas de la colère. Mon esprit se noyait dans ma médiocrité. Tout comme ce casier, mes sentiments étaient à l’étroit dans ma tête.
Des voix se rapprochaient maintenant. Je commençais à percevoir un groupe d’homme sans distinguer leur nombre exact. Ils pénétrèrent finalement dans le vestiaire. Les discussions étaient bruyantes et décousues.
Plusieurs hommes passèrent devant ma cachette jusqu’à ce que l’un d’eux s’arrête.
Grand, châtain et très dessiné. Oui, c’était bien Romain. Lorsqu’il se retourna, je le reconnu. Je ne l’aurais pas cru si plaisant à l’œil. Mon téléphone à la main, j’attendais le bon moment pour prendre une photo.
À peine déshabillé, il prit la direction des douches. Je devais absolument saisir ma chance lorsqu’il reviendra.
Les nageurs quittèrent le vestiaire petit à petit après s’être douchés mais Romain ne revenait pas. Ses affaires étaient bien là pourtant. Il finit par se montrer, accompagné d’un autre membre de l’équipe.
Romain lui parlait de sa nouvelle copine. Ensemble depuis 2 mois, sur la même longueur d’onde, ses parents l’adorent, bref, banal et dénué de tout détail intéressant.
Il parlait avec une telle conviction qu’il était toujours vêtu d’une simple serviette lorsque son pote quitta le vestiaire.
C’était maintenant ou jamais. Nous n’étions plus que tous les deux et j’allais enfin avoir cette photo.
J’ajustais l’angle de vue et retint ma respiration pour éviter de bouger.
Romain pris ses fringues dans son casier et les déposa sur le banc qui nous séparait. Mon téléphone avait une vue directe sur tout son corps.
Il retira sa serviette, dévoilant un membre de très belle taille.
Sans attendre, j’appuyais sur l’écran de mon téléphone. L’image se figea, nette et précise, tandis que le téléphone émis le fameux son caractéristique de la photo figée sur la pellicule d’argent.
Furieux, j’insultait à haute voix mon traître numérique. Je réalisais soudain tout le bruit que je venais de faire.
Avant que je ne comprenne ce qu’il se passait, la porte de mon casier s’ouvrit et la lumière m’aveugla. Je sentis qu’on me tirait vers l’extérieur et plaça instinctivement mes mains proches de mon visage pour me protéger d’une éventuelle attaque. Mon téléphone me fut confisqué tandis que je commencer à m’habituer à la lumière ambiante.
Un coup brutal vint s’abattre sur mon estomac. Sous la douleur, je me pliais en deux.
- Putain, Adrien ? Mais qu’est-ce que tu fous mec ?!
Je récupérais difficilement mon souffle et me redressa. Je le regardais droit dans les yeux. Après avoir pris une grande inspiration, je me lançais.
- Je voulais pas c’est lui qui m’a obligé je suis désolé… Rom…
Je n’avais plus de souffle et me sentais partir. Il faisait affreusement chaud et mon corps ne me soutenait plus. Mes yeux se fermèrent et tout devint noir.
Difficile de dire combien de temps je suis resté inconscient. À mon réveil, je ne reconnu pas l’endroit où je me trouvais. La lumière était vive et il fallu que je cligne plusieurs fois des yeux pour supporter tout ce blanc.
J’étais allongé mais ce n’était pas mon lit, ni ma chambre. Une voix s’éleva à proximité. Quelqu’un se trouvait dans ma chambre.
- Infirmière, s’il vous plaît ! Il vient de se réveiller.
Cette intonation, c’était la voix de Romain ?
J’étais donc à l’hôpital. Pourquoi était-il resté ?
J’eu la confirmation de mon intuition en tournant la tête, c’était lui. Mon mouvement s’accompagna d’un sérieux vertige. Je ne me sentais pas bien du tout. Une infirmière s’approcha de mon lit.
- Bonsoir Monsieur, comment vous sentez-vous ?
Je tentais de me redresser mais mon corps s’y opposa.
- Vous devriez éviter de vous agiter. Laissez-moi regarder.
Elle scruta mes yeux, ma bouche et pris mon pouls.
- Vous avez fait un malaise vagal et souffrez d’une légère déshydratation. Pouvez-vous m dire ce qu’il s’est passé ? Votre ami dit qu’il vous a trouvé comme ça dans un vestiaire du campus.
Je tentais de répondre.
- Je ne sais plus, c’est un peu flou…
Elle ne semblait pas convaincue mais n’insista pas. Romain n’avait donc pas tout raconté ?
- Le médecin va venir vous donner les résultats de vos analyses de sang et décider si vous pouvez rentrer chez vous.
Elle quitta la chambre sans un mot de plus. Je tournai mon regard vers Romain. Il semblait préoccupé.
La porte de ma chambre s’ouvrit de nouveau et un médecin entra. Mes analyses n’ont rien révélées d’inquiétant. Je peux rentrer si Romain me raccompagne. Je ne pouvais appeler personne de toute façon et je n’avais pas de papiers sur moi.
Nous sommes sortit de l’hôpital vers minuit. C’est là que j’ai compris que j’était resté inconscient un moment.
Le trajet du retour se passa en silence. Romain me ramena chez moi et m’aida à regarder mon appartement. Avant de partir, il prit finalement la parole.
- Je te laisse te reposer. Demain matin je passerai te chercher, il faut qu’on parle. Je suis inquiet pour toi, j’ai l’impression que tu es dans la merde.
Il semblait sincère. J’aurai préféré voir Raphaël ce soir mais Romain avait parfaitement géré la situation. Je ne voulais pas lui expliquer les détails mais l’heure n’était pas à la confrontation.
- Merci Romain, je suis désolé.
- Il se retourna et quitta mon appartement.
Épuisé, je ne tardais pas à m’endormir. Je trouvais le sommeil rapidement et ne réouvra les yeux que lorsque mon réveil sonna.
Je me sentais vaseux mais il fallait que je retourne en cours. Les deux derniers jours ont été catastrophiques et je dois rester concentré sur mes partiels de fin de semestre.
Romain arrive à l’heure convenue hier. En montant à bord de sa voiture, j’étais surpris de ne pas reconnaître l’intérieur. Il faisait nuit noir lorsque nous sommes rentrés hier. C’est sûrement pour ça.
Il démarra promptement et ne tarda pas à m’interroger.
- Tu te sens comment ?
- J’ai connu pire, merci pour hier.
Il ne quitta pas la route des yeux mais je pouvais sentir l’intensité de son attention sur moi.
- Il faut qu’on parle.
Difficile d’esquiver ça.
- Retrouve-moi devant le gymnase après les cours.
Le trajet se termina sans un mot de plus et chacun regagna sa salle de cours. Nous n’avions pas les mêmes options donc pas le même planning.
Arrivé au déjeuner, je pris conscience que je n’avais pas envoyé la photo que Lucas voulait hier. Il ne m’avait pas contacté et ne s’était pas montré de la matinée. Qu’allait-il faire maintenant ?
Je ne pouvais m’empêcher d’être inquiet. Une fois de plus, je ne savais pas à quoi m’attendre.
Après une deuxième partie de journée exténuante, je me souvenais de mon rendez-vous avec Romain. Sur le chemin vers le gymnase, Lucas, sortit de nulle part, m’interpella.
- Tout va comme tu veux ?
Son calme apparent n’avait rien de rassurant.
- Désolé pour hier, j’ai fait un malaise et on m’a transporté à l’hôpital.
Il ne bougea pas un cil.
- Tu as l’air d’aller beaucoup mieux aujourd’hui. Prends quelques jours pour te reposer, je te veux en pleine forme pour la semaine prochaine.
Son attitude désinvolte me déstabilisait. Il avait insisté sur l’important d’être obéissant pour finalement laisser passer mon erreur de la veille. Quelque chose ne tournait pas rond.
- Je te laisse, on reparlera de l’étude de bio lundi.
Tout en arborant un air triomphant, il me fit un clin d’œil avant de partie. Il marquait un point : nous n’avions pas reparlé du devoir.
Je me dépêchais de me rendre au gymnase. Romain était déjà là.
- Tu es en retard.
Je lui expliquais que j’avais croisé quelqu’un en route. Il me demanda de la suivre et m’emmena derrière le gymnase. Un petit coin entouré d’arbres et de buissons. Personne aux alentours et un seul chemin pour y entrer.
- Tu voulais me parler ?
- Oui, j’ai des questions à te poser.
Son air était grave, je savais qu’il évoquerait mon comportement d’hier dans le vestiaire.
- Je suis surpris que tu sois venu.
Sa déclaration m’étonna.
- Hier, tu t’es caché dans un casier pour prendre un photo de ma queue. Aujourd’hui, je te dis de te pointer ici et tu viens, gentiment, sans protester. Tu obéis souvent quand on t’ordonne de faire quelque chose ?
Une bouffée d’angoisse me pris d’un seul coup. J’avais compris qu’il voulait de la discrétion, mais qu’avait-il en tête exactement ? S’il m’attaque ici, je ne pourrais rien faire. Il est plus grand et plus fort que moi.
- Détends-toi, je vais pas te cogner. Mais tu devrais faire gaffe et réfléchir avant d’agir.
Un poids disparu immédiatement de mes épaules. Je demandais alors :
- On est où d’ailleurs ? J’étais jamais venu ici.
- C’est juste un coin à l’écart, parfait quand tu veux être tranquille.
Le silence s’installa quelque secondes.
- Écoute Adrien, je vais pas tourner autour du pot. J’ai trouvé ça dans ta poche et je voudrais que tu m’expliques.
Il tenait le mot de Lucas entre ses doigts.
- Qui a écrit ça ?
Je le regardais fixement, incapable de répondre.
- Est-ce que quelqu’un te menace ?
Le son de sa voix me parvenait distinctement. Les mots formaient des phrases que je comprenais. Impossible d’y répondre cependant. J’étais tétanisé.
Sa main se posa sur mon épaule. Son contact était chaud. Je le vais la tête et croisa son regard. La lumière timide du soleil qui se couchait donnait à ses yeux une teinte orangée irréelle. Son visage harmonieux sembler baigner dans l’éclat de cette fin de journée tandis que les reflets dans ses cheveux semblaient les rendre incandescents.
- Adrien !
Ma concentration se focalisait maintenant sur ses deux lèvres fines et pâle. Quel goût pouvaient-elle bien avoir ?
- Je veux t’aider. Tu comprends ? Ce que tu as fait hier, c’était par désespoir ! Tu veux bien me faire confiance et me dire qui te force à faire ça ?
C’est là que j’ai compris.
Lucas ne m’aurait jamais dit ça. Il ne se préoccupe pas de moi. Romain m’a aidé hier quand j’ai eu le plus besoin de lui et maintenant il est prêt à me soutenir. Il s’inquiète vraiment pour moi. C’est tellement… réconfortant.
Sans que je ne m’y attendre, des larmes coulèrent le long de mes joues. Aucun son, aucun sanglot n’émanait de ma gorge, uniquement ces larmes, mon stress, mes angoisses et ma peur qui sortaient enfin. Quelqu’un allait m’aider !
Un sourire bienveillant illuminait son visage. Il fallait que je lui dise tout.
Après avoir séché mes yeux, je me lançais.
- Tu vois qui est Lucas, dans notre promo ?
- Pas vraiment, c’est lui qui te fait pleurer comme ça ?
Je marquais une pause. Il fallait que je ne réunisse le peu de courage qu’il me restait.
- Il m’a tout pris. Il se sert de moi et me menace depuis plusieurs jours. Je ne sais plus quoi faire. Je me sens si … faible.
À ces mots, mon être se mit à trembler.
- Calme-toi, dit-il doucement, on va s’en occuper.
Il m’avait pris dans ses bras, je redevenais calme.
- Merci…
Éros
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