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Saison 2 | Chapitre 7
Le lundi matin je reçois une note du Prof qui m’indique qu’il m’attend dans son bureau un peu avant 16H.
Les parents d’Oscar veulent me voir. Ça pue. Mais je m’en branle un peu, ils ont accepté l’intervention. Il est tiré d’affaire. Le reste ne compte pas.
Début d’aprèm. Je rentre dans l’ascenseur pour descendre à la salle, je suis sur mon tel.
Un bruit de béquilles me fait redresser la tête. C’est Hakim. Je pense qu’il doit aussi descendre. Il m’a vu évidemment. J’hésite une seconde à retenir ou non l’ascenseur. Les portes commencent à se fermer. Son regard se fait noir. Je les retiens au dernier moment.
- J’ai cru que t’allais me laisser en plan comme un con.
De nouveau sur mon téléphone je ne réponds pas.
- Putain Mika, je sais que je t’ai fait du mal et que tu m’en veux, mais arrête de m’ignorer sérieux… s’il te plait… tu t’en fous sûrement, mais j’ai besoin de te voir… j’en peux plus… faut qu’on se parle… que…
Dieu merci les portes s’ouvrent. Je sors, au risque de le laisser vraiment en plan comme un con.
Comme attendu je me rends dans le bureau de Perez avant 16H. Il est au téléphone, il me fait signe d’entrer. Il raccroche rapidement.
- Mickaël, tu étais obligé de leur parler comme ça ??
- Arrêtez de jouer les hypocrites, vous saviez très bien à quoi vous attendre en me demandant de venir !
- Certes ! Mais je ne pensais pas que tu irais aussi loin !!
- Ils étaient en train de le laisser mourir !!
Il se tait quelques secondes. Il doit savoir que j’ai raison. Seul le résultat compte.
- On y va.
- Où ça ?
- Ils veulent te voir dans la chambre d’Oscar.
Pour le coup, j’arrive pas à capter ce qu’ils veulent.
On se rend donc à la chambre du gosse.
Sans un mot. Parvenus devant la porte fermée il me lance simplement :
- Tu as plutôt intérêt à te tenir à carreau.
Même si perso je risque pas grand-chose vu que je serai bientôt plus là, je ne veux pas que le Prof ait des emmerdes à cause de moi. Il frappe et entre. Les parents encadrent un Oscar qui a plutôt bonne mine étant donné la lourdeur de son intervention. Ils se rapprochent de nous.
- Je tiens à m’excuser pour mon comportement de vendredi soir. Jamais je n’aurais dû vous parler de cette manière ni aller parler à votre fils.
Ils se regardent. Puis, soudainement, la mère se jette sur moi et me prend dans ses bras.
- Mille mercis !! Merci de nous avoir ouvert les yeux !! Nous avons failli commettre… merci…
Elle s’est remise à chialer. Elle doit vraiment être relou à ne pas se contenir comme ça. Elle me lâche enfin, et son mari s’approche pour me serrer la main. Il ne dit rien, mais son regard embué et plein de reconnaissance suffit à me mettre mal à l’aise.
- Nous aurions encore une faveur à vous demander. Enfin, Oscar a quelque chose à vous demander…
Je les regarde tour à tour. Je m’approche du lit du petit, il me tend direct son poing que je check avec un sourire.
- Comment ça va mon grand ?
- Ça va… c’est bizarre un peu…
- Je sais mais t’inquiète pas, c’était la bonne solution.
- Ça va pas être aussi cool que tu l’as dit hein ?
J’avais bien compris qu’il avait saisi les enjeux, mais j’avoue que sa question me prend malgré tout de court.
- Ça dépend que de toi ça Oscar. De comment tu vas choisir de voir les choses, tu as le choix de décider de ce que tu vas en faire… Tu comprends ?
Il réfléchit quelques secondes.
- Ouais je crois.
Je lui souris. Si je ne prenais pas sur moi je crois que je pourrais chialer devant ce gamin.
- Tu avais quelque chose à me demander ?
- Oui… euh… en fait vu qu’on est pareil et que je vais avoir besoin d’un kiné… bah je me disais que ce serait cool que tu m’aides à remarcher…
C’est une blague cette histoire ! Je lance un regard à Perez, un peu pris au dépourvu. Si je ne le connaissais pas aussi bien et si ce n’était pas aussi ouf, je penserais qu’il a organisé ce traquenard.
- Écoute je suis désolé, mais je quitte l’hôpital dans 3 semaines… Ce n’est donc pas possible… Je suis vraiment désolé Oscar… sincèrement…
Je lutte comme un dingue contre la putain de boule qui me démonte la gorge. Sérieux pourquoi maintenant ?! Il semble vraiment déçu, il ne répond rien. Encore un avec lequel je ne suis pas à la hauteur. Ses parents prennent le relai.
- Très bien… Nous comprenons. C’est juste qu’il aurait aimé travailler avec vous.
Je ne trouve rien à répondre à part que je suis encore désolé et je prends congé en les informant qu’un patient m’attend. Le Professeur leur demande une seconde et me suit dans le couloir en refermant la porte.
- Mickaël… si jamais t’attendais un signe ou je ne sais quoi… je pense que tu l’as trouvé…
Je baisse les yeux. Non. Aucun signe à attendre.
- S’il te plait, repense à ce qui vient de se passer…
Et je me casse en ne pouvant plus retenir mes larmes.
Presque 2 mois ont passé depuis ma rupture avec Hakim. J’attaque mon avant-dernière semaine au CHU. J’ai été pris dans le cabinet privé. J’aimerais pouvoir dire que ma vie a repris son cours. Mais j’en suis toujours à éviter de passer devant sa chambre quand je le peux, toujours à l’ignorer quand il tente un sourire ou un « bonjour », et mes entretiens fréquents avec Armand au sujet de sa rééducation qui n’avance pas ne m’aident pas. Je suis allé voir Oscar tous les jours de la semaine dernière. Il a beaucoup de questions, j’essaie d’y répondre du mieux que je peux, sans lui mentir, mais sans trop lui faire peur. Je l’aime vraiment bien ce gosse.
Aujourd’hui je fais le point avec le prof sur mes dossiers de moins en moins nombreux. On les survole, pas de grosses difficultés. Juste un patient de 18 ans avec une jambe en partie paralysée suite à une chute en moto. Je lui demande quelques conseils de peur de trop le pousser, mais tout est bon pour lui. Je vais pour reprendre mes dossiers et m’en aller, mais il me retient.
- Mickaël, j’aimerais qu’on parle d’autre chose.
Je vois un peu le coup venir.
- Si on gardait ça pour vendredi pro ?
- J’ai reçu de nombreux candidats pour te remplacer.
- Et vous voulez que je vous aide à trancher ?
- Mickaël…
Je me rassois.
- Tu peux encore revenir en arrière, tu sais… avec tes résultats, je pourrais très facilement faire annuler ta démission.
- Je sais bien que je me suis rendu indispensable à votre service !! Mais… je suis désolé… ça fait trop longtemps que je laisse des trucs en suspend. J’ai besoin d’aller au bout de quelque chose là…
- En ne terminant rien ?
Je bloque un peu.
- Tu n’es pas sans savoir qu’il ne progresse toujours pas. La psy ne donne pas de résultats. Ça ne te fait rien ? Ça ne te fait rien non plus, toi qui cherches des choses au bout desquelles aller, d’en laisser autant d’inachevées ici ?
Je prends un violent coup de chaud. Il ne peut pas le manquer.
- Je sais que la situation est compliquée Mickaël. Mais il pourrait presque remarcher et être dehors à l’heure qu’il est. Et je refuse de croire que tu es à l’aise de partir sur un tel échec.
- Professeur je suis désolé, mais ma réponse est toujours la même… et puis il est trop tard de toute façon.
Bien sûr que ça me rend ouf de partir comme ça, et de savoir qu’il fout tout en l’air encore une fois. Mais c’est trop tard, je peux plus reculer.
- Et si on repoussait ton départ ? Le temps que tu puisses terminer sa rééducation ? Ça te permettrait de partir d’ici plus libre, qu’en dis-tu ?
- C’est impossible, je suis attendu dès que possible au cabinet.
- Et Oscar ? Ose me dire que ça ne te fait rien de ne pas le prendre en charge ?
- Ne vous servez pas de lui… ce n’est pas digne de vous…
Il me regarde par-dessus ses lunettes.
- Tu sais que tu vas le regretter ?
Il soupire, il semble vraiment triste.
- Bien sûr que tu le sais… Jusqu’à présent, tu as dû faire face à des évènements sur lesquels tu n’avais pas de contrôle. Mais là tu es responsable j’espère que tu en as conscience. Mickaël, tu sais que je t’apprécie beaucoup, tu es vraiment un garçon bien, mais (…)
- Vous n’en savez rien…
- Il y a des choses qui ne trompent pas. Et si tu me permets de terminer, laisse-moi te dire que tu fonces dans le mur. Et j’espère qu’il ne te sera pas trop difficile d’assumer que tu t’es toi-même tiré une balle dans le pied.
- Une balle dans le pied ?!? Elle est très bonne celle-là !! Je vais la garder si vous voulez bien !!
- Tu sais que tes petites blagues ne suffisent plus…
Bon il semble résolument avoir perdu la totalité de son second degré. Je me lève, j’ai encore du taf.
- N’imaginez pas que je me rends pas compte de ce que vous essayez de faire… ni que je sois trop stupide pour savoir…
Et je sors sans être capable de terminer ma phrase.
Bien sûr que je sais ce que je laisse ici. C’est bien le principe d’une amputation nan ?
Devoir se séparer d’une partie de soi dont on a besoin, qui va nous manquer cruellement, dont l’absence va nous dévaster, mais c’est vital pour être en mesure de continuer à vivre…
Mickaël
one.mik.kal@gmail.com
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