L’an dernier, j’avais 52 ans, un âge où l’on vit tranquille, sans souci de plaire. Marié, avec deux enfants adultes faisant leur vie, assuré dans mon métier. La profession exercée en lien avec un grand groupe national me vaut de quitter la province quelquefois l’an. En soirée, les repas amicaux avec les collègues se terminaient suffisamment tard pour que je ne rêve plus qu’à rejoindre mon hôtel. Encore que ! Il m’est arrivé plus d’une fois de faire un détour par un sauna. Pas de conquêtes, juste des caresses et une éjaculation qui vient trop vite. Suis-je homo, bi, ou simplement avide de sexe ? Car ce n’est pas le luxe avec ma femme, aimable, mais hors de toute initiative. La première fellation après des années de mariage.
Donc au printemps de l’an dernier, je me retrouve pour 2 jours à Paris. Après une journée de débats oiseux, je n’ai pas envie de prolonger longuement dans un resto de Montparnasse. J’irai croquer seul dans une brasserie du quartier et on verra.
Les tables sont toutes occupées. Le garçon me demande si je veux me contenter d’une place où mange déjà un homme seul. Un homme mûr en costard cravate : j’apprendrai qu’il a 4 ans de moins que moi, marié, sans enfants, en déplacements occasionnels sur Paris. Sa boîte lui a trouvé un 4 étoiles tout proche. On fera table commune si on peut dire. Pas de raison de rester sur son quant-à-soi. La conversation s’engage, agréable, naturelle. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est un beau gars, beau brun, beaux yeux, belles mains. Comme il sort de conférence, il porte encore son complet cravate. Il doit peut-être avoir 5 cm de plus que moi, mais ce sont des questions qu’on ne pose pas. On est simplement content de partager la même table, dans une atmosphère somme toute assez bruyante.
On échange sur nos boulots, l’architecture pour l’un, les assurances pour l’autre. Mais on a aussi des passions : passionné de jazz, il fréquente dans la mesure du possible les boîtes spécialisées. Et moi j’ai passé plusieurs soirées avec des potes au théâtre. J’ai vu « Tout est bon dans le Macron ». On parle aussi famille du bout des lèvres, sans allusion aux lèvres de nos femmes. La mienne travaille dans le social, la sienne est dans la com. Très occupée. Ils n’ont pas voulu d’enfants. Leur mec assure donc la stabilité, mais pas leurs passions.
Décidément on ne s’entend plus pour suivre une conversation. On décide d’aller boire un pot dans un bar proche de son hôtel. Mais c’est stupidement fermé. Il me dit qu’il y a tout ce qu’on peut souhaiter dans sa chambre d’hôtel. Il a le sésame qui fait que je n’ai pas le souci de passer devant le veilleur de nuit. On monte. Il ouvre. Il me dit « Je passe devant, suis-moi ». On continuera ainsi, naturellement comme deux vieux copains. Sa chambre, ouah, mieux que dans mon hôtel, avec un frigidaire super équipé, un sofa pour moi, le fauteuil pour lui.
Jean-Marc – c’est son nom, et moi Alain – me dit qu’il veut d’abord se débarrasser de son costard. Je l’entends qui dégrafe son pantalon, le fais glisser, et renfile du plus léger. Je ne vois pas, car il est de côté, et je ne veux pas zieuter pendant qu’il se change. Il ôte aussi la chemise et se passe un teeshirt tout en venant vers moi. Et là, je tombe, il porte un short blanc, très ajusté, et en rabattant son teeshirt je vois juste la peau de son ventre, légèrement grisé de poils. Et il me dit « Je prends un whisky, et toi ? Il y a aussi de la bière ». Je prendrai comme lui. Deux verres, un peu de glace, le whisky sur le guéridon.
On trinque avec un bon choc des verres, les yeux dans les yeux. Qu’est-ce qui m’électrise ? Ou plutôt me foudroie. Je sens une onde qui me traverse les tempes, en passant par les épaules, et qui atteint mon bas-ventre. Mon trouble est perceptible. Il l’a saisi. J’ai l’impression que lui aussi est atteint par une émotion inattendue. Il y a comme un instant suspendu, dans un vrai malaise. Jean-Marc se ressaisit, ou plutôt donne le change en se levant : « Je crois qu’il y a des pistaches et des bretzels ».
Quand il revient, il s’assoit sur la 2e place du sofa, à côté de moi. Why notz ? Il y a la place. Avec désinvolture, il me temps la coupelle d’amuse-gueule. Merci. Mais alors pourquoi ai-je fait cela : je prends un bretzel et le lui mets dans la bouche. Il a l’air amusé. Il ajoute : « Ma femme me faisait ça parfois. C’était comme un prélude érotique ». L’ai-je voulu moi aussi ? Je suis désemparé. Il flotte comme une lourde incertitude. Sa cuisse droite parsemée de poils clairs, comme autant de récepteurs à la caresse possible, est vraiment trop proche de moi. Je n’ose pas dire « Tes cuisses me fascinent ». Je risque une phrase stupide : « Tu as des jambes musclées, tu fais du sport ? ». Et le salaud me répond : « J’aime la petite reine. Je fais de la pédale à mes heures ». Je suffoque.
Qui fera le premier geste ? Je n’ai écrit mon récit que pour le savoir. Faudrait-il un 2e chapitre ? Pas sûr, car le reste de la nuit, c’est comme tant d’autres l’ont écrit sur ce site. Mon histoire soft valait-elle la peine d’être racontée ?
Alanus
cori745@yahoo.fr
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