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Nabil -9
Quand il sort de la douche, je l'attends avec une serviette. Je l'enveloppe dedans. Il se laisse faire. Je ne sais pas si c'est parce qu'il est trop fatigué ou parce qu'il en a simplement envie. Peut être un peu des deux. Quoi qu'il en soit, je l'essuie tendrement. Je lui tends un caleçon. Il l'enfile.
- Viens te coucher.
Il me suit jusqu'au lit où il se laisse tomber. Je récupère mon oreiller et la couette toujours sur le canapé et l'installe confortablement.
Je retire mon gilet qui est mouillé par endroit. Il montre du doigt mon bras couvert d'ecchymoses.
- Qu'est ce que t'as fait?
Je regarde mon bras.
- Je crois que c'est toi Nabil. C'est rien.
Des larmes commencent à remplir ses yeux.
- Putain j't'ai fait ça...
- C'est rien Nabil. T'as pas fait exprès. Je pense que c'est quand tu m'as retenu par le bras. T'as serré un peu fort. Mais ça va aller t'inquiètes pas, c'est rien.
Il caresse mon bras, l'embrasse et ne cesse de me répéter qu'il est désolé.
- Dors. Ça va te faire du bien.
Il s'allonge.
- Tu seras là...
- Oui. Je serai là.
Je l'embrasse. Ses yeux se ferment.
C'est la première fois qu'il me semble fragile, vulnérable presque. Je comprends que je serais alors capable de tout, pour qu'on ne lui fasse aucun mal.
J'attends quelques minutes, le temps qu'il dorme profondément, et je vais à la cuisine, histoire de savoir si des décisions ont été prises.
Je m'appuie contre la porte. Tout le monde se tait.
Sa mère me demande où il est.
- Il s'est endormi.
Elle a l'air elle aussi éreintée.
- On aimerait vous parler. À tous les deux.
- Je viens de vous dire qu'il dormait!
- Maxcence!!
Je viens de faire honte à ma mère.
- Excusez-moi.
La mère de Nabil ne semble pas relever.
C'est mon père qui insiste cette fois pour que j'aille le chercher. Je m'exécute.
Kader me suit dans le couloir.
- Oui?
- Rien je viens avec toi.
Je m'arrête. Je lui fais face.
- Je pense être capable de trouver le chemin tout seul.
Je vois qu'il fait de réels efforts pour garder son calme.
- Je suis son frère.
- Ah oui! et j'ai vu comment tu traites ton petit frère. Tu veux peut être le réveiller avec une claque dans la gueule?
J'ai pris un ton volontairement courtois et hypocrite, juste pour voir s'il peut craquer. Il n'en fait rien. Au contraire, il fait demi-tour.
- Nabil. Réveilles-toi.
Il ne réagit pas. Je saisis son épaule et la secoue doucement. Il émerge un peu.
- Nabil réveilles toi. Ils veulent nous voir.
- J'm'en fous.
- Nabil s'il te plait. Lèves toi!
Avec une extrême lenteur, il s'étire et s'assoit.
Je vais dans la salle de bain lui chercher des fringues.
Bien qu'il ne dorme que depuis quelques minutes seulement, il donne l'impression d'avoir dormi des heures.
- Qu'est ce qu'ils veulent?
- Je sais pas. Allez dépêches toi un peu.
- Ça va...
Une fois habillé, il va à la salle de bain se passer un peu d'eau sur le visage. On frappe à la porte. C'est Kader, qui entre sans même que je l'y invites. Il s'attend manifestement à se faire insulté et se hâte de prendre les devants.
- Tes parents m'ont envoyé.
Je lui fais un signe de tête entendu. Il fait quelques pas dans ma chambre, regarde partout.
- Bien ta chambre.
- Déjà prise.
Ma réponse le fait sourire. Il s'approche du bureau et se penche pour mieux voir les photos de Nabil et moi.
- Vous avez l'air...
- heureux? On l'était...
Il me lance un regard navré, il semble sincère. Ça ne me suffira pas.
Nabil sort enfin.
- On y va?
De retour vers les parents, un curieux silence s'installe. Comme à son habitude, c'est Nabil qui le rompt le premier.
- Alors? Je pars quand?
Sa mère devait attendre qu'un de nous commence car elle a tout de suite enchainé.
- Ne dis pas de bêtises! Il n'est pas question que tu partes.
- Mais il n'est pas non plus question que j'arrête de voir Max, tu le sais ça?
Elle fait une sorte grimace qui semble mimer la résignation.
- Oui. Oui! Je l'ai bien compris.
Il reste sur la défensive. Il est redevenu le Nabil fort et solide que je connais.
- Et qu'est ce qui t'as fait changé d'avis aussi radicalement?
- Nabil!
C'est mon père qui l'a arrêté. Voyant la mère de Nabil visiblement très mal à l'aise, il continue.
- Il faudra un peu de temps
- il n'est pas question que j'attende pour le revoir.
- Laisses moi terminer! Il faudra un peu de temps à ta mère pour s'accommoder à cette situation... nouvelle.
- Je suis désolée les enfants, désolée d'avoir réagi comme ça. Tu es mon fils Nabil et je t'aime et...
L'émotion la submerge. Nabil ne bouge toujours pas, toujours prêt de moi. Et c'est mon père qui reprend une nouvelle fois.
- dans un premier temps vous vous verrez ici, comme avant.
- Dans un premier temps?
Les regards se tournent vers moi.
- Oui. Le temps que tu fasses connaissance avec la famille de Nabil. Il n'y a aucun mal à ce que ça se passe en douceur.
Je regarde Kader puis sa mère. Mon regard doit être froid car ma mère se racle bruyamment la gorge.
- Je veux apprendre à te connaitre Maxcence. Vraiment...
Sa voix est toute chevrotante. Elle d'ordinaire si forte et sûre d'elle semble désarmée, presque effrayée.
Tout le monde semble attendre ma réponse. Je prends mon temps.
- Très bien. Seulement si ça convient à Nabil.
Je me tourne vers lui.
- Ça m'va.
La tension redescend. Kader prend son petit frère dans ses bras. Il me regarde fixement. Puis il s'approche, les bras ouverts. Je lui tends la main.
- Il n'y a aucun mal à ce que ça se passe en douceur...
Une fois encore il sourit. Il me sert la main et pose tout de même son autre main sur mon épaule.
Nous nous séparons en même temps que Nabil s'écarte de sa mère. On se regarde quelques instants, comme si on cherchait à définir quelque chose de très compliqué. Je fais le premier pas et l'embrasse timidement. Mes parents me sourient.
- C'est déplacé si je suggère que Nabil reste pour la nuit?
Mes parents, Kader et Nabil éclatent de rire, plus par soulagement que pour le sens comique de mes propos. La mère de Nabil me regarde et rit enfin à son tour.
- Je pense que vous pouvez manquer les cours demain. Vous l'avez bien mérité.
J'adore ma mère.
Les parents décident d'aller chercher de quoi manger. Kader me regarde, gêné. Je réponds à sa demande muette de la même manière, d'un simple regard. Il me sourit.
Nous restons donc tous les trois. Je leur propose à boire. Coca pour tout le monde. Nous allons dans ma chambre. Les frangins s'installent dans le canapé, et moi dans le cabriolet.
- Alors? Comment ils vous ont fait changé d'avis?
Kader regarde ses mains. Il n'a pas l'air très fier.
- En fait, quand j'ai vu comment t'étais après votre rupture, j'ai compris que j'avais fait une connerie. Donc ça a pas été très difficile pour moi.
Il me jète un regard furtif, pour jauger ma réaction. Je m'efforce à afficher un visage neutre. Je ne veux pas lui faciliter la tâche.
- Pour maman, ses parents, enfin les parents de Max, lui ont fait comprendre que tu étais majeur, et que si c'était nécessaire, tu viendrais vivre ici. Et elle a eu vraiment peur, elle veux pas te perdre. Et moi non plus. Et puis on a vraiment flippé de pas savoir où t'étais...
Il le prend par l'épaule.
Même s'il me faudra du temps pour leur pardonner, je suis heureux qu'ils soient réconciliés.
Nabil me regarde, me sourit.
- J'crois que j'peux redéballer mes affaires non?
Je lui souris à mon tour. Il se lève et s'approche. Il se baisse, prend ma tête entre ses mains, regarde son frère une seconde, et m'embrasse. Il me lâche en éclatant de rire. Je jète un oeil à Kader. Il n'a pas l'air dégouté, ni gêné. Il rit lui aussi.
Nabil fonce ensuite dans la salle de bain vers le sac qui contient toutes ses affaires et entreprend de remettre chaque chose à sa place d'origine.
- Il tient vraiment à toi tu sais.
J'acquiesce de la tête.
- Ça fait quelques semaines que je suis revenu vivre chez ma mère. On dort dans la même chambre et souvent le soir je l'entendait chialer dans son lit. J'm'en veux vraiment tu sais.
J'acquiesce une nouvelle fois.
- Et t'as l'air de beaucoup l'aimé aussi.
- Oui. Plus que tout.
Il affiche un sourire qui se veut amical et rassurant. Je pense qu'il est sincère.
- Ça se voit t'inquiètes pas. Il a de la chance. Je pense pas qu'on m'ait déjà aimé comme ça.
Pour la première fois, je m'autorise à lui sourire.
- Tu dois te dire que si j'étais un peu moins con...
Je me mets à rire.
- J'y ai pensé. J'avoue.
Nabil a terminé. Nous continuons à parler de tout et de rien jusqu'au retour des parents. J'ai même fait visiter l'appart à Kader, qui a prononcé un nombre incalculable de "putain". Ça doit être de famille. Puis mon père a laissé nos mères préparer le diner et nous a rejoint. Je l'ai pris dans mes bras et je l'ai remercié. Nabil a fait de même. Nous avons discuté jusqu'à ce qu'elles viennent nous chercher.
Le repas s'est dans l'ensemble bien passé. La mère de Nabil, assise en face de moi, a longuement scruté chacun de mes faits et gestes. Je n'ai pas relevé. Nabil, quoi que complètement épuisé, rayonnait tout bonnement. C'était tout ce qui comptait. Kader a continué de se montrer gentil avec moi, je n'ai rien fait pour lui rendre la tâche difficile. Puis peu à peu sa mère s'est montrée de plus en plus curieuse à mon sujet, et là encore, je n'ai rien fait pour la dérouter.
Nous avons pris le dessert confortablement installés au salon, tous éreintés par cette journée peu ordinaire. Nous avons encore parlé, Nabil et moi avons bien sûr été au centre des discussions. La mère de Nabil m'a dit qu'elle serait très heureuse que je vienne un soir "manger à la maison". Comme pour saluer son effort, je lui ai assuré que ce serait avec plaisir. Nabil, son bras autour de mes épaules, semblait heureux.
Puis Kader et sa mère ont jugé temps de partir, nous les avons accompagné jusqu'au hall d'entrée. Nabil s'est placé derrière moi, ses bras fermés autour de ma taille, son menton sur mon épaule. Sa mère, bien que visiblement mal à l'aise, n'a rien dit et s'est contenté de sourire. Nous avons dis au revoir à tout le monde et nous nous sommes retirés quand mes parents les ont raccompagné jusqu'en bas.
Une fois dans ma chambre, Nabil me prend dans ses bras, et plonge son regard dans le mien. Il reste comme ça, sans rien dire. Je profite de ce moment pour prendre conscience que j'aurais très bien pu perdre tout ça à jamais, et ne plus connaître le réconfort de ses bras, la chaleur de son corps, la beauté de son visage ou encore le noir si profond de ses yeux... Puis il se décide enfin à m'embrasser. Là encore, je prends le temps de réaliser qu'il est de nouveau là, que le manque ainsi que la douleur qui lui était associé durant ces dernières semaines ont disparu, remplacés par ce sentiment si fort, ce sentiment d'être enfin complété, et de nouveau vivant. Je ne peux retenir mes larmes.
- Qu'est ce qu'y a bébé?
Et ce regard... ce regard si puissant, et ô combien salvateur...
- Tu m'as tellement manqué...
- Je sais bébé je sais... je suis là maintenant...
Il me sert contre lui. Je me souviens m'être à cet instant accroché à lui, comme si la survie du monde en dépendait, juste pour qu'il sache combien je pouvais avoir besoin de lui.
Nous sommes restés enlacés, en silence, un long moment, jusqu'à ce qu'en fait mes parents frappent à la porte de ma chambre. J'ai lâché Nabil, à contre coeur, et je leur ai ouvert. Nous les avons embrassé chacun notre tour, nous les avons remercier. J'ai pris mon père dans mes bras, et il m'a chuchoté à l'oreille:
- On est très fier de toi...
Et quand Nabil l'a embrassé, il lui a dit:
- Prends bien soin de lui.
- C'est c'que j'vais faire monsieur.
- Je te fais confiance...
Nous les avons regardé avec ma mère, et nous avons encore versé une larme. Ils nous ont laissé.
Je suis allé prendre une douche, Nabil est venu avec moi. Nous y sommes resté très longtemps, à nous embrasser, à nous caresser, à se dire qu'on s'aimait. Puis nous nous sommes couchés et endormi, dans les bras l'un de l'autre, sans même avoir fait l'amour, tout simplement parce que ce que nous ressentions en cet instant était tellement plus fort...
Ptigars
ptigars1992@live.fr
Rêve ou réalité, ces histoires ne doivent pas vous faire oublier les dangers d'une relation sexuelle sans protection. METTEZ DES CAPOTES
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