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D'après Jean :
Ah ! Cette nuit ! Le corps de Pierre, la bouche de Pierre ! J'en suis fou ... Ce qu'il a pu se montrer câlin dans mes bras, avide d'attentions, de caresses, de plaisirs. Il ne sera pas resté inactif non plus : attentionné, il m'a emmené vers des contrées inconnues, aux paysages nouveaux et aux lumières éblouissantes. Un autre que moi dirait qu'il m'a baisé comme un Dieu. Pierre peut aussi être cru dans le choix de ses mots, dur parfois aussi, limite blessant mais je préfère garder le souvenir de sa tendresse. C'est certain, cette nuit, notre nuit, restera gravée dans ma mémoire, inoubliable, inoxydable, rien ne pourra nous l'enlever. Il est inconcevable que ce soit la dernière, c'est impossible, je m'en persuade, je m'en convaincs, j'en suis sûr !
C'est lors du trajet au volant de ma voiture que mon esprit se laisse aller à l'évocation de ces beaux souvenirs. Dans un geste d'une grande douceur contrastant avec la violence des mots prononcés juste avant et qui résonnent encore douloureusement à mes oreilles, il m'a entraîné dans sa chambre, sans lâcher ma main, à travers la spirale métallique. La pipe qu'il m'a offerte aussitôt arrivés à l'étage ! Il m'a traité comme une divinité, sa divinité ! Une fois au bord du lit, je le revois encore m'attirer à lui, me plaquer contre lui : son sourire m'illumine, ses lèvres se rapprochent. Elles pincent les miennes, tout doucement... J'en oublierais tout, je pardonnerais tout...Et forcément j'oublie tout, je pardonne tout. Je frémis à nouveau au souvenir de sa langue chaude qui tout d'abord effleure mes lèvres, les caressant avant de les ouvrir, de forcer le passage et de venir trouver la mienne, de la toucher si légèrement d'abord mais si sensuellement qu'il me fait rebander illico tant mon excitation grimpe. Sa pénétration ensuite qui devient plus massive, plus invasive, plus possessive, dans un vrai baiser de cinéma avant, avant par de petites touches, à m'habituer peu à peu à son départ. Il s'éloigne comme il a commencé : en pinçotant mes lèvres, progressivement il s'eloigne, comme s'il me rendait ce qu'il a emprunté. J'en suis encore tout possédé, ma bouche remplie de son souvenir... Puis sa main qui me touche plus directement l'entrejambe à travers le jogging et ses yeux coquins qui me transpercent pendant qu'il plonge les mains dans mon pantalon et le fait glisser lentement sur ma peau. Son regard de braise qui m'incendie lorsqu'il s'agenouille pour poursuivre son jeu de langue avec la même progressivité que pour le baiser qu'il vient de me donner, ses yeux toujours accrochés aux miens, il me scotche, me cloue, me crucifie! Pierre se consacre pleinement à mon plaisir, rien à voir avec tout à l'heure, c'est comme s'il n'existait que pour moi, ce que je l'aime ce mec !
Seul dans la voiture, j'aime à convoquer le souvenir du plaisir reçu, fort, très fort, par ses gestes contrôlés, précis, experts. Quelle jouissance de me sentir aspiré par sa bouche, accueilli par sa moiteur, entouré de son humidité. Elle s'est fait si longuement désirer : ça n'en est que meilleur ! Puis la puissance de ses lèvres qui s'activent, l'agilité de sa langue qui se promène, la fermeté de ses mains sur mon corps quand Pierre m'invite dans la profondeur de sa gorge, le feu d'artifice quand, plus tard, impuissant à me contenir davantage, je me lâche enfin, ouvrant les vannes de mon plaisir et qu'il s'abreuve volontairement de ma semence libérée à grands flots. Comme je me suis senti malhabile en comparaison quand, en pâle imitateur d'un maître de l'art, j'ai voulu faire jaillir la sienne à mon tour...
Bien des kilomètres ont été parcourus pendant que mon cerveau me repassait le film de cette soirée ! J'en ai encore des picotements dans le slip ! Un nuage gris, sombre, trop sombre, passe et voile cette sublime évocation lorsque je me rappelle qu'il n'a pas voulu me promettre de venir me rejoindre pour le prochain week-end. Une ombre qui gâche sur cette trop belle rétrospective ...
Mais je ne désespère pas de le convaincre, je lui en arracherai la promesse, je trouverai les mots qui conviennent. Tiens ! Si je l'appelais maintenant ? Le son de sa voix me réchauffera le coeur. Je lance l'application Bluetooth. Voilà : ça sonne, mon coeur bat comme celui d'un jouvenceau ! Messagerie... Déception. Je recommencerai plus tard, il doit être occupé à l'usine... Je laisse un message : " je pense à toi, tu me manques déjà. "
Cette route est interminable ! Même pour retourner à mon appartement, il me faudra des heures ... Et ces routes secondaires où je n'avance pas. Il ne manquerait plus que je me chope un PV pour excès de vitesse !
[...]
D'après Pierre :
C'est vrai qu'il est touchant, Jean, avec son regard de velours, mais il est sacrément pot de colle aussi ! C'est sûr, quand il me touche, il sait si bien y faire, il est si doux, que j'en oublie son âge et ses rondeurs et m'abandonne à ses caresses. Avec Rémi c'était plus physique, plus rapide, plus technique... Alors autant profiter une fois encore... Tiens, pour sa dernière nuit ici, je vais commencer par lui faire une gâterie dont il se souviendra longtemps, Rémi m'appelait le roi de la pipe...C'est pas pour rien !
[...]
Je me réveille bien détendu ce matin. J'ai aimé quand il m'a si longuement caressé, sa bouche en feu succédant à ses mains si chaudes, même si c'est une torture que se faire conduire si près du but et de devoir renoncer pour un temps, ses doigts me bloquant juste avant le point de non retour, au bon moment, ou au plus mauvais, c'est selon ! Mais qu'elle jouissance lorsque le flot, finalement, se libère ! J'ai littéralement inondé la main qui s'activait sur mon sexe devenu aussi dur que le roc à force de sollicitations et de presque éjaculations! Ma patience a été bien récompensée : quelle explosion dans ma bite, jusque dans mon cul et dans ma tête ! D'ailleurs, ce matin je bande à sec tant je suis purgé.
Je tends la main vers la place où jean devrait être étendu mais ne trouve que l'empreinte froide laissée par son corps: il est déjà levé ? C'est vrai, il part ce matin... J'avais presque oublié. Je vais retrouver ma tranquillité et une certaine liberté. Je compte bien en profiter et m'éclater à fond. Trop bête que j'ai été de rester des mois sans baiser, j'ai du retard à rattraper ! Soudain, le rendez-vous avec la directrice me revient à l'esprit. Je m'étire, heureux de sortir enfin de la précarité. Dire que Rémi voulait que je devienne serveur comme lui, il me l'a proposé avec tant d'insistance entre deux missions d'intérim, que j'ai failli lui dire oui. Je réalise maintenant qu'il m'aurait eu alors totalement sous sa coupe. Comment ai-je pu le laisser avoir une telle emprise sur moi ? Me dominer au lit ne lui suffisait pas. Il voulait régenter toute ma vie. Il faudra que je lui annonce mon embauche en CDI, à défaut de regretter mon cul il regrettera mon salaire, c'est quand même moi qui payais le loyer, et pas celui d'un studio ! Allez, il faut que je me lève pour saluer Jean avant son départ quand même.
En arrivant en bas je constate que tout est déjà prêt, ses sacs sont regroupés près de l'entrée et lui-même tout habillé termine son petit déj.
-Ah ! Voilà le bel au bois dormant ! En t'attendant, je t'ai beurré des tartines et du café tout chaud t'attend. Je me désespérais tout seul, j'espère que tu as bien dormi...
- Bon, je suis là maintenant, oui j'ai très bien dormi. Tu m'as rincé.
- Je me languissais de toi et dire que je dois partir dans quelques minutes maintenant !
Son ton sonne comme un reproche. En passant à mes côtés, il n'a pas pu s'empêcher de me plaquer la main aux fesses et de m'attirer à lui pour un de ses câlins collants dont il a le secret. J'aurais dû passer un pyjama pour une fois, ça aurait peut-être calmé ses ardeurs ! Je n'aime pas mélanger la bouffe et le sexe et j'ai faim, moi. Avec Rémi, c'était clair au moins, après la baise, c'était chacun pour soi, Jean, lui, voudrait du fusionnel, c'est lourd à gérer cette demande d'exclusivité...
- Pour fêter ton embauche, je t'invite chez moi le week-end prochain, comme promis je te ferai visiter ma ville et après une semaine loin de toi, je me ferai un plaisir de te chouchouter. Dans mon appart, tu seras comme un coq en pâte. Je te préparerai des bons petits plats. Tu ne regretteras pas le déplacement je te promets.
- Je ne crois pas, le week-end prochain, j'ai une compétition avec le club.
- Ah, mais.... Je croyais que tu étais inscrit en formule loisir !
- Décidément, avec toi, tout ce qui je dirai pourra être retenu contre moi ! Formule loisir ou pas, c'est le même club et ça n'empêche pas de donner un coup de main, la compétition a lieu dans notre stade nautique cette fois et c'est un gros travail d'organisation. Oh et puis je n'ai pas de compte à te rendre après tout, lâche-moi un peu, papa !
- On ne va pas se quitter fâchés tout de même, allez, fiston à samedi prochain ! Embrasse-moi plutôt.
Ca y est, il est parti. Il est vraiment têtu ! De toute façon je me suis engagé de longue date avec les bénévoles du club pour la compet. ! Hors de question que je revienne sur la parole donnée. Je finis de me préparer, enfile mon plus beau costume pour le rendez-vous, coupe mon portable : pas question d'être dérangé pendant mon entretien d'embauche ! Est-ce que j'aurai droit à une voiture de fonction ? Faut peut-être pas rêver. Pourtant ma caisse est bien pourrie, plus assez fiable pour des longs trajets...
[...] Suite de la journée
Jean arrive à destination en fin de matinée. La route fut longue mais le temps a passé vite finalement en revivant sa nuit avec Pierre. Très vite, il doit prendre contact, s'atteler à la mission qui lui est confiée, voir comment faire avancer les choses. Très l"esprit occupé, concentré, mobilisé sur ses dossiers, Jean s'implique totalement. C'est donc assez logiquement que Pierre s'enfonce peu à peu au fond de sa mémoire : la vie privée passe au second plan, n'existe plus, seul s'impose le dossier présent.
Au même moment Pierre quitte le bureau de la directrice, sur un petit nuage, son contrat de travail fraîchement signé à la main. S'il est ravi de la hausse de salaire, il ne jouira pas d'un véhicule de fonction. Pas avant quelques années, il lui faudra encore faire ses preuves, donner d'autres gages de compétences et gagner en ancienneté avant d'espérer cet avantage en nature. Mais Pierre est heureux : il accède enfin au statut de cadre, ce pourquoi il a tant travaillé. Il rejoint son poste le coeur léger. Il n'a pas rallumé son téléphone, qui pourrait l'appeler à cette heure de toute façon ?
En fin de journée, Jean arrive à la réception du complexe hôtelier flambant neuf, combinant appartement et hôtel, où son employeur lui a réservé un deux pièces. Il ne remarque même pas le jeune homme qui lui tend les clés avec un sourire à décrocher la Lune. Il ne remarque pas comme ses doigts tardent à lâcher le badge. Il prend l'ascenseur, déverrouille sa porte, entre, lance un scan circulaire : c'est propre, bien équipé et pratique mais Jean ressent fortement la nostalgie de la petite maison de Pierre, beaucoup plus chaleureuse parce que c'est celle de Pierre justement. Il décide donc, avant même d'ouvrir ses bagages, de téléphoner à celui qu'il voit comme son compagnon, persuadé de la réciprocité des sentiments.
Jean compose le numéro, ou plutôt active l'appel via ses contacts, se réjouit à l'idée d'entendre le son de sa voix, la voix de son amant.
Il tombe à nouveau sur la messagerie, très vite, trop vite. Il comprend donc que le téléphone n'est pas allumé, se persuade malgré tout que le contact est possible et essaie à nouveau. Même scénario : la voix de Pierre prononce le même message d'accueil, froid, neutre et impersonnel.
Il se résigne à laisser un message : " Pierre, C'est jean. Je voulais entendre ta voix et prendre de tes nouvelles. Comment s'est passée la signature du contrat ? Rappelle-moi vite, j'ai tellement envie de t'entendre ! Tu me manques tant. "
Une longue attente commence pour Jean, il cherche où poser son Smartphone pour pouvoir décrocher sans délai quand Pierre l'appellera. Car il appellera, c'est certain. Il ose à peine déballer ses affaires : l'armoire dans la chambre d'à côté lui parait trop éloignée. Il se ravise donc et reprend l'appareil pour le glisser dans sa poche, ce qu'il ne fait jamais habituellement.
Une fois les sacs vidés, les vêtements rangés dans la penderie, Jean s'assied sur le lit. Il attend. Vérifie dix fois que l'appareil n'est pas en mode vibreur ou n'est pas déchargé.
Jean imagine la présence de Pierre à ses côtés, s'imagine l'enlacer, s'imagine l'embrasser avant de lui faire l'amour tendrement, passionnément, intensément. Leurs corps se touchent, les lèvres s'ouvrent, les mains s'activent, les sens s'emballent... Quand la réalité s'impose, Pierre lui manque encore plus cruellement. Jean rappelle, se heurte une nouvelle fois à la messagerie. L'appareil, pourtant innocent, est jeté à l'autre bout du lit, dans un geste rageur tant il est agacé de ne pas voir ses appels aboutir. Jean ne comprend pas. Il lui parait normal dans un couple de se téléphoner en cas d'éloignement !
Jean patiente encore, il en oublie l'heure, néglige son repas du soir. Pourtant ce midi, il s'est contenté d'un sandwich avalé sur le pouce, le regard rivé sur ses dossiers. Il oublie aussi les pages qu'il a emportées pour les lire ce soir. Il a faim, mais d'autre chose !
Ce soir Jean attendra en vain l'appel de Pierre. Pierre, qui est allé s'entrainer à la piscine, a laissé son mobile chez lui. Il ira ensuite manger une pizza avec les " officiels " et les bénévoles du club pour préparer la compétition à venir et passera une agréable soirée. Dans cette ambiance conviviale où règne la bonne humeur, Pierre entouré de ses copains nageurs ne verra pas le temps passer.
Kawiteau
Autres histoires de l'auteur : Jean | Charles et Julien