Tout a commencé sur une plate-forme de jeux en ligne.
Il était tard, mais avec le télétravail, je m’inquiétais moins d’en payer le prix le lendemain. Encouragé par plusieurs victoires successives de ma faction, j’ai relancé un combat… et je suis tombé sur les pires branleurs que la terre ait portés. Autant vous dire que la partie n’a pas duré, mais pour moi, elle s’est poursuivie bien après ça.
En effet, l’un des joueurs, probablement le seul valable dans mon camp, se fatiguait aussi de nos coéquipiers, et nous avons échangé des messages à plusieurs reprises, essentiellement sur le déroulement du jeu.
De fil en aiguille, nous avons commencé à parler de nous. Je lui ai dit que j’avais 25 ans, m’attendant à un gamin ou un quadra comme souvent sur ce jeu, mais ô surprise : 26 ans.
Nous parlons encore un peu, et je finis par apprendre qu’il s’appelle Rafaël, qu’il est jeune psy nouvellement à son compte et qu’il vit seul.
Le temps passe, et le moment où j’avais prévu d’aller me coucher est passé depuis longtemps, mais nous continuons à parler jusqu’à ce que lui et moi tombions de fatigue.
Au moment de nous séparer, après le traditionnel « je te friendlist » je lis, non sans étonnement l’emote « Raelan (son pseudo) vous embrasse ».
J’éteins tout, et une fois dans mon lit, avant de dormir, soit environ 5 secondes, je me repasse ce message en tête en me demandant si c’est du virtuel pour plaisanter ou quelque chose d’autre… À moins que ce ne soit simplement dû à la fatigue.
Le lendemain soir, je finis par me reconnecter, et dans les 30 secondes qui suivent, je reçois un message de sa part. Aussitôt, nous repartons dans une longue discussion, laissant nos personnages simplement côte à côte. Je finis par faire s’asseoir le mien, et peu de temps après je réalise qu’il a allongé le sien de façon à ce que sa tête semble reposer sur la cuisse du mien. Hasard ? Peu probable vu qu’il a dû viser pour le faire.
Je lui fais remarquer avec humour et il me répond :
– Quoi ? C’est plus confortable. Et puis je suis sûr que tu ne t’en plains pas.
– Je plaide coupable, répondis-je.
Nous nous sommes vus ainsi pendant plus d’une semaine, et plus le temps passait, plus il se faisait plaisir avec les emotes, caressant ma joue, effleurant ma main… L’avantage d’un jeu ouvert à ce niveau !
Au terme d’une semaine de dialogue, nous avons fini par passer sur un moyen de discussion plus fluide. Par simplicité, nous sommes allés sur Messenger et je n’ai pas pu résister à l’envie d’aller faire un tour sur son profil pour en apprendre plus sur lui. Et là, deux chocs. Le premier, c’est qu’il était incroyablement beau avec ses yeux noisette et sa tignasse noire, le tout mis en valeur par un sourire… Ah ce sourire… Le second choc : sur sa photo de couverture, on distinguait très clairement Fourvière éclairé de nuit, un signe emblématique de Lyon.
Je retourne sur messenger pour lui poser la question, mais un message m’y attend déjà :
– Oh un roux ^^ Attend… Tu es lyonnais ???!!!
– Mais oui ! Toi aussi ?!
– Depuis 6 ans oui ! Bah ça alors… Le monde est petit…
– Et comment…
– Là, on a plus le choix, il faut qu’on se voie pour discuter en vrai, c’est un signe !
J’étais ravi que ce soit lui qui le propose, mais inquiet de confronter tous nos moments pixelisés à la dure réalité. J’ai néanmoins accepté. Je pensais avoir du temps pour me faire à l’idée, mais il ne l’entendait visiblement pas comme ça.
– Pourquoi la semaine prochaine ? Demanda-t-il. Tu fais quelque chose demain soir ?
– J’ai une réunion, je risque de finir tard…
– Tant pis, je te retrouve devant ton boulot et on se pose dans un bar pour discuter.
-... Bon OK.
La journée du lendemain fut incroyablement longue. Je passais mon temps à regarder l’heure tout en ayant l’impression qu’elle prenait un malin plaisir à s’écouler lentement. La réunion de fin de journée aurait déjà été chiante en temps normal, mais là, j’étais devenu une vraie pile. J’avais des fourmis dans les jambes, et je n’avais qu’une envie, c’était de pouvoir sortir en sachant que Rafaël m’attendrait dehors.
La réunion enfin finie, je me suis empressé de partir, saluant rapidement mes collègues, et une fois dehors je le cherchais frénétiquement du regard. Et je le vis, appuyé nonchalamment contre le mur, à ma droite, qui me fixait avec un large sourire…
Renart
renartraner@gmail.com
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