Premier épisode
Chapitre -02
Bonjour à toi, lecteur. La politesse aurait voulu que je me présente à toi avant ce premier chapitre quelque peu « particulier » et je… bien, ne mentons pas, c’était plutôt honnête comme présentation. Je vais néanmoins respecter un minimum de bienséance (« petite trainée de bonne famille », diraient certains).
Je me prénomme Gabriel, vingt-cinq ans, membre d’une famille de trois enfants, et d’éducation catholique. Un enfant sage, passionné de musique classique, étudiant en fac d’Histoire. Vraiment rien d’exceptionnel jusque là… les choses ont néanmoins commencé à bouger quand, à mon entrée à l’université, j’ai fait mon petit tremblement de terre personnel : un coming-out en plein débat sur le mariage pour tous… je vous laisse imaginer la douche froide qu’a reçue ma catholique de mère lors de cette annonce, après des mois de discours bien pensant sur le sujet ! J’étais plutôt fier de moi…
Ce combo gay et catho me permit néanmoins de jouer sur tous les tableaux : je rassurais par mon look sage et innocent, et le premier adjectif rebutait suffisamment mes parents pour que je puisse mener ma vie personnelle comme je l’entendais, sans devoir me justifier auprès d’eux. Et c’est tant mieux, car cela me permit pendant ces quelques années de fac de vivre une vie sexuelle de plus en plus débridée, de plus en plus folle. Je n’ai pas besoin d’en dire plus, vous avez vu ce qui se cache en moi dès le premier chapitre.
Je vais ici raconter quelques petites histoires qui me sont réellement arrivées ces cinq dernières années. Je fais le choix de mettre un voile sur les deux premières années de ma vie sentimentale et sexuelle, car…
Elle l’était en réalité très peu ! Contrairement à ce que le premier chapitre pouvait laisser entendre, les deux premières années de ma vie privée ont été jalonnées de quelques relations amoureuses ratées, de grands vides et de très peu de sexe. Le peu auquel j’avais été confronté était plus que médiocre, décevant. Inutile de m’étendre dessus, les premiers ébats sont rarement glorieux.
Malgré cela, quelque chose pulsait en moi. Je ne pouvais pas encore mettre de mots dessus, mais ce besoin se faisait sentir, pointait le bout de son nez. Ce n’est toutefois qu’avec la rentrée de septembre 2014 que les choses ont explosées, littéralement. Permettez-moi de vous compter ici ces quelques minutes, innocentes, mais qui allaient définitivement changer ma vie.
Je passe une main dans mes cheveux, les recoiffant inutilement pour la énième fois. Je fais nerveusement les cent pas devant la maison, dans la nuit. Je ne sais même pas pourquoi j’ai accepté. Ce que je sais en revanche, c’est que je ne devrais pas être là, que c’est interdit.
Tout a commencé quelques jours plus tôt. Une notification Messenger. Un certain Clément, que j’ai croisé il y a plusieurs mois lors d’une soirée, vague connaissance d’un ex-excentrique que je préfère oublier. Je ne pensais pas avoir fait une quelconque impression. Et pourtant, le voici qui engage la conversation. « Oh, tu n’es plus avec Maxime ? ». « Hé non, maintenant je suis avec James » pensais-je… mais ça tu ne peux pas le savoir, puisque ce cher James n’aime pas « s’afficher » et que mon Facebook affiche un « célibataire » qui claque en mode publique.
Et sans savoir pourquoi, je ne juge pas utile de mentionner cette relation naissante d’à peine un mois ou deux avec un mec vivant à mille kilomètres de nous. Je laisse la conversation suivre son cours, je l’encourage même. Ravi d’être le centre de l’attention d’un si beau mec, sûr de lui, arrogant même, je suis flatté et le laisse m’écrire. Mon copain, tellement jaloux et maladif sur le sujet exploserait très certainement à leur lecture, ce qui en sens rend cette conversation si délicieuse… je n’ai jamais trompé mes ex et ne tromperais jamais mon copain, je sais que je ne suis pas comme ça. Et après tout, on ne fait que discuter lui et moi.
Et pourtant, me voilà dehors à attendre sa voiture pour « discuter en réel » comme il dit. Mais c’est juste pour aller faire un tour, rien de plus innocent. Et c’est presque par automatisme que j’ouvre sa portière et rendre dans sa voiture, sans réussir à cacher que mon cœur bat fort et que je suis tendu et timide comme jamais. Clément le sent bien et engage la conversation, m’incite à me mettre à l’aise, enlever mon manteau… et quelques minutes plus tard, nous roulons à pleine vitesse à travers cette petite ville, largement au-dessus des limites autorisées, coupant les routes sombres et désertées. La discussion se poursuit quelques kilomètres plus loin sur un parking désert, des souvenirs de fac échangés, la conversation me détend.
« tu as les yeux de quelle couleur ? »
Je sursaute à cette question inattendue, la conversation sur les profs de droit de la fac ne laissait pas entendre que… « je n’arrive pas à voir dans le noir ». La lumière de la voiture s’allume brusquement, m’éblouissant. Je cligne des yeux, et sens tout à coup la main de Clément m’attraper le menton et le tourner vers lui. Il scrute mon visage, m’examine presque comme le ferait un acheteur face à un morceau de viande. Satisfait, il éteint la lumière, comme si ce comportement était normal, habituel. Bafouillant, j’embraie sur mes origines italiennes, cette couleur bleu-gris qui me vient de mes grands-parents. « c’est important pour moi la couleur des yeux ». Sa phrase ne m’interpelle pas. Elle devrait pourtant : important pour quoi ? Avec le recul et quelques années plus tard, la couleur des yeux n’a aucune importance pour lui, quel intérêt tant que la viande est bonne ? On lui plaque la gueule contre un oreiller et on le frappe pour se vider, peu importe que ses yeux soient verts ou gris.
Après une longue discussion, me voilà à nouveau devant chez mes parents, et le moteur de Clément reste allumé, signe qu’il est l’heure de quitter la voiture et cette étrange soirée. Finalement rien de compromettant, rien d’inavouable. On échange les salutations d’usage, banales. Clément m’embrasse. Par réflexe je sors de la voiture sans protester, sans réagir. L’information monte à mon cerveau quelques secondes seulement après que sa voiture soit repartie. Clément m’a embrassé. Et je n’ai rien dit, rien fait. Pourtant je me sens… presque bien, j’ai chaud, des papillons dans le ventre, des fourmillements dans la tête. *pop* une notification. James. Je réponds un message par automatisme, franchis le portail, monte dans ma chambre, tel un zombie. Je ne vais rien lui dire. Après tout ça n’est pas grave. Il ne s’est rien passé, ça n’arrivera plus, j’en suis sûr.
Young/Sub
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