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Malaise
L'alcool ne me permet pas d'analyser la situation. Je ne cache même pas mes parties intimes, comme s'il était normal que je m'exhibe ainsi devant lui. Certes, il en avait vu d'autres. Mais une telle excuse n'a aucun sens dans ce type de situations. J'aurais du me sentir mal à l'aise, mais rien. Je suis sacrément amoché pour en arriver là.
"Je... Comment dire... Je venais voir si tout allait bien...
- C'est gentil, mais comment as-tu su que j'étais ici ?!
- A vrai dire, je n'en savais rien, j'ai simplement entendu un bruit fracassant venant du sol, j'en ai déduit qu'il était arrivé quelque chose dans la chambre du dessous. Je n'imaginais pas une seule seconde que tu étais là.
- Oh, je suis désolé de t'avoir dérangé, Thimothée...
- Il n'y a pas de soucis, honnêtement j'ai surtout eu peur. Et puis... je t'avais dit qu'on se verrait ce soir..." lâche-t-il avec un regard carnassier qui me ferait presque envie. Une envie qui a tendance à tendre mon entrejambe que je décide enfin de dissimiler sous un boxer.
Il ne bouge pas d'un centimètre, attendant probablement que je l'invite à rentrer. Évidemment, Clément arrive, me saisit par la taille, l'envie sans doute de poursuivre nos échanges, sexuels comme affectueux. C'est en sentant sa main parcourir mon torse que je remarque d'ailleurs sa tendresse, après avoir été torride. Ce Clément me plaît décidément de plus en plus.
En déposant des baisers sur mon cou, il se décide enfin à regarder, alors qu'il l'avait remarqué depuis déjà de longues secondes, notre invité et lance :
"On a fait trop de bruits, peut-être ? Désolé mec...
- Ah, euh... non... c'est juste que..., tente désespérément Thimothée, ravalant son regard envieux, son sourire et surtout son aplomb.
- Je pense que le son de ta tête sur le plafond a été entendu par notre voisin, vois-tu.
- Oh, c'est déjà passé, dit Clément en se frottant la bosse malgré tout bien présente.
- J'ai juste été surpris par la violence du coup. Sans doute par vieux réflexe, j'ai voulu vérifier que personne n'était blessé... souligne Thimothée qui semble avoir repris ses esprits.
- C'est cool, j'aurais fait la même chose ! L'armée laisse des traces. Je me réjouis de voir que nos clients sont aussi attentionnés !"
La phrase de Clément laisse Thimothée perplexe. Sans doute que "nos clients" ne lui paraît pas clair, s'il n'a pas reconnu le serveur (et propriétaire, donc) de l'hôtel. Clément aussi est attentionné. Je suis très surpris qu'il soit venu contre moi pour parler à Thimothée, laissant ses mains sur mon bassin, posant sa tête sur mon épaule. Après l'hôtelier puis le jeune homme fougueux, je découvre l'amant presque romantique, ses doigts faisant sur ma peau de petits cercles adorables.
"Écoutez, puisque tout va bien, je vais retourner dans ma chambre. Au plaisir de se recroiser Julien, et merci... ? ..., reprend Thimothée en cherchant en vain le nom de Clément.
- Clément ! Je suis Clément ! pouffe-t-il. Mais rien ne t'empêche de rester, après tout. Si tu es réveillé à cette heure et que ce n'est pas notre faute, autant ne pas rester seul.
- Je ne suis pas très attiré par les plans à trois, désolé... se défausse Thimothée. Je manque de m'étrangler à l'idée d'un tel plan. Je n'avais déjà pas prévu de coucher avec Clément, ce n'est pas cette nuit que j'allais connaître mes premiers ébats à trois.
- Qui a parlé de plan ? Partager un bout de lit avec nous pour discuter, peut-être un verre - je fronce les sourcils à ce moment-là -. Oublie le verre, Julien n'a pas l'air emballé par l'idée, souligne-t-il en continuant à m'embrasser sur la joue.
- Dans ce cas, j'accepte. Les nuits sont longues, dans une chambre vide".
Finalement, tout se sera décidé sans moi. Je ne suis pas mal à l'aise, aussi surprenant que cela puisse paraître. Même plutôt satisfait que cette nuit continue, sans que Clément et moi n'ayons à parler et verbaliser sur toute cette soirée. Je profite de leurs premiers échanges pour aller à la salle de bains, prenant soin de récupérer avant mon téléphone.
Le sport intensif dont j'ai profité avec Clément m'a permis d'évacuer l'éthanol de mon esprit, tout autant que les verres d'eau que je ne cesse de boire depuis tout à l'heure. Je retrouve donc une meilleure vue et prends le temps de détailler les différentes notifications. Outre les différentes informations quotidiennes, je remarque un appel manqué de la procureure à 21 heures, ainsi qu'un message vocal. Je m'empresse de l'écouter, voilà bien longtemps qu'elle ne m'avait pas téléphoné.
Sa voix est rassurante, rien de grave. Elle souhaiterait simplement me voir demain matin pour échanger sur une affaire interne. Suit un message Grindr, qui date désormais d'hier. Évidemment, c'était Thimothée.
"Salut Ju". Il n'est pas cinq heures, c'est vrai. J'ai dormi cet après-midi. Erreur de débutant. Au cas où tu serais dispo, n'hésite pas. (PS : Non, tu n'es pas un bouche-trou !).
Sa dernière phrase m'amuse, je le reconnais. Je trouve dans ce message surtout de l'empressement. Sans doute lié à l'allusion qu'il a faite sur son passé. Je me réjouis d'autant plus de sa présence ce soir avec nous. Enfin, des dizaines de SMS. De Samuel. Je laisse mon téléphone dans la salle de bain.
En sortant, la vue dont je jouis est superbe. D'un côté, Clément, en pantalon, allongé sur le lit dans la largeur, les jambes dans le vide ; en train d'écouter Thimothée parler de l'hôtel (ce n'aurait pas dû être l'inverse ?), assis dans le fauteuil en face. Thimothée a encore ses vêtements lui, à savoir une chemise en jean et un chino beige. Lorsque je m'approche, Clément abandonne la conversation, et accroche mes jambes pour me faire tomber sur le lit. Malgré moi, je finis blotti contre lui. Malgré moi, mais avec plaisir.
Thimothée sourit face à une scène presque dégoulinante, alors que j'aurais sans doute été gêné à sa place. Je prends donc la parole :
"Maintenant que vous avez fait le tour de l'hôtel, de ce que j'ai pu entendre, j'ai bien envie d'en savoir plus sur mon voisin du dessus ! ricanai-je. D'ailleurs, Thimothée, même si c'est Clément qui t'a invité, sache que j'ai lu ton message et c'est finalement un plaisir de t'avoir parmi nous.
- Un message ? Quel message ? On me dit rien à moi, boude Clément, qui me montre une nouvelle facette de sa personnalité.
- J'ai écrit à Julien hier sur Grindr - d'un geste, je montre à Clément les messages de Thimothée -, trouvant suspect qu'un individu soit aussi proche de moi.
- Perso, je n'utilise pas d'applis, savoir qui est gay dans mon hôtel, je trouverais ça malsain. Surtout, je n'ai pas pour habitude de me rapprocher des clients. Enfin, d'habitude, termine-t-il avec un clin d'oeil, avant de poser sa tête sur mes genoux, tandis que je m'étais assis.
- Nous non plus, si je peux t'inclure dans ma réponse Thimothée. D'ailleurs, mon profil est vide.
- Tu peux, me coupe l'intéressé. Bon, on est trois gays, on peut parler sereinement, j'ai compris ce qu'il se passait entre vous, mais... ce n'est que le premier soir que je vous entends, se met-il à rire.
- Parce que ce n'est que le premier soir que Monsieur me rejoint, dis-je malicieusement en caressant les cheveux de Clément. Je deviens terriblement niais et... j'aime ça.
- Mais pas le dernier, promis ! éclate Clément.
- Vous êtes vraiment hors du commun tous les deux, lance sérieusement Thimothée. Vous vous connaissez depuis quelques heures et vous êtes déjà si proches. Pour être honnête, j'ai été curieux après tout, avec mon ex on n'a jamais été aussi tendres en un an de relation.
- Qui s'est terminée à cause de Grindr donc ? Si j'ai bien lu le message tout à l'heure, n'hésite pas à interroger Clément.
- Exactement, il l'installait pendant mes déplacements, les premiers mois. Puis il l'a gardée sans me le dire. Pour me tromper pendant mes absences, parfois même quand j'étais à la maison. Un sale type...
- Désolés" Clément et moi lançons, penauds.
Voyant l'air déconfit de notre nouvel ami, je lui sers, malgré ma désapprobation de tout à l'heure, un verre de vin blanc que j'affectionne particulièrement. Trinquant à cette nuit si particulière, j'entends mon portable sonner depuis la salle de bains. C'est mon réveil. Il est 5 heures 30. Nuit blanche. La journée va être plus compliquée que prévue.
Je ne regrette pourtant rien, mes deux invités, complètement impromptus, ont réchauffé mon âme qui était bien mal en point. Du moins, j'étais déçu et en colère. Même si j'en veux encore à Samuel, la petite flamme qu'il avait soufflée malgré lui en moi s'est légèrement rallumée. La gentillesse de Clément hier soir, à mon écoute ; la tension sexuelle qui s'est installée entre nous et surtout la proximité si rapide que nous avons ont changé la donne.
"5 heures 30, vous vous rendez compte...
- Tu vois, on devait se caler une rencontre ce matin, rigole Thimothée. Je ne pensais pas que je serais là avec ton amant.
- C'est vrai ça, je suis ton amant maintenant, s'amuse Clément en se roulant dans les draps. Un vrai gamin. J'adore.
- Ah bon, t'es pas le coup d'un soir dû à l'alcool ? m'interrogeai-je faussement.
- Il ferait ça, ton coup d'un soir ?"
Tout en gardant les draps enroulés autour de lui, il me saisit de ses deux mains, me rapproche de lui et presse ses doigts sur ma mâchoire. Ses lèvres viennent doucement se poser sur les miennes et, très vite, sa langue me force à ouvrir la barrière pour filer directement retrouver la mienne. Il n'est pas sexuel, il ne cherche pas à m'exciter. Ce baiser ressemble plus à une preuve pour me rassurer qu'à un énième assaut sauvage.
Thimothée, faussement choqué, se racle la gorge et rigole. Nous nous décollons et sourions gênés.
"Cette fois-ci, et ça n'a rien à voir avec ce roulage de pelle dégoûtant, je vais retrouver mes draps. Essayer non pas de jouer à la princesse comme toi, mais de dormir pour éviter de devenir un vampire".
A ces mots, il vient nous faire la bise, et nous abandonne.
"Moi aussi je vais devoir aller bosser Julien, le petit-déjeuner devra bientôt être servi.
- Tu vas tenir le coup ?
- Non. Et toi ? éclate-t-il de rire.
- Honnêtement ma journée est plutôt calme".
Devait être plutôt calme. A peine le temps de laisser Clément partir que mon portable vibre encore. Un appel. Cette fois-ci, je vais devoir lui répondre.
JulienW
Autres histoires de l'auteur : Suprême Mathieu - SM _ Hommes de Loi