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LES ADIEUX
" Guillaume, puis-je inviter les copains ici? Je sais que la situation ne s'y prête pas très bien, mais je crois qu'il le faut. Cela me faciliterait les choses. "
" Je suis l'invité ici, c'est ta maison, tu fais ce que tu veux et je sais que ce sera pour le mieux. "
" Je leur téléphone immédiatement. "
Ils arrivèrent un à un et nous nous sommes installés dans le living. Je leur présentai Guillaume et Ken et commençai à relater les événements tragiques des derniers jours.
" Je préfère vous donner la version originale plutôt que celle présentée par les journalistes. "
J'étouffai un sanglot au début du récit, mais je réussis tout de même à passer au travers sans fléchir. Ensuite, nous avons échangé sur nos Fêtes respectives. Will et Rich nous annoncèrent leur départ en appartement, ils ont loué un petit meublé et ils ont hâte d'y aménager.
" Avez-vous tout ce qu'il vous faut? " Leur demandai-je.
" Tous les meubles sont inclus, nous devons acheter le reste, pourquoi? "
Je leur annonçai alors mon départ pour l'Angleterre.
" Tu nous quittes? " Demande Rich.
" Je m'en doutais. " Ajouta Jacques.
" J'ai pesé toutes les options et je crois faire le meilleur des choix. Vous allez tous me manquer beaucoup. Will et Andy, si vous voulez la vaisselle et la literie, elles sont à vous. "
" Tu plaisantes. "S'étonna Andy.
" Non, je ne peux tout apporter à Londres, la maison doit être vendue meublée, mais le reste doit être enlevé aujourd'hui, demain au plus tard. Rich, veux-tu mon ordinateur? "
" Tu parles, merci Éric. "
" Yan, Carl et Sean, est-ce qu'il y a quelque chose qui vous intéresse? "
Ils entreprirent le tour de la maison à la recherche d'objets de convoitise, mais aucun n'osait demander quoi que ce soit.
" Yan, tu aimes la musique, veux-tu la chaîne stéréo? "
" Tu plaisantes, bien sûr, mais... "
" Prend-le. Carl, le système de cinéma-maison peut-il te plaire? "
" Ne niaise pas. "
" Non, Sean, veux-tu mes appareils de musculation? "
" Ce n'est même pas une question. C'est sûr que je les prends. "
" Jacques, je ne t'ai pas oublié, toutes mes bandes dessinées sont à toi et toutes autres choses qui pourraient te faire plaisir. "
" Je crois que tu nous connais bien, merci beaucoup. Je penserai à toi chaque fois que je les lirai et de toute façon, n'avons nous pas un ami commun? "
" Va dans ma chambre et fouille au cas. "
Je vais dans la chambre de Guillaume et de Ken les informer que tout serait prêt pour demain soir.
" Tu es un homme de coeur et d'honneur. Tu as l'amitié fidèle et je suis fier de toi, Éric. " Dit Guillaume.
" À laisser son passé derrière soi, aussi bien que ce soit à des gens que j'affectionne. "
Durant tout l'après-midi et la soirée, un va-et-vient continuel s'établit, Jacques vint me voir avec beaucoup d'émotion dans la voix et me demanda s'il pouvait avoir mon slip de bain.
" Je ne peux pas te refuser cela évidemment. "
" Ce n'est pas pour le porter, mais pour le garder en souvenir, je vais m'ennuyer. " Dit-il les larmes aux yeux.
" Je sais, nous venons juste de vivre d'intenses moments ensemble et je te laisse en plan. La vie force souvent les gens à agir et réagir rapidement. Nous devons régulièrement réajuster nos plans de vie. Nous sommes à la croisée de nos chemins respectifs et il est temps de cheminer chacun de notre côté. Un jour peut-être, nos chemins se recroiseront-ils, qui sait? "
Il se jeta dans mes bras et m'étreignit avec force. Nous nous sommes quittés excessivement troublés. Je le regardais s'éloigner, il ne se retournait pas, mais je le voyais s'essuyer les yeux, il pleurait. Pauvre Jacques, j'espérais qu'il ait la force d'affronter sa nouvelle vie avec l'aide de Will et Andy.
Ken et Guillaume m'aidèrent à terminer mes valises en silence, j'étais ému, troublé et mélancolique. Je terminais un chapitre de ma vie et je savais ne pouvoir y revenir. Je ne pourrai plus retrouver Sonia et ma mère, toute cette connivence qui était la nôtre, nous n'avions pas à nous parler pour connaître nos sentiments, nous nous connaissions comme si nous étions des jumeaux.
Guillaume s'approcha de moi et posa une main affectueuse sur mon épaule.
" Je comprends ton désarroi, il est tout naturel, donne une chance au temps d'apaiser ta peine. "
" Merci, c'est très réconfortant de vous avoir près de moi, je suis conscient de ma chance et il me faut admettre la fin d'une vie et le début d'une autre. Ce n'est que le temps qui peut cicatriser mes plaies. "
En sortant de ma chambre, Ken posa un baiser affectueux sur ma joue et il se retira nous laissant à notre intimité. Nous avons bavardé quelques moments puis Guillaume rejoignit son amant.
Ma nuit fut agitée et très peu reposante, je n'arrivais pas à avoir un sommeil profond. Au petit matin, je me suis levé et ai retrouvé Ken et Guillaume à la cuisine pour un café.
" Mal dormi? " Demanda Ken.
" Oui, cela paraît beaucoup? "
" Une bonne douche et tu devrais retrouver un peu de vigueur. " Ajouta Guillaume.
" D'abord un café. "
" Si nous allions au resto pour le déjeuner? " Avança Ken.
" Bonne idée, je me douche et on y va. "
Je retournai à ma chambre, enfilai rapidement dans la douche et m'habillai en quelques minutes.
" À quelle heure le vol? " Demandai-je.
" Le départ est prévu pour seize heures, il faut être à l'aéroport trois heures à l'avance. On a juste le temps. " Répondit Ken.
" As-tu un passeport? " Demanda Guillaume.
" Oui, maman avait prévu un voyage pour l'automne et nous nous étions préparés à quitter le pays, la destination n'étant pas arrêtée. La situation présente m'amène à penser qu'elle voulait nous amener en Angleterre. "
" Tu as raison, elle m'en avait parlé et nous vous attendions avec impatience. Bon, nous avons le temps d'aller déjeuner et de revenir prendre les bagages. " Dit Guillaume.
" Pourquoi ne pas tout préparer maintenant? Nous irons directement à l'aéroport après avoir mangé. " Ajouta Ken.
" Toujours ce côté pratique, hein! Ken? " Répliqua Guillaume.
" Ça me va très bien, je suis prêt de toute façon. " Complétai-je.
" Ne préférerais-tu pas revenir une dernière fois avant de partir? " Me demanda Guillaume.
" Excuse-moi Éric, je n'y avais pas pensé. " S'excusa Ken.
" Non Guillaume, la page est tournée, je te l'ai dit, je suis prêt. " Ai-je conclu.
Nous avons préparé la voiture et j'ai verrouillé la maison pour la dernière fois. Comme Jacques la veille, je suis parti sans me retourner. J'étais plein d'émotion, j'avais le coeur gros, dire le contraire serait mentir. Tout le long du trajet, respectant mon silence, aucun mot n'a été échangé. Au restaurant, nous avons mangé tout de même avec appétit. L'heure du départ final était arrivée.
Rodrigue